En troisième période samedi, le Canadien se retrouvait en déficit 2-1 contre les Devils, dans un match qui, soyons honnêtes, n’avait rien de la finale de la Coupe Canada 1987.

C’est là que les partisans ont tenté de déclencher une vague, avec un certain succès.

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Quelques minutes plus tard, Jesper Bratt s’est servi de sa vitesse explosive pour s’amener seul devant Jake Allen, qui a fait le grand écart pour réussir l’arrêt et maintenir son équipe à un but de retard. Le gardien du CH a eu droit à une ovation bien sentie, sur fond de thème de Superman.

Tout ça au milieu de ce qui a été une sixième défaite de suite du Tricolore, encaissée au compte de 3-1, portant la fiche de l’équipe à 26-34-6.

« J’ai aussi connu des moments où on devait être bons et où on perdait tout le temps, et les partisans étaient vraiment sur notre dos », a sagement rappelé Nick Suzuki, après la rencontre.

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Nick Suzuki

Le capitaine du Canadien parle en connaissance de cause. Depuis son arrivée à Montréal, en 2019, c’est la huitième fois que le Canadien traverse une séquence d’au moins six défaites d’affilée. Et en tant qu’homme de fer, il a disputé chacun de ces matchs !

À tort ou à raison, Montréal traîne la réputation d’un marché dur, étouffant, mais quiconque était présent au Centre Bell, samedi, n’a pas eu cette impression. Idem pour ceux qui assistaient au point de presse de Martin St-Louis, qui était de nouveau détendu, comme il l’était après le revers de jeudi.

« Les fans sont bons pour réaliser où on en est, a rappelé Suzuki.

« Depuis que Kent [Hughes] est arrivé, il est très clair avec les partisans et ils savent ce qui se passe. Avec tous les joueurs absents, ils nous soutiennent comme ils le peuvent. »

« On essaie de donner quand même un bon spectacle, de donner tout ce qu’on a, d’ajouter le défenseur David Savard. Je suis très fier du groupe, on ne lâche jamais. Encore une fois, on était dans le match à la fin. C’est le fun de voir qu’ils nous soutiennent, qu’ils ont même essayé de faire la vague. »

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Le gardien des Devils Akira Schmid

St-Louis est maintenant en poste depuis 13 mois. Pendant sa carrière de joueur, le roulement à Montréal était tel qu’un entraîneur arrivait pratiquement en deuxième moitié de mandat après 13 mois.

De 2000 à 2012, Michel Therrien, Claude Julien, Guy Carbonneau et Jacques Martin, sans oublier l’intérimaire Randy Cunneyworth, n’ont jamais eu le luxe de coacher l’équipe sur trois saisons complètes, tant la température montait après un certain temps.

Dans ces circonstances, St-Louis est donc ravi de l’ambiance guillerette qui règne au Centre Bell. « J’essaie juste de m’imaginer comment ça va être quand on se rendra en séries, a admis l’entraîneur-chef. C’est un bon départ. »

À armes inégales

St-Louis parle souvent de l’importance de s’évaluer « honnêtement », un principe qui incite un groupe à ne pas se penser meilleur ou moins bon qu’il ne l’est réellement, quoi que suggèrent les résultats. Les partisans adhèrent à cette philosophie, visiblement.

Les joueurs aussi, car ils réalisent bien que Montréal se bat à armes inégales en cette fin de saison. Derrière Suzuki, la ligne de centre des deux derniers matchs est composée d’un ailier naturel (Jonathan Drouin), d’un joueur réclamé au ballottage (Chris Tierney) et d’un vétéran de la Ligue américaine (Alex Belzile). Et les deux ailiers de Suzuki au sein du premier trio (Rafaël Harvey-Pinard et Jesse Ylönen) ont joué plus de matchs à Laval qu’à Montréal cette saison.

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Rafaël Harvey-Pinard (49)

Cela coïncide avec une séquence où les Montréalais rencontraient coup sur coup quatre équipes en voie d’amasser plus de 100 points cette saison (Golden Knights, Rangers, Hurricanes et Devils).

« Tu dois regarder tous les aspects. Si tu regardes seulement nos défaites, tu vas te fâcher, c’est la nature humaine, a rappelé Allen. Tu dois te regarder dans le miroir, te demander ce que tu fais de bien ou de mal. Que ta fiche soit 6-0 ou 0-6, tu dois avoir la même approche. Évidemment, tu te sens mieux à 6-0. Mais on fait tout de même de bonnes choses, même si on pourrait être meilleurs sur certains aspects. »

Qu’importent les circonstances, Suzuki a été clair : « C’est nul de perdre. » Mais il est tout de même capable de prendre un pas de recul en évaluant la saison de l’équipe. « La direction a un plan à long terme et, nous, les joueurs, on doit se concentrer sur notre tâche quotidienne, soit compétitionner tous les soirs. »

Il sera intéressant de voir combien de temps durera cette lune de miel entre les partisans et la nouvelle administration. Pour l’heure, tout laisse présager que l’union se rendra aux noces de cuir sans la moindre anicroche.

En hausse

Jake Allen

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Une autre solide performance pour le vétéran gardien, qui a retrouvé sa superbe. En neuf sorties depuis le match des étoiles, il montre une efficacité de ,925.

En baisse

Jonathan Drouin

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Sa soirée a commencé par une présence d’une centaine de secondes presque entièrement dans sa zone. C’était annonciateur de la suite. Il a toutefois failli se racheter en fin de match, mais a tiré sur le poteau.

Le chiffre du match

Zéro

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Les joueurs du Canadien et des Devils bataillent pour la possession de la rondelle le long de la rampe.

C’est le nombre de minutes de pénalités décernées dans ce match, une première dans la LNH cette saison. Mis à part une mêlée devant le filet des Devils en troisième période, la joute s’est déroulée dans la cordialité et la placidité.

Ils ont dit

Je trouve qu’on a joué un bon match. En première période, on a subi beaucoup de revirements, il a fallu qu’on se défende beaucoup. On a passé beaucoup de temps dans notre zone, mais on n’a pas donné grand-chose. En deuxième, ça s’est amélioré. C’est une bonne équipe, il faut leur donner du crédit. Ils ne donnent pas beaucoup d’espace.

Martin St-Louis

Ont-ils l’air découragés ? Je ne me sens pas en état de vendeur présentement. Mon équipe est là, [les joueurs] ne sont pas découragés.

Martin St-Louis

C’était dur de générer des chances de qualité. C’est une excellente équipe. C’est dur de gagner l’intérieur de la patinoire. On a assez bien joué après la première période. On peut en tirer du positif, même si ce n’est pas facile de ne pas gagner.

Jake Allen

On savait que mars allait être difficile. On affronte beaucoup de bons adversaires. Du voyage en Californie jusqu’à la fin du mois, on savait que ce serait un marathon. On ne s’est pas beaucoup entraînés non plus, mais le personnel s’assure qu’on se sente bien.

Jake Allen

Je veux jouer tous les matchs et je fais tout pour y arriver. On a eu des blessures malchanceuses. On a des gars qui sont rentrés dans la formation et qui ont obtenu un rôle qu’ils n’attendaient pas.

Nick Suzuki

Je pense que Jake Allen a été très bon. On a aussi raté la cible souvent, et leurs défenseurs ont bloqué beaucoup de tirs. Il faut donner au Canadien ce qui lui revient. Il nous a gardés à l’extérieur [de l’enclave]. Sa structure défensive était très bonne.

Lindy Ruff, entraîneur-chef des Devils

Je vois mal comment je pourrais m’en souvenir, je peine à me rappeler ce qui est arrivé la semaine dernière.

Lindy Ruff, interrogé sur ses souvenirs d’un match sans aucune punition

Dans le détail

Du véritable théâtre d’été

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Une collision entre trois joueurs du Canadiens a mené au premier but des Devils.

La performance des joueurs du Canadien sur le premier but des Devils, en première période, tenait carrément du burlesque. Les trois attaquants sur la glace – Alex Belzile, Michael Pezzetta et Anthony Richard – sont entrés en collision à leur ligne bleue au moment où Nathan Bastian arrivait en sens inverse. Le disque s’est alors dirigé vers Chris Wideman, qui n’a toutefois pu le maîtriser puisque l’objet a été amorti par un bâton par terre. Bastian s’est rué sur le défenseur du CH, qui a perdu sa bataille. Pressé par Miles Wood, Kaiden Guhle a lui aussi échoué à s’emparer de la rondelle, qui s’est retrouvée sans propriétaire. Bastian, qui n’en demandait pas tant, l’a saisie et a déjoué Jake Allen d’un tir bas. Ceux qui ont raté le match à la télé pourront revoir la séquence en boucle dès le mois de mai au théâtre de la Marjolaine d’Eastman en formule souper-spectacle. Wideman, au fait, a passé moins de 9 minutes sur la patinoire pour une deuxième rencontre de suite.

Tatar, le spécialiste

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Tomas Tatar

Les Devils du New Jersey constituent l’une des meilleures équipes de la LNH à cinq contre cinq. Cela nous amène à parler d’un joueur qui se définit résolument comme un spécialiste dans cette phase de jeu : Tomas Tatar. Celui-ci, rappelons-le, a constitué avec Phillip Danault et Brendan Gallagher l’un des trios les plus dominants du circuit à forces égales de 2018 à 2021. On vous avertit, la suite est un peu nichée. Selon le site MoneyPuck, parmi les 10 meilleures combinaisons d’attaquants qui ont disputé au moins 135 minutes ensemble et qui sont classées selon le partage des buts attendus, quatre appartiennent aux Devils. Parmi celles-ci, trois comprennent Tomas Tatar et Nico Hischier. Spécialiste, disions-nous ? Avec Dawson Mercer, ils forment le meilleur trio du moment dans la ligue. Contre le Tricolore, cette unité a été carrément dominante, surtout lorsqu’elle se retrouvait sur la glace contre celle que pilotait Jonathan Drouin. Malgré tout, ce trio n’a marqué qu’un but et était sur la glace lors de l’unique réussite du CH. « C’était presque décevant que la marque soit de 2-1 après deux périodes, a commenté Tatar. Il faut rendre hommage à Jake Allen, qui a été formidable. Mais je suis heureux de la manière dont on a joué. »

Dawson Mercer dans l’histoire

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Dawson Mercer et Akira Schmid

On parlait de statistiques nichées, celle-là n’est pas piquée des vers non plus. Samedi soir, Dawson Mercer a fracassé le record de franchise des Devils de la plus longue séquence de matchs avec au moins un point (12) par un joueur de moins de 22 ans. Il succède ainsi à Brendan Shanahan. Tomas Tatar a semblé surpris lorsqu’un journaliste lui a rapporté cet exploit. « Je ne le savais même pas ! », a-t-il avoué en riant, ajoutant prestement combien son compagnon de trio « joue bien sur 200 pieds ». « C’est plaisant de le voir aller », a-t-il renchéri. Le sujet avait aussi été abordé un peu plus tôt, après l’entraînement matinal. Mercer n’avait pas semblé s’en émouvoir outre mesure, convenant qu’il dirigeait plus de rondelles au filet qu’auparavant. Vérification faite, il a plus que doublé son rythme de tirs par match depuis le début de cette heureuse séquence (3,6) par rapport aux 53 premiers matchs de la saison (1,7). L’entraîneur-chef Lindy Ruff, lui, avait souligné que la rondelle semblait se coller à lui. Il s’est aussi enthousiasmé de la « chimie » unissant Mercer, Tatar et Hischier.

Simon-Olivier Lorange, La Presse