Samuel Montembeault était tout fier de relever son short pour dévoiler la belle grosse trace de rondelle sur le haut de sa cuisse. « C’est à cause de lui. Si tu lui donnes du temps, son tir est très lourd. »

« Lui », c’est Joel Armia, héros inattendu du triomphe de 6-2 du Canadien contre des Capitals de Washington peu inspirés, jeudi. Le genre de victoire mémorable pour les plus braves partisans du Tricolore, ceux qui pourront désormais se vanter d’avoir perdu une casquette pour lui. Armia a en effet signé le deuxième tour du chapeau dans la victoire.

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On parle d’un héros inattendu parce qu’avant ce jeudi magique, Armia avait inscrit exactement 17 buts depuis que la pandémie a changé notre monde. Dix-sept buts en 140 matchs.

D’un autre côté, on ne devrait pas se surprendre qu’il réussisse un tour du chapeau. Le refrain est connu, mais Armia est doté d’habiletés enviables, assez pour que les recruteurs des Sabres de Buffalo tombent en amour avec lui en 2011 et le repêchent au 16e rang. Ces habiletés, on les a notamment vues à ses deux premiers mois à Montréal, à l’automne 2018, mais aussi pendant les séries de 2021.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Rafaël Harvey-Pinard (49) et Craig Smith (16)

« Ça semble tellement facile pour lui, a dit Rafaël Harvey-Pinard, son compagnon de trio jeudi. Tout est naturel. Ses mains, son lancer… c’est un tireur d’élite. On l’a vu ce soir. Ses buts, c’était sur des lancers qu’on ne voit pas souvent dans un match. »

Certains rares soirs, Armia a l’air de ce joueur que décrit Harvey-Pinard. « Probablement quand je gagne des batailles et que je crée des chances, croit le Finlandais. Je sais que je peux aussi marquer. Mais trop souvent, je suis mon pire ennemi en étant trop dur envers moi-même.

« Ça arrive quand je manque des chances, si je perds une bataille. J’ai toujours été comme ça. Je dois mieux gérer ça. »

Armia dit y travailler avec notamment Jean-François Ménard, le spécialiste en préparation mentale du Tricolore. Martin St-Louis tente lui aussi de « lui parler beaucoup » pour l’aider. « De moins bons joueurs ont beaucoup de confiance et de très bons joueurs qui ont une confiance fragile », a rappelé l’entraîneur-chef du CH.

« Aussi simple que ça puisse paraître, tu ne peux pas jouer un match parfait, a rappelé Armia. Je dois le comprendre. Tout le monde fait des erreurs. Tu ne peux pas te morfondre sur ces erreurs. »

Les points de fin de saison

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Michael Matheson

Michael Matheson en est un autre qui a profité de la visite des Capitals pour engraisser ses statistiques. Le défenseur québécois a obtenu trois aides pour établir un sommet personnel en une saison dans la LNH avec 33 points, en seulement 45 matchs. Son rythme de production depuis le match des étoiles est renversant : 25 points en 28 sorties.

Ce n’est pas vraiment une question d’avoir le feu vert. Quand la chance est là, prends-la. Tu dois savoir quand y aller, quel est le ratio risque-récompense.

Michael Matheson

Sans rien enlever à Matheson, il importe de rappeler que ses points ont été amassés dans un contexte où le Tricolore joue sans enjeu. Sa séquence de 25 points en 28 rencontres s’est amorcée à la pause du match des étoiles, lorsque l’équipe était virtuellement éliminée. Or, l’histoire nous a appris que dans ces fins de saison à l’eau, il faut se méfier des joueurs qui se mettent à empiler les points à une cadence inhabituelle.

Pensez à Rem Pitlick, auteur de 21 points en 37 matchs après la pause du match des étoiles l’an dernier. Lorsque les compteurs ont été remis à zéro l’automne dernier, il est devenu un joueur marginal. Alex Galchenyuk, lors de la fin de campagne 2015-2016, avait marqué 19 buts en 32 matchs après la pause, en route vers sa première-finalement sa seule-saison de 30 buts.

À l’inverse, Jeff Petry avait éclos offensivement en deuxième moitié de l’infâme saison 2017-2018. Ce fut sa première de quatre saisons de suite de 40 points. Ce qu’il avait démontré ce printemps-là n’était pas de la frime et à voir patiner Matheson, il est tentant de croire qu’il pourrait connaître le même type d’éclosion que Petry.

Quoi qu’il en soit, noircir la feuille de pointage, même en fin de calendrier, ne fait de mal à personne. « Quand tu connais du succès offensif, rappelle Armia, ça te permet de relaxer davantage, ça te met dans un état d’esprit positif au lieu de te concentrer sur la négativité. »

Le Canadien disputera deux de ses trois derniers matchs contre des rivaux (Boston et Toronto) qui ne peuvent plus bouger au classement d’ici aux séries. Il est donc possible que ces matchs sans enjeu pour les séries permettent à certains d’embellir leurs statistiques. Mais c’est seulement l’automne prochain que l’on distinguera ce qui était le début de quelque chose et ce qui n’était qu’une embellie du printemps.

En hausse : Jake Evans

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Jake Evans (71) et Sonny Milano (15)

Deux passes et du succès aux mises au jeu. Il a d’ailleurs obtenu une de ses passes sur une mise au jeu gagnée. Il compte six points à ses sept derniers matchs.

En baisse : Chris Wideman

PHOTO PETER MCCABE, LA PRESSE CANADIENNE

Conor Sheary (73) et Chris Wideman (6)

Ses maladresses avec la rondelle ont forcé le CH à passer de longues séquences dans son territoire.

Le chiffre du match : 145 min 7 s

C’est le temps qui s’est écoulé entre le but de Nick Suzuki jeudi et celui de Rafaël Harvey-Pinard le 30 mars. En temps réel, il s’est écoulé quelque 167 heures, mais ce serait malhonnête de compter les journées de congé dans la léthargie du CH.

Dans le détail

Deux buts en infériorité numérique

PHOTO PETER MCCABE, LA PRESSE CANADIENNE

Nick Suzuki déjoue Darcy Kuemper lors de la deuxième période.

Le Canadien a compté deux buts en infériorité numérique, jeudi soir. C’est autant que dans les 37 matchs précédents réunis ! Sur le premier but, Joel Edmundson a repéré Nick Suzuki, caché derrière la défensive des Capitals. Le capitaine du Canadien s’est échappé, puis a déjoué Darcy Kuemper d’une feinte magistrale. Le deuxième fut l’œuvre de Joel Armia, d’un tir dans l’enclave après une mise en jeu remportée par Jake Evans. Profitons-en pour souligner les bonnes soirées d’Evans (60 %), Suzuki (57 %) et Chris Tierney (78 %) au cercle de mises en jeu.

Retour réussi pour Harvey-Pinard

PHOTO PETER MCCABE, LA PRESSE CANADIENNE

Rafaël Harvey-Pinard et Joel Armia

Rafaël Harvey-Pinard était de retour au jeu, après une absence de deux parties pour soigner une blessure. Il composait un nouveau trio, avec Nick Suzuki et Joel Armia. Le jeune attaquant québécois a connu une bonne rencontre, avec une passe et un différentiel de + 2. Il s’est notamment démarqué en infériorité numérique, lorsqu’il a bloqué un tir puissant d’Alexander Ovechkin, qu’il a ensuite converti en deux contre un avec Nick Suzuki. Est-ce que ça a pincé ? « Non. La rondelle m’a pogné à une bonne place, cette fois-là ! »

Grosse soirée pour Johnathan Kovacevic

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Stefan Noesen (23) et Johnathan Kovacevic (26)

Avec son jeu plutôt effacé, Johnathan Kovacevic se retrouve rarement dans nos observations. Mais face aux Capitals, il a participé davantage à l’attaque que d’habitude. Il a terminé la soirée avec six tirs cadrés — un record personnel. Pour la première fois lors des 12 derniers matchs, il a aussi dépassé les 20 minutes de jeu.

Ils ont dit

On n’a vraiment rien donné. On les a laissé travailler à 4 contre 3 à ma gauche et on avait un gars sur lui. Si tu lui laisses le temps de tirer sur réception, il va te faire payer.

Samuel Montembeault, au sujet d’Alexander Ovechkin en avantage numérique

C’est un pas dans la bonne direction. Ça fait trois ou quatre matchs qu’on parle d’essayer de sprinter jusqu’à la ligne d’arrivée. Mais on rampait un peu. Aujourd’hui, le but était d’essayer de commencer à jogger. C’est ce qu’on a fait et ça va peut-être aider à sprinter éventuellement.

Martin St-Louis

C’est une très bonne sensation. Je ne sais pas comment l’exprimer. On a de quoi bâtir pour le prochain match.

Joel Armia

Ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire souvent. On espère que les équipes ne le verront pas trop !

Michael Matheson, au sujet du deuxième but de Joel Armia réussi sur un jeu planifié

C’est incroyable, les choses qu’il fait avec la rondelle, mais aussi sans la rondelle. Je pense qu’il est parmi les trois ou cinq meilleurs de la ligue pour protéger la rondelle. Et vous avez vu son lancer ce soir. C’est vraiment spécial. J’étais heureux qu’il réussisse son tour du chapeau.

Michael Matheson, à propos de Joell Armia