(Buffalo) Le point de presse d’après-match de Martin St-Louis tire à sa fin quand une voix espiègle se manifeste derrière la mêlée.

« Est-ce que le numéro 20 ce soir t’a fait penser à un autre numéro 20 ? », entend-on.

On se retourne et voici le toujours rigolo Colby Armstrong, maintenant analyste, teigneux joueur naguère, qui a porté le 20 pour le Canadien il y a une décennie. Sa boutade portait donc le numéro 20 d’aujourd’hui, Juraj Slafkovsky, le nom sur toutes les lèvres après la victoire de 3-2 du Canadien sur les Sabres en fusillade.

« C’était la première fois qu’il marquait en tirs de barrage, la première fois qu’il se battait. Une couple de premières, mais ce n’est pas la première fois qu’il jouait physique et intense comme ça », s’est réjoui St-Louis.

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Juraj Slafkovsky (20) célèbre son but gagnant en tirs de barrage.

Le coach du CH devait surtout se réjouir de la suite de l’expérience du grand Slovaque avec Cole Caufield et Nick Suzuki. La quête d’un ailier complémentaire pour les deux vedettes offensives du CH a été un des mandats les plus ardus de St-Louis cette saison. Si vous possédez un chandail du Canadien, des patins et que vous respirez, vous avez de bonnes chances d’avoir joué avec messieurs Caufield et Suzuki jusqu’ici.

Après trois matchs, l’ajout de Slafkovsky comme pièce complémentaire sourit au duo. Certes, leurs résultats à trois ne sont pas tant renversants. À 5 contre 5, selon Natural Stat Trick : 1-2 au chapitre des buts marqués et accordés, 72-70 aux tentatives de tirs, 15-15 aux chances de marquer de qualité.

Mais Slafkovsky, tout premier choix du repêchage de 2022, théoriquement une future pierre d’assise de l’équipe, apparaît transformé aux côtés des deux comparses. Il a encore bourdonné toute la soirée, trouvé les lignes de passe vers Caufield et dérangé l’adversaire en échec-avant. Il demeure jeune et peut commettre des bévues, comme celle en fin de deuxième période qui a causé le chaos en territoire montréalais, mais dans l’ensemble, on est loin du joueur effacé du début de saison.

Je me sens en confiance. Je veux la rondelle, je veux faire des jeux, je veux trouver les gars, car eux me trouvent. Je joue avec les meilleurs joueurs de l’équipe. Je ne veux pas être le pire joueur du trio. Je veux juste créer des jeux comme eux.

Juraj Slafkovsky

Primeau rebondit

Le nom de Slafkovsky était sur toutes les lèvres, disait-on. En fait, on a menti et vos plaintes au Conseil de presse seront justifiées. Le nom de Cayden Primeau était assez populaire aussi.

Ce serait le cas de tout gardien qui, comme lui, a gagné en repoussant 46 tirs. Mais le contexte rend sa performance impressionnante, car à son dernier départ, le 30 novembre, il avait été criblé de cinq buts, tous du côté de la mitaine.

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Cayden Primeau frustre Kyle Okposo.

Cette fois, il a tenu bon dès le départ et a même déclenché, en deuxième période, des « Primeau, Primeau » d’une foule peuplée de chandails rouges. Une démonstration éloquente pour la douzaine de recruteurs de la LNH sur place, sachant que le Canadien devra tôt ou tard échanger un de ses trois gardiens.

« On va chercher deux points avec le jeu de Primeau et notre désavantage numérique, a estimé St-Louis. Si on n’écoule pas des pénalités… Surtout en début de match. On en a pris trois en première période. Ça nous a permis de rester dans le match.

« C’était un gros match pour lui. Il n’était pas content de son dernier match. Là, il n’a pas [rebondi]. Il a été plus loin qu’où il était avant. »

Un but avant une pénalité !

Puisqu’on y est, un troisième nom circulait dans les corridors du KeyBank Center : Jayden Struble.

Pensez-y : en quatre ans à l’Université Northeastern, Struble a obtenu 190 minutes de pénalité et inscrit seulement 9 buts. Il aurait été audacieux de parier qu’il marquerait son premier but dans la LNH avant de visiter le cachot, mais c’est ce qu’il a réussi en redirigeant un tir-passe de Johnathan Kovacevic.

« C’est une statistique folle, a-t-il concédé. J’essaie d’être discipliné. Je ne veux assurément pas nuire à l’équipe en prenant des pénalités. Donc ça va bien, oui. »

Ça va peut-être bien, mais comme Slafkovsky, comme Primeau, il a lui aussi ses hauts et ses bas. En début de troisième période, les duos de défenseurs étaient déphasés puisque Kaiden Guhle était encore au vestiaire. Struble s’est donc retrouvé avec Gustav Lindström le temps d’une présence, et les deux arrières n’ont pas communiqué convenablement pour couvrir le toujours mal commode Jeff Skinner. Résultat : un Skinner esseulé dans l’enclave a amorcé la remontée des Sabres en marquant.

« Je venais de faire une mauvaise passe au centre, qui n’était pas facile à maîtriser. Et oui, il y a eu un peu de confusion. Donc j’étais soulagé qu’on gagne, car je me sentais coupable pour ce but », a admis Struble.

Toutes ces performances mises ensemble ont donné une victoire bien imparfaite du CH, imparfaite car il a fallu que St-Louis demande un temps d’arrêt, qu’il a meublé de quelques mots qui ne se répètent pas, afin de ramener l’équipe dans le droit chemin.

Mais St-Louis l’avait dit lors de son point de presse jeudi : son équipe « apprend à jouer au hockey ». Ce qui va venir inévitablement avec des moments du genre.

Il reste que cette victoire a surtout été arrachée grâce à des performances supérieures à l’habitude de quelques jeunes. Tout le contraire du triomphe du 23 octobre, toujours à Buffalo, qui avait été l’œuvre des vétérans. Mais avec Jake Allen qui était resté à Montréal, David Savard blessé et plusieurs vétérans au ralenti offensivement, cette équipe a besoin du concours de ses jeunes. Ils ont répondu à l’appel samedi.

En hausse

Cole Caufield

Avec neuf tirs cadrés et trois autres hors cible, il a tout fait sauf marquer. Dans les circonstances, il n’a pas volé son but en tirs de barrage, son premier de la saison en cinq tentatives.

En baisse

Justin Barron

Barron et son partenaire, Kaiden Guhle, ont connu une soirée difficile jeudi. Guhle a retrouvé son aplomb, mais c’était très difficile pour Barron, qui a multiplié les maladresses dans sa zone.

Le chiffre du match

25

Jeff Skinner s’amuse toujours contre le Canadien. Son but était son 25e, en 40 matchs, face au CH. Parmi les joueurs actifs, seuls Alexander Ovechkin (37) et Auston Matthews (26) comptent plus de buts face au CH.

Dans le détail

Pearson tombe au combat

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Tanner Pearson (70)

Samedi matin, nos bons amis de NHL Injury Viz nous rappelaient que le Canadien venait au deuxième rang de la LNH – derrière les Sharks – pour les matchs ratés sur blessure par ses joueurs cette saison, avec 118, un chiffre qui n’inclut pas Carey Price. Le retour imminent de David Savard laissait croire à une embellie prochaine, mais voilà que Tanner Pearson a déclaré forfait au terme de la première période, blessé au haut du corps. À sa dernière présence, le vétéran a bloqué un tir de JJ Peterka, et tout porte à croire qu’il se serait blessé sur ce jeu, au bras ou à la main gauche. Notons que c’est à cette même main qu’il a subi une demi-douzaine d’opérations la saison dernière. Le Tricolore comptait sur Michael Pezzetta comme attaquant surnuméraire pour ce match, donc l’équipe n’est pas tenue de rappeler un avant pour la joute de ce dimanche à Montréal. Il faudra voir dans quel état les joueurs se présenteront au Centre Bell, cela dit, car Justin Barron et Kaiden Guhle ont tous les deux dû rentrer au vestiaire pendant le match, avant de revenir au jeu.

Robuste Dahlin

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Rasmus Dahlin (26)

Samedi matin, les joueurs du CH étaient nombreux à vanter les habiletés de Rasmus Dahlin en possession de rondelle. Il a toutefois démontré qu’il pouvait aussi avoir un impact sans la rondelle, distribuant les percutantes mises en échec. Il a réservé son coup d’épaule le plus retentissant pour Sean Monahan en fin de match, mais a aussi fait mal à Guhle en fin de deuxième période, après que le défenseur du Canadien eut chuté. Dahlin a terminé la rencontre avec six mises en échec, soit presque autant que les 18 patineurs du Tricolore (10).

Ambiance festive

Le KeyBank Center de Buffalo pouvait parfois être confondu avec un salon Urgel Bourgie ces dernières années. Les restrictions aux douanes en temps de pandémie, peut-être aussi une décennie de médiocrité des Sabres, ont rendu bien terne cet amphithéâtre autrefois intimidant. Samedi, les deux équipes se sont toutefois produites dans un aréna animé comme dans les belles années de Daniel Brière et Jean-Pierre Dumont. L’habituel contingent de partisans du Canadien s’est certes manifesté, mais tout « Go Habs Go » était systématiquement enterré par des huées bien nourries. The Athletic rapportait la semaine dernière que les foules aux matchs des Sabres sont en hausse de 15 % par rapport à la saison dernière. Un marché de Buffalo en santé est évidemment une bonne nouvelle pour la LNH.