C’était le festival du compliment, la semaine dernière à Buffalo, au camp d’évaluation de la LNH en vue du repêchage. Les nombreux espoirs du Programme national de développement des États-Unis (USNTDP) ont été particulièrement gâtés.

En vrac, les plus belles fleurs envoyées :

  • Le directeur général du Canadien, Kent Hughes, au sujet de Ryan Leonard : « Il joue dans le style de Matthew Tkachuk, Brady Tkachuk, agressif physiquement, très intense. »
  • Leonard, au sujet de Gabriel Perreault : « Il fait des jeux que tu ne pourrais pas voir en regardant le match au ralenti à la télévision. »
  • Dan Marr, vice-président de la Centrale de recrutement de la LNH, au sujet d’Oliver Moore : « Sa vitesse fait la différence. Mais il a les talents de marqueur, il est bon avec la rondelle, il a de la détermination. Il est très complet et je pense que les entraîneurs voudront l’envoyer dans toutes les situations. »

On vous épargne les éloges au sujet de Will Smith. Mais Perreault et Smith, pour ce que ça vaut, ont conclu la saison avec respectivement 132 et 127 points. Ils ont ainsi fracassé le record de 117 points en une saison avec l’USNTDP, marque qui appartenait à un type du nom d’Auston Matthews.

La plupart des repêchages simulés prévoient pour Smith une sélection parmi les cinq premiers. La Centrale de recrutement de la LNH, elle, le classe 3espoir en Amérique du Nord, devant Leonard (5e), Moore (8e) et Perreault (10e).

Les leçons de 2019

C’est la deuxième année de suite que le programme américain prend autant de place dans les discussions. L’an dernier, Logan Cooley avait été repêché 3e, suivi de Cutter Gauthier (5e), Frank Nazar (13e) et Rutger McGroarty (14e). Tous des attaquants. Aucun de ces joueurs n’a toutefois encore joué dans la LNH, donc il faudra quelques années avant d’évaluer ces choix.

En revanche, le portrait du repêchage de 2019 commence à se clarifier. Cette cuvée avait été historique pour l’USNTDP ; huit de ses membres avaient été repêchés au premier tour, dont sept dans le top 15. « On les admire. Ces joueurs-là ont établi un standard et on essaie d’être à la hauteur », a fait valoir Oliver Moore à leur sujet.

Un rappel de membres de ce grand cru du top 15 :

1- Jack Hughes (NJD)

5- Alex Turcotte (LAK)

9- Trevor Zegras (ANA)

12- Matthew Boldy (MIN)

13- Spencer Knight (FLA)

14- Cam York (PHI)

15- Cole Caufield (MTL)

Hughes vient de connaître une saison de 99 points. La poutine Michigan ne fait pas l’unanimité, les buts Michigan de Zegras non plus ; toujours est-il qu’avec ses manœuvres spectaculaires, Zegras vient de connaître deux saisons de 60 points de suite. Caufield était en voie de franchir la marque des 40 buts cette saison avant de se blesser. Boldy : 31 buts, 32 aides en 2022-2023.

Knight et York, respectivement gardien et défenseur, prendront plus de temps à se développer.

Le lecteur attentif aura donc noté que Turcotte est le seul qui n’a pas été nommé jusqu’ici. C’est qu’il n’a toujours pas percé dans la LNH, n’y ayant joué que 12 matchs, sans obtenir de point. Même dans la Ligue américaine, son impact offensif se fait attendre ; il a été limité à 17 points en 32 matchs à Ontario cette saison. À 22 ans, il a encore le temps de remettre sa carrière sur les rails, mais disons simplement qu’il passerait loin derrière Zegras, Boldy et Caufield si l’encan de 2019 était à refaire.

Pourtant, le fils d’Alfie Turcotte faisait l’unanimité. Des recruteurs consultés par La Presse à l’époque lui prévoyaient une sélection au 3e ou au 4rang. « Un compétiteur qui est aussi très talentueux », avait résumé un éclaireur. Le réputé confrère de TSN Bob McKenzie, qui a un carnet de contacts bien garni, l’avait classé 4espoir. Bref, le choix des Kings respectait la logique, pour un joueur dont le jeu d’ensemble était vanté, à défaut de faire tourner les têtes par ses habiletés.

La seule mise en garde : son attitude, jugée un tantinet trop confiante lors de ses rencontres avec les équipes. Cette arrogance était également ressortie en entrevue avec les médias au camp d’évaluation à Buffalo.

Et cette année ?

Le défi des recruteurs cette année, défi qui se posera pour le Canadien au 5rang, sera donc de déterminer les véritables moteurs de l’USNTDP cette saison, et ceux qui bénéficiaient plutôt d’un entourage ultratalentueux comme, avec le recul, Turcotte.

Un des problèmes : Leonard, Smith et Perreault ont passé la quasi-totalité de la saison ensemble. « C’est drôle, ils appellent ça le programme de développement, mais ça aurait aidé de leur donner la chance de jouer séparés. On aurait aimé les voir avec d’autres joueurs », a déploré un recruteur de la LNH sous le couvert de l’anonymat.

PHOTO JEFFREY T. BARNES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Ryan Leonard, lors du camp d’évaluation de la Ligue nationale en vue du repêchage

Par sa vision du jeu jugée phénoménale, Perreault pourra-t-il alimenter ses coéquipiers au niveau supérieur, malgré son coup de patin moyen ? Leonard a beau avoir la fougue des Tkachuk, il est répertorié à 6 pi et 192 lb. Pourra-t-il être aussi intimidant que les deux frangins quand il affrontera des hommes ?

Kent Hughes est bien au fait des difficultés de l’évaluation des joueurs de ce programme.

« Quand tu évalues un joueur dans le programme américain, ce sont les meilleurs jeunes au pays, a prévenu le directeur général du Canadien, jeudi, à Buffalo. Mais certains vont devenir des joueurs de troisième ou de quatrième trio, des défenseurs 5 ou 6. Ils ne seront pas tous placés dans le même contexte qu’ils ont connu toute leur vie. Il faut évaluer ça aussi. Souvent, un joueur a un potentiel qu’on n’a pas vu parce qu’il n’a pas été placé dans ce contexte. »

On peut donc se demander, par exemple, si Oliver Moore n’a pas été victime de la stabilité du premier trio. Lui reste cependant bon prince. « Tout le monde est bon dans cette équipe. Tu ne peux pas te morfondre sur le fait que tu joues au sein du deuxième trio. »