Montréal est possiblement le marché des extrêmes par excellence au hockey. Certains mettent du temps à l’apprendre. D’autres, comme David Reinbacher, n’ont eu besoin que de cinq jours pour le constater.

La sélection de Reinbacher par le Canadien au cinquième rang a, disons, suscité de vives réactions. Si vives que sous sa dernière publication Instagram, le défenseur de 18 ans a dû désactiver la fonction permettant de la commenter. Qu’à cela ne tienne, les plus intenses des partisans ont écrit leurs commentaires sous ses publications précédentes. Des commentaires généralement positifs, mais quelques messages carrément méchants y ont aussi été déposés.

« On ne veut pas de toi », a écrit un des doctorants en philosophie. « Mauvais choix. Ce sont des vidanges », a ajouté un futur détenteur de prix Nobel.

Puis dimanche midi, au centre d’entraînement du Canadien, une partisane a donné à Reinbacher un livre dans lequel elle a recueilli des mots d’encouragement pour le nouveau venu.

« J’ai reçu un très beau cadeau, il y avait de beaux messages. Je vais regarder ça après. C’était chaleureux comme accueil. Je les en remercie », a indiqué l’Autrichien, après le premier jour du camp de développement du Tricolore.

L’épisode des commentaires négatifs a évidemment laissé ses traces. « Je ne veux pas en parler, a-t-il dit d’entrée de jeu, en mêlée de presse à Brossard. J’ai aussi reçu de beaux messages de partisans et je les en remercie, de la direction aussi. C’est maintenant le temps de travailler.

« S’ils parlent de moi en mal, je vais travailler pour leur prouver qu’ils ont tort. Je suis heureux d’être ici, c’est une étape de plus de mon rêve, qui est de jouer dans la LNH. On a un gros chiffre qui nous attend [la 25e Coupe Stanley], une grosse Coupe Stanley. Ça m’enthousiasme. »

Bons commentaires

Pourtant, si on se fie aux échos en provenance de l’Europe, ils sont nombreux à ne pas comprendre pourquoi la sélection de Reinbacher fait tant de bruit. On ne le tient pas de coéquipiers à Kloten qui veulent simplement rehausser le profil de leur ami ; ça vient plutôt de deux joueurs qui l’ont affronté cette saison en ligue nationale suisse.

Éric Gélinas est l’un d’eux. « J’ai lu que le p’tit gars se faisait poivrer. Je trouve ça tellement poche, mais des fois, c’est ça, le marché de Montréal. À mon avis, ils ont repêché un sale joueur de hockey », estime l’ancien défenseur des Devils et de l’Avalanche.

Gélinas a affronté Reinbacher une fois, avant de se blesser. Mais son club, le SC Bern [il est depuis passé au HC Ajoie], a affronté le jeune Autrichien plus tard en saison, de même que dans une série deux de trois, remportée par les Bernois. Diagnostic ?

PHOTO DARREN CALABRESE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

David Reinbacher

« En séries, il était leur meilleur joueur, ce n’était même pas proche », tranche-t-il.

Gélinas a affronté Lucas Raymond et été le partenaire à la ligne bleue de Moritz Seider, avant que ces deux espoirs prometteurs ne débarquent chez les Red Wings. « Je ne m’étais pas trompé avec Raymond. J’ai eu le même feeling avec Seider, mais c’était mon ‟partner”, donc j’en savais plus. Avec Reinbacher, j’ai le même genre de feeling. Ce gars-là a quelque chose. »

Guillaume Asselin, lui, jouait pour Ajoie la saison dernière. « Je voyais ça… Des gens qui ne l’ont jamais vu jouer et qui disent que c’est le pire choix de l’univers. Son potentiel, s’il grandit encore, sera solide. »

Pour ceux qui l’ont vu jouer ou, encore mieux, qui l’ont affronté, ça ressemble à quoi ?

« Ce n’est pas un Erik Karlsson, prévient-il. Il ne se passera pas la rondelle entre ses patins, mais il est créatif quand même. Il jouait sur leur deuxième unité en avantage numérique. Mais il est tellement jeune. Dans la LHJMQ, il aurait peut-être fait 85 points ! Je pense que ce sera un défenseur numéro 2, et en plus, il est droitier, c’est plus dur à trouver. »

Parce qu’il a un profil similaire, on sent que Seider sert souvent de base de comparaison pour évaluer Reinbacher. Mais nos deux intervenants s’entendent : la nouvelle prise du Canadien n’est pas du même style.

« Ce n’est pas la grosse mise en échec comme Seider. Sauf qu’il a 18 ans, donc tu penses qu’il sera mou sur son bâton, mais il est dur, détaille Asselin. Tu vas dans le coin, il est chien, il donne des doubles-échecs. À cet âge-là, ça va juste se développer avec le temps. »

« Notre plan de match en séries, c’était de les manger physiquement, car ils sont petits et offensifs, ajoute Gélinas. Nos gars l’ont testé. Il allait sur la rondelle en premier dans les coins. Des fois, un gars plus gros va s’arranger pour finir deuxième et éviter de se faire frapper. Lui, il veut la puck. Je suis un gros fan. »

En apprentissage

À Brossard aussi, les commentaires étaient élogieux. « Un gros défenseur fort, très intelligent, très dur à battre. Il est très stable et peut jouer beaucoup de minutes », estime un autre espoir du CH en défense, Lane Hutson. Ce dernier connaissait déjà Reinbacher, puisque les deux ont participé au récent Championnat du monde sénior, et au dernier Mondial junior.

Reinbacher va poursuivre son apprentissage cette semaine. Hors glace, plus tard dimanche, les espoirs étaient conviés au Centre Bell afin de visiter le vestiaire et les autres installations de l’équipe.

Et sur la patinoire, le jeune homme doit notamment s’adapter à la petite patinoire, sur laquelle il a très peu joué, hormis quelques tournois internationaux. « Ça vient plus vite, il faut prendre des décisions plus rapidement, note-t-il.

« C’était bien comme première journée, c’était dur, mais j’étais prêt. Je veux montrer que je peux être leur homme. »