« Qui veut gager là-dessus ? »

Martin St-Louis avait presque l’air de défier son auditoire, tant il semblait convaincu par ce qu’il avançait, en point de presse après l’entraînement de mercredi.

Gager sur quoi ? Sur la possibilité de revoir Logan Mailloux à Montréal cette saison. Le défenseur de 20 ans a été retranché du camp du Canadien mardi après-midi.

Au fait, c’est au détour d’une réponse sur un tout autre sujet que l’entraîneur-chef du Tricolore s’est enflammé. Il était question de savoir si St-Louis était ouvert à la possibilité que des défenseurs gauchers évoluent à droite, puisque c’est plutôt mince sur le flanc droit de la ligne bleue.

« Ça prend plus de 20 joueurs pour avoir une bonne saison dans la Ligue nationale. Même Logan, qui est descendu… En incluant Logan, ces gars-là encore ici vont faire partie de notre succès cette année, d’après moi. En les gardant plus longtemps, ça aide parce qu’on sait qu’aura besoin de plus de 20 gars. »

Donc Mailloux fera partie des succès du Canadien en 2023-2024 ? Si succès il y a, devrions-nous préciser.

« Je ne serais pas surpris qu’il monte, a poursuivi St-Louis. On va voir. Il y a-tu quelqu’un qui mettrait beaucoup d’argent sur le fait que Logan ne jouera pas un match dans la Ligue nationale cette année ? Qui veut gager là-dessus ? Pas moi, parce que les blessures, ça arrive, et le kid a montré qu’il est capable de jouer. Ça prend plus de 20 joueurs, ça prend de la profondeur, des gars capables de prendre une chaise en attendant qu’on revienne en santé. »

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

L’entraîneur-chef du Canadien, Martin St-Louis

De l’espace ?

Cette réponse laisse plusieurs éléments à décortiquer.

Premièrement, « ça arrive », phrase popularisée par Forrest Gump, et qui s’applique très bien au Canadien des dernières années. Nul besoin d’y revenir en détail ; le Tricolore est l’équipe dont les joueurs ont manqué le plus de matchs au cours des deux dernières saisons. Tous les malheurs s’abattaient dans ce vestiaire, au point où on s’est demandé si un joueur allait succéder au pauvre Ali Maow Maalin à titre de dernière personne atteinte de la variole.

En raison de ces nombreuses blessures, le Canadien a employé 11 défenseurs la saison dernière. Avec le départ de Mailloux, il en reste 10 au camp, dont un, Chris Wideman, qui n’a toujours pas été vu sur une patinoire depuis la reprise des activités.

Deuxièmement, Mailloux a, selon son coach, « montré qu’il est capable de jouer ». Le grand Ontarien a passé exactement 60 min 3 s sur la patinoire en matchs préparatoires, montrant une fiche de - 1. Très porté sur l’attaque, il s’est fait piéger par Jack Hughes à son tout premier match, et a laissé Auston Matthews et Mitch Marner s’amuser en désavantage numérique lundi. C’est le métier qui rentre.

Selon nos amis de Natural Stat Trick, le Tricolore a détenu l’avantage 7-3 au chapitre des chances de marquer lorsque l’ancien choix de premier tour était sur la patinoire à 5 contre 5.

Il a beaucoup d’habiletés naturelles qu’il peut montrer chaque fois qu’il est sur la glace. C’est impressionnant de voir un joueur comme ça contrôler la rondelle comme il le fait. Son avenir est vraiment bon.

Mike Matheson

Pourquoi donc ne pas l’avoir gardé plus longtemps s’il était si bon ?

« On veut que Logan joue de grosses minutes », rappelle St-Louis. À cet effet, les perspectives seront meilleures à Laval, puisqu’à Montréal, Matheson, David Savard et Kaiden Guhle ont tous joué plus de 20 minutes par match l’an passé. S’ils évitent les blessures cette saison, il sera plus difficile d’offrir des minutes significatives aux autres arrières.

L’explication

En entrevue avec La Presse la semaine dernière, le vice-président exécutif des opérations hockey du Canadien, Jeff Gorton, expliquait que St-Louis participait à la plupart des rencontres lorsque la direction du CH annonce à un joueur qu’il est retranché.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le vice-président exécutif des opérations hockey du Canadien, Jeff Gorton

« C’est important que tu donnes au joueur des raisons, la vérité, s’est justifié St-Louis. La communication est importante pour leur progression, donc je prends ça au sérieux. Et comme joueur, j’aimais savoir pourquoi. C’est correct, tu te fais couper, ce n’est pas la fin. Ce n’est pas une défaite, c’est un apprentissage. Mais c’est quoi, le plan, pour le jeune ? C’est un moment qui fait mal, émotionnellement. Mais c’est de parler du positif.

« On a eu une bonne conversation, j’étais fier de lui. L’an passé, il a été ici pendant tout le camp. Il n’a pas joué, mais il avait eu une grosse progression, juste en s’entraînant. Cette année, j’ai vu la même chose. Personne ne peut dire qu’il n’a pas eu un bon camp, avec tous ses atouts et son niveau de compétition. »

Si Mailloux veut se consoler, il peut consulter les statistiques de la saison dernière dans la LNH.

Selon les données de Hockey-Reference, seulement deux défenseurs de 20 ans ou moins y ont passé la saison entière : Owen Power et Jake Sanderson. Deux joueurs au talent supérieur, par ailleurs ; le premier a été le tout premier choix du repêchage de 2021, l’autre a été le cinquième joueur choisi en 2020. Un autre, Jamie Drysdale (6choix en 2020) aurait pu avoir cette chance, mais s’est blessé après huit matchs.

Tout ça pour dire qu’à 20 ans, les défenseurs jouent généralement dans la Ligue américaine, sinon dans la NCAA ou en Europe.

En cas de pépin, Mailloux pourrait néanmoins recevoir un appel. William Trudeau aussi. Un autre sur qui l’entraîneur pourrait parier son trop craindre de se tromper.