(Buffalo) Les portes du vestiaire des Sabres s’ouvrent en ce vendredi midi, au terme d’un court entraînement. Les collègues se ruent vers Eric Robinson, le nouveau venu acquis de Columbus deux jours plus tôt. Ce qui permet à La Presse d’aborder le Québécois Devon Levi seul à seul.

On arrive avec un élément d’information intéressant. Quelques minutes avant l’ouverture des portes, à 600 km d’ici, Martin St-Louis confirmait que Cayden Primeau défendrait le filet du Canadien à Buffalo.

« Je n’ai jamais joué avec Cayden, mais j’ai eu la chance de lui parler. Il m’a donné des conseils à ma première année au collège, raconte Levi, s’exprimant en français en attendant que les collègues de Buffalo s’approchent de son casier. C’est un très bon gars. J’ai hâte de le voir, lui et Jordan Harris. Et est-ce que Jayden Struble sera là ? » On l’informe alors de la blessure de Harris, et de la présence de Struble lors des huit derniers matchs.

Le lien entre Levi et tout ce beau monde ? L’Université Northeastern. Primeau (2017-2019), Harris (2018-2022), Struble (2019-2023) et Levi (2021-2023) sont tous issus de cette institution bostonienne.

Le lecteur à l’affût aura noté que Primeau et Levi se sont manqués de deux ans. Mais les programmes de hockey universitaire étant de grandes fraternités, les deux hommes masqués ont tissé des liens. Quels conseils Primeau lui a-t-il offerts ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Cayden Primeau

« Il m’a dit que le collège avait été une des plus belles périodes de sa vie et de m’amuser, a répondu le Dollardien. Il m’a aussi parlé avant le Mondial junior et il m’a donné le même conseil. Il était comme un mentor pour moi quand j’étais à Northeastern. Il était tellement bon, j’ai voulu accomplir les mêmes choses que lui là-bas. »

Levi n’a pas à rougir. Primeau a remporté le trophée Mike-Richter (gardien de l’année dans la NCAA) en 2019 ; Levi l’a gagné deux fois plutôt qu’une, en 2022 et en 2023.

Les deux gardiens pourraient maintenant s’affronter pour la première fois, ce samedi. Jeudi, Levi a aidé les Sabres à vaincre les puissants Bruins 3-1, à Boston de surcroît. L’occasion est belle pour le récompenser avec un deuxième départ de suite, contre l’équipe de son enfance. Don Granato n’a toutefois pas voulu confirmer que Levi serait son gardien partant.

« Il a de bonnes chances, a d’abord lancé l’entraîneur-chef des Sabres. Il a 50 % des chances ! »

Un premier renvoi

Pour Levi, cette victoire à Boston est tombée à point nommé.

Après une entrée encourageante dans la LNH vers la fin de la saison dernière (5-2-0, efficacité de ,905), le Québécois a connu des ratés en début de calendrier. Au 28 novembre, il montrait une fiche de 3-4-1, une moyenne de 3,73 et une efficacité de ,876, ce qui lui a valu un renvoi à Rochester dans la Ligue américaine, la première rétrogradation de sa jeune carrière professionnelle.

Levi a toutefois accepté le tout avec philosophie. « Les hauts et les bas vont seulement t’aider à t’améliorer. J’aurais pu me laisser abattre, mais je l’ai abordé comme une occasion d’apprendre et de grandir. Si tu adoptes cette mentalité dans la vie avec les obstacles, tu vas grandir au lieu de plafonner », a plaidé le gardien.

Son attitude exemplaire l’a servi sur la patinoire, où il a repoussé 40 tirs dans une victoire de 3-2 à son premier départ dans la Ligue américaine. Après le match, on l’a coiffé d’une tête d’aigle, objet symbolique puissant, l’équivalent au hockey du saint chrême lors du couronnement d’un roi.

« Cette attitude m’a aidé à bien jouer. Je suis rentré dans un rythme, j’ai joué deux matchs, en plus de celui [de jeudi]. Et je me prépare pour [samedi], même si je ne sais pas qui jouera. Ça m’a aidé de disputer deux matchs. » L’absence du gardien Ukko-Pekka Luukkonen, malade, a ensuite forcé son rappel.

Cet épisode démontre que, pour Levi comme pour Primeau, une riche carrière universitaire ne garantit rien chez les pros, particulièrement à la position de gardien, où le développement est plus tardif.

« Je ne sais pas si ça existe, une transition en douceur vers les circuits professionnels, s’est questionné Don Granato, car quand ils arrivent ici, ces gars-là sont à des années de leur potentiel. Le chemin vers l’excellence passe par beaucoup de hauts et de bas, par des défis et des difficultés. Devon l’a déjà vécu en début de saison et il a très bien répondu. Il va dans la bonne direction et on a bon espoir en raison de son dévouement. »

Une routine à changer

Parlant d’obstacles… Le confrère de Sportsnet Jeff Marek a laissé tomber un bout d’information intrigant cette semaine. La LNH a en effet demandé à Levi de modifier ses séances de méditation pendant les matchs.

Pardon ?

Levi s’adonnait en effet à de courtes séances de méditation pendant les pauses publicitaires de ses matchs, généralement devant le filet ou dans l’enclave.

« J’ai commencé pendant la pandémie. Je ne pouvais pas aller sur la patinoire, donc je devais trouver d’autres façons de m’améliorer, raconte-t-il. Mon jeu sur la glace était ma force, mais je devais gagner en maturité, devenir plus fort mentalement. À 18 ans, ça peut faire une grande différence. Plusieurs gardiens de 18 ans peuvent arrêter la rondelle, mais c’est ce qui se passe dans ta tête qui fait la différence. À ce niveau-ci, plusieurs gars sont bons sur la glace et mentalement. »

Levi a donc adopté cette routine, qu’il faisait jusqu’à tout récemment. « Le but, c’est de laisser aller mes pensées, de ne pas courir après. C’est d’être dans le moment, de ne pas penser au futur ou au passé, de faire l’effort d’être dans le présent. »

Sa routine n’était pas un problème à l’université, où les préposés à la patinoire ne procédaient qu’à un déneigement sommaire. Mais dans la LNH, ils sont huit à traverser la patinoire sur la longueur afin de pelleter le surplus de neige. Dit platement, la LNH jugeait que Levi était dans les jambes.

Notre homme devra donc trouver une solution. À voir son attitude face aux obstacles, ça ne devrait pas poser problème.

En bref

Struble, l’athlète

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Jayden Struble

Il était drôle d’entendre Jayden Struble et Devon Levi se décrire l’un l’autre. Jeudi matin, dans le vestiaire du Canadien, Struble parlait de Levi comme d’une « bibitte rare, dans un sens positif ! » « C’est dur à décrire. Il est spécial. Il est le genre de gars qui a son horaire, son monde. Si tu ne le vois pas, arrête de le chercher, car il est en train de faire ses choses dans son monde ! », racontait le défenseur du Canadien. Levi garde lui aussi de bons souvenirs de Struble, « le genre de gars que tu veux dans ton équipe. Il aime les gars et veut tout faire pour eux. Et il est dur, il va te défendre. Tu ne veux pas en venir aux coups avec lui ! » Le gardien des Sabres a aussi confirmé les nombreux témoignages au sujet des capacités athlétiques de Struble. « Son saut vertical est fou. Au gym, on faisait des sauts sur une boîte. Lui, il peut sortir du lit, arriver au gym sans échauffement, et il vole. C’est un phénomène de la nature ! »

Dahlin incertain

PHOTO JEFFREY T. BARNES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Rasmus Dahlin

Par ailleurs, les Sabres pourraient être privés de leur général en défense, Rasmus Dahlin. Le grand défenseur a raté le duel de jeudi à Boston en raison d’une blessure au bas du corps et il n’a pas participé à l’entraînement de vendredi. Don Granato a dit que sa présence ce samedi contre le Canadien était « possible », sans plus. Dahlin vient au 2rang chez les Sabres cette saison avec 21 points (6 buts, 15 passes) en 26 matchs. Son temps de jeu de 25 min 5 s par match est le 7e dans la LNH.