(Québec) Qui donc, à pareille date l’an dernier, estimait que le Kraken de Seattle atteindrait les séries éliminatoires ? Et qui, de manière encore plus audacieuse, avait prédit que le club se paierait l’Avalanche du Colorado, championne en titre, au premier tour ?

Dans l’ordre : presque personne, et personne.

On comprend mieux pourquoi Yanni Gourde sourit lorsqu’il est question des attentes envers son équipe.

« Les attentes, on n’aurait pas besoin d’en avoir : on va jouer au hockey, et ça fera ce que ça fera », a-t-il dit, la semaine dernière, en marge du ProAm Gagné-Bergeron, match caritatif tenu au Centre Vidéotron, à Québec.

La compétition est tellement féroce… L’objectif, c’est de faire les séries éliminatoires. À partir de là, tu veux aller le plus loin possible.

Yanni Gourde

Les Panthers de la Floride ont évidemment poussé à l’extrême cette affirmation, en juin dernier, en atteignant la finale de la Coupe Stanley après s’être qualifiés pour les séries à la dernière minute. Mais le Kraken a livré sa propre classe de maître en passant à une victoire de la finale de l’Association de l’Ouest.

« On a vraiment fait du progrès par rapport à notre première année. C’est emballant de voir ça », a encore dit Gourde.

Le terme « progrès » n’est probablement pas assez fort dans les circonstances. À sa deuxième année d’existence à peine, le Kraken a récolté 100 points au classement, soit 40 de plus qu’à sa campagne inaugurale. En outre, personne dans toute la LNH n’a marqué davantage de buts à cinq contre cinq (209).

Le Québécois de 31 ans, membre de la première heure du Kraken, était-il surpris de voir arriver ce succès si vite, surtout après une première saison difficile ?

« Oui et non, a-t-il répondu. Dès la première année, on voulait bien performer. On a essayé de se donner une identité, c’est ce qui était le plus important pour nous. On a trouvé une manière d’avoir du succès dans cette ligue-là, une façon de jouer pour être efficaces. On a continué à notre deuxième saison, et ç’a fonctionné.

« Je pense que c’était ça, notre point fort. On ne dérivait jamais trop de la façon dont on jouait bien. »

Une statistique éloquente à ce sujet : toutes phases de jeu confondues, la saison dernière, le Kraken a fini au quatrième rang des plus prolifiques attaques de la ligue, derrière les Sabres de Buffalo, les Bruins de Boston et les Oilers d’Edmonton. Or, personne à Seattle n’a percé le top 50 des marqueurs du circuit. Jared McCann, avec ses 70 points, ne sera jamais confondu avec Connor McDavid ou David Pastrnak.

Esprit de corps

Pourtant, la recette a fonctionné, et pas qu’un peu. Au cours de la dernière année, de bons joueurs se sont joints au Kraken – Oliver Bjorkstrand, Andre Burakovsky, Eeli Tolvanen –, sans pour autant qu’on ait déniché de grandes vedettes. Matty Beniers en sera une avant longtemps, mais pour l’heure, c’est surtout l’esprit de corps de ce groupe qui a fait son succès.

Le défi, maintenant, sera de maintenir ce niveau de performance.

« Autant sur le plan individuel que collectif, on veut toujours aller plus loin, se fixer de nouveaux objectifs, a énuméré Gourde. C’est pour ça que le hockey, c’est le fun : il y a toujours des choses à améliorer. Comme équipe, on veut connaître une meilleure saison. »

Encore une fois, l’objectif, ça reste de rentrer en séries. Et ça commence dès le camp d’entraînement.

Yanni Gourde

Si Gourde parle avec autant de passion des séries éliminatoires, c’est probablement parce que c’est le moment de l’année où il s’épanouit le plus. Il l’a prouvé en 2020 en amassant 14 points en 25 matchs dans la conquête de la Coupe Stanley du Lightning de Tampa Bay. Et il l’a confirmé le printemps dernier en prenant le premier rang des marqueurs du Kraken avec 13 points en seulement 14 rencontres – un rythme largement supérieur à sa récolte déjà très honorable de 48 points pendant la saison.

Pourquoi cette explosion en séries ? lui a demandé un reporter.

« C’est une bonne question, je ne sais pas trop, a-t-il rétorqué, gêné. Les matchs sont plus importants, il y a davantage à l’enjeu. J’essaie de ne pas trop changer ma game, je veux garder ça simple. En séries, il ne se marque pas juste de beaux buts. C’est des buts pour lesquels il faut travailler vraiment fort. C’est la manière dont j’essaie de jouer en saison, et ça aide en séries, j’imagine. »

C’est probablement une bonne hypothèse. Que Yanni Gourde se fera un plaisir de vérifier de nouveau si le Kraken reprend là où il a laissé.