Classer les mauvaises nouvelles par ordre de gravité serait un exercice funeste. Mais certaines demeurent plus douloureuses que d’autres.

Le Canadien a surpris tout le monde, samedi matin, en annonçant que Cole Caufield raterait le reste de la saison 2022-2023. Il subira une intervention chirurgicale à l’épaule droite qui nécessitera vraisemblablement plusieurs mois de rééducation. Il fera donc l’impasse sur les 36 derniers matchs inscrits au calendrier de son équipe.

Le club n’a pas donné de détails sur l’opération elle-même ni sur le moment auquel Caufield s’est blessé. Josh Anderson, lui-même opéré à l’épaule gauche il y a quelques années en raison d’une déchirure quasi complète du labrum, a discuté quelques minutes avec son coéquipier avant l’entraînement matinal. Sans entrer dans les détails, il a indiqué aux journalistes que Caufield subirait une intervention « semblable ». Anderson estime qu’après s’y être soumis, il avait eu besoin de sept mois avant de se sentir comme neuf, voire mieux. Depuis ce temps, « mon épaule gauche est plus forte que ma droite », a-t-il d’ailleurs souligné à Caufield.

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Josh Anderson

Les coéquipiers du prolifique marqueur ont répété la version officielle de l’équipe, notant qu’ils savaient que l’ailier composait avec la douleur depuis « un certain temps », sans toutefois apporter plus de détails. L’entraîneur-chef Martin St-Louis a parlé d’une « combinaison » de facteurs. Au cours des dernières semaines, il était « évalué après chaque match ».

Les joueurs du Tricolore semblaient néanmoins sous le choc d’apprendre le verdict, comme le public, samedi matin. Les combinaisons en vue du match de samedi soir ont été affichées au tableau avant l’entraînement. Le nom de Caufield n’y figurait pas, évidemment. Et St-Louis a annoncé la nouvelle à ses hommes.

Décision difficile

La surprise est d’autant plus grande que, la veille, Caufield avait participé à l’entraînement complet de son équipe. Il a ensuite parlé longuement aux journalistes sur place, répondant notamment à des questions sur son prochain contrat. De nouvelles « informations » sur son état lui ont été communiquées en soirée, et une décision a été prise de concert avec son agent et le Canadien. Selon Nick Suzuki, devenu un ami proche de son principal ailier, des discussions à ce sujet étaient entamées depuis un certain temps avec le directeur général Kent Hughes.

Plusieurs éléments, on s’en doute, ont été pris en compte. Il y a évidemment la santé du joueur. Jouer et s’entraîner en dépit d’une blessure, surtout à long terme, a un prix. « C’est dans ta tête 24 heures sur 24, a confié Josh Anderson. Tu as mal toute la journée, et c’est dur de jouer ton style avec constance. Ça fait partie de la job, mais à un certain point, il faut prendre soin de soi. »

Il est en outre impossible d’évacuer de l’équation le contexte dans lequel évolue le Canadien. L’équipe est écartée du portrait des séries éliminatoires depuis un bon moment. En pleine reconstruction, on souhaite obtenir un choix enviable au premier tour du prochain repêchage. « Les victoires sont bonnes, mais jusqu’à un certain point », a affirmé Kent Hughes plus tôt cette semaine pendant son bilan de mi-saison.

David Savard a savamment lié les deux idées. « C’est un jeune joueur. Il a tellement de talent, tu ne peux pas hypothéquer son futur pour [36] matchs, quand la course aux séries… elle va être difficile. Il faut que tu penses à long terme avec un jeune comme ça. »

Trou béant

La situation, pour Caufield, est évidemment malheureuse. Malgré son évidente déception, ceux qui l’ont croisé samedi matin ont dit qu’il demeurait, fidèle à lui-même, « positif ».

Même s’il jouait en dépit de la douleur, « il était toujours de bonne humeur, en contrôle de ses émotions », a vanté Josh Anderson. « C’est dur pour lui parce qu’il veut continuer à jouer, mais en définitive, il veut être en santé, à 100 %. Il fait la bonne chose. »

Je sais qu’il est fâché, mais ce sera mieux pour son futur.

Nick Suzuki

Le capitaine a aussi parlé d’une décision prise « pour le futur de l’équipe », et ce, même s’il devra lui-même se passer de son grand complice.

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Nick Suzuki et Cole Caufield

Car son absence aura un impact bien concret sur la glace. Depuis le début de la saison, le dynamique ailier, choix de premier tour du Tricolore en 2019, a inscrit 26 buts. Parmi ses coéquipiers, seuls Suzuki (16) et Anderson (13) en ont marqué plus de 8. Il voguait allègrement vers une récolte de 40 filets et plus, ce qui aurait constitué une première chez le CH depuis 1994. Depuis l’entrée en poste de l’entraîneur-chef Martin St-Louis, en février 2022, il a compté 48 buts en 83 matchs.

St-Louis a argué que « la chose la plus importante » à remplacer n’est pas les buts, mais l’« enthousiasme » de Caufield. Le trou à combler, néanmoins, est béant. « Notre avantage numérique aura l’air différent », a-t-il prévenu.

L’entraîneur s’attend à ce que ses hommes tentent de relever le défi « collectivement ». « Pas un seul gars, ou deux, trois ou quatre, mais tout le monde », a-t-il insisté.

Déjà, le premier trio sera méconnaissable, alors que Rem Pitlick et Josh Anderson joueront aux côtés de Nick Suzuki. « On va commencer comme ça », a soufflé St-Louis.

Celui-ci doit être de plus en plus imaginatif dans la composition de ses trios. En plus de Paul Byron, qui ne jouera probablement pas de la saison, sept attaquants réguliers manquent désormais à l’appel. Alex Belzile a été appelé en renfort samedi matin, sans toutefois prendre part à l’entraînement matinal – il avait joué avec le Rocket de Laval, vendredi soir. Il devient ainsi le 11e attaquant du club, qui déploiera encore une formation à sept défenseurs contre les Maple Leafs de Toronto.

« Ce soir on va y aller à 11-7, demain on a congé et lundi, on va voir ce qu’on a », a conclu St-Louis, avec un sourire de dépit.