Kent Hughes dressera son bilan de mi-saison du Canadien mercredi midi. Le hasard fait en sorte qu’on fêtera la première année de son règne le lendemain.

Sa nomination par le nouveau VP aux opérations hockey, Jeff Gorton, a pris le milieu, et les fans, par surprise. Hughes connaissait tous les rouages du métier à titre d’agent de joueurs, mais il ne constituait pas une figure connue à Montréal, où il a pourtant grandi.

Le bilan de sa première année pourrait se définir en trois temps : instauration de la culture d’entreprise, embauches et transactions, accélération du processus de rajeunissement au camp d’entraînement.

Instaurer une culture

Dès sa première conférence de presse, Hughes a annoncé ses couleurs. Il souhaitait bâtir une équipe moderne, offensive, capable de gagner sur une base régulière, et pas seulement une année, et établir une culture d’organisation où tout le monde pousserait dans la même direction.

Sa philosophie tranchait avec celle de son prédécesseur, Marc Bergevin, un DG davantage associé à la vieille école, dont le club était bâti autour d’un grand gardien entouré de défenseurs costauds.

Hughes a d’abord donné le bénéfice du doute à l’entraîneur en place, Dominique Ducharme. Mais à peine trois semaines plus tard, le DG en avait vu assez. Le Canadien venait de subir une douzième défaite en treize matchs, dont les cinq dernières par un score combiné de 33-12, et les joyaux de l’organisation plafonnaient. Cole Caufield avait amassé seulement 8 points dont un but, en 30 matchs. Même Nick Suzuki sous-performait, avec 27 points en 45 matchs.

L’embauche de Martin St-Louis, dont l’expérience à titre d’entraîneur se résumait à des équipes de hockey mineur, a surpris. Mais il se voulait aux yeux de Hughes le pédagogue par excellence pour réussir la phase de rajeunissement de l’équipe.

Dès son premier contact avec les médias, les joueurs et les fans, St-Louis a rassuré un peu tout le monde. Il ne constituait pas seulement une ancienne gloire, mais un formidable meneur d’hommes.

Suzuki et Caufield se sont éclatés lors des 37 derniers matchs de la saison. Le premier a obtenu 34 points et le second avec 22 buts et 35 points.

La nouvelle culture instaurée par Hughes transpirait aussi dans les détails. Après avoir obtenu le jeune Emil Heineman de Calgary, le nouveau DG s’est chargé de lui passer un appel pour lui signifier qu’il ne venait pas d’être largué par les Flames, mais plutôt acquis par une organisation qui le désirait…

La plupart des départements ont aussi été revampés pour accélérer la reconstruction : arrivée de Nick Bobrov comme co-directeur du recrutement, promotion de Martin Lapointe auprès de Bobrov, construction d’un secteur analytique, embauche d’un directeur du développement des habiletés, Adam Nicholas.

Une vente réussie

Une déclaration de Hughes lors de son premier point de presse prend tout son sens aujourd’hui. « Il y a longtemps, à Philadelphie, Ron Hextall, alors directeur général des Flyers m’a dit : ‟Nous sommes dans une industrie où nous achetons cher pour revendre au bas prix." Il faut trouver une manière d’éviter cette approche. »

Avec une équipe condamnée à la cave du classement, et le désir d’assurer la pérennité de l’organisation, il fallait utiliser certains vétérans en fin de contrat, ou attirants aux yeux d’autres organisations, pour amasser des actifs à long terme.

Le défenseur Ben Chiarot, éventuel joueur autonome sans compensation, a rapporté un choix de première ronde en 2023, de quatrième ronde en 2022 et le jeune Ty Smilanic. Chiarot, au mieux un défenseur numéro quatre, n’a fait que passer en Floride. Compte tenu des insuccès des Panthers cette saison, le choix de première ronde est situé autour du 10e rang à l’heure actuelle.

Tyler Toffoli avait encore quelques années restantes à son contrat. Et il était encore productif. Mais il était à l’aube de ses 30 ans et Montréal n’allait pas être compétitif avant plusieurs saisons. Hughes a pu obtenir pour lui un choix de première ronde en 2022, devenu Filip Mesar, et un jeune ailier rapide et fougueux, Emil Heineman. Celui-ci poursuit sa progression en première division suédoise (SHL), où il a obtenu 7 points en 17 rencontres.

Comme Chiarot, Brett Kulak allait aussi devenir joueur autonome sans compensation. Il n’était pas toujours un régulier dans la formation, mais les Oilers ont consenti un choix de deuxième ronde pour l’obtenir. Avec ce choix, le CH a repêché Lane Hutson, sensationnel à sa première année dans la NCAA avec 22 points en 20 matchs et une participation au Championnat mondial junior à seulement 18 ans.

Artturi Lehkonen constituait la dernière pièce de la vente. Il n’avait jamais pu obtenir plus de 31 points dans une saison à Montréal. Il allait avoir 27 ans et commander un salaire supérieur à 4 millions en raison de son utilité dans toutes les phases du jeu.

Montréal a obtenu un défenseur droitier de 20 ans au potentiel intéressant, Justin Barron, et un choix de deuxième ronde en 2024. Lehkonen s’est épanoui au Colorado. Il a été essentiel à la conquête de la Coupe Stanley et montre 30 points en 39 matchs à sa fiche cette saison.

Barron avait beaucoup de choses à améliorer. Il a connu un camp d’entraînement difficile, au point d’être renvoyé dans la Ligue américaine au profit de quatre autres jeunes. Il impressionne depuis quelques matchs. Il semble à sa place au sein d’un top quatre. Et à 21 ans, sa progression n’est pas terminée.

Parmi les acquisitions de Hughes, il ne faut pas oublier celle du jeune défenseur Jordan Harris. Il avait déjà un pied dans le vestiaire des Bruins de Boston. L’ancien DG du Canadien l’appelait « Josh » lors de ses meetings avec lui et Harris ne se sentait pas nécessairement à sa place au sein d’une défense où les costauds étaient priorisés. Hughes a su trouver les bons mots pour le convaincre de signer avec le Canadien. Il le connaissait d’ailleurs de longue date et le voyait jouer régulièrement à Northeastern en compagnie de ses fils. Harris est vite devenu un atout en défense chez le Canadien. Il a joué plus de 20 minutes sept fois lors des dix derniers matchs.

Coup d’éclat au repêchage

Ils étaient des dizaines et des dizaines à emplir le Centre Bell avec un chandail de Shane Wright sur le dos. Pour la majorité des spécialistes, Wright constituait d’ailleurs le premier choix logique. Hughes connaissait Wright depuis plusieurs années. Il l’avait affronté à plusieurs reprises avec ses clubs de hockey mineur de la région de Boston. Pour Hughes et ses recruteurs, Juraj Slafkovsky était le joueur à repêcher. Il fallait quand même du cran, à domicile, pour prendre une décision à l’encontre de la faveur populaire.

Hughes réservait d’autres surprises aux partisans. Échangé, l’un des jeunes joueurs les plus populaires du club, Alexander Romanov, demandait aussi de l’audace. Mais le DG voyait déjà se pointer Kaiden Guhle, Harris et Arber Xhekaj dans le rétroviseur et il y avait une carence au centre. Hughes a donc échangé un défenseur de 22 ans au potentiel offensif limité pour un centre droitier de 21 ans, Kirby Dach. Avec 29 points en 45 matchs, Dach, 6 pieds 4 pouces, vient de surpasser son total en carrière, en route vers une production de 53 points.

La consolidation

Acquérir des jeunes et des choix au repêchage est une chose. Leur faire une place et mousser leur estime d’eux-mêmes en est une autre.

Dès le premier jour du camp d’entraînement, la place de Nick Suzuki et Cole Caufield était acquise. On a donné à Dach toutes les chances de se faire valoir sur un trio offensif. On a réservé un poste à Juraj Slafkovsky malgré ses 18 ans et relégué des vétérans moins performants à des rôles secondaires.

On a fait confiance à quatre jeunes en défense, Guhle, Harris, Xhekaj et Kovacevic au lieu d’obtenir du renfort.

L’acquisition de Sean Monahan a permis d’obtenir un choix supplémentaire de première ronde, en 2024 ou 2025. Un défenseur mécontent, Jeff Petry, 34 ans, avait été échangé pour Mike Matheson, de six ans son cadet.

Le pari est payant. Montréal n’est évidemment pas dans la course pour une place en séries, mais demeure compétitif dans la plupart de ses matchs, avec une fiche de 19-23-3. Les trois meilleurs compteurs de l’équipe, Suzuki, Caufield et Dach, ont 23 ans ou moins. Guhle pouvait être considéré comme le défenseur numéro un ou deux avant de se blesser. Samuel Montembeault, 26 ans depuis le 30 octobre, est peut-être en train de s’imposer comme gardien numéro un.

Prochaine étape, la deuxième vente du printemps. Hughes espère ajouter un troisième choix de première ronde. Voyons ce que pourront rapporter Sean Monahan, s’il peut revenir au jeu, Joel Edmundson, Christian Dvorak ou même Josh Anderson.

Les départs de Drouin, Dadonov, Monahan et Byron d’ici la fin de la saison libéreront 20,2 millions sur la masse salariale de l’équipe.

Beaucoup de travail accompli en seulement un an…

Malaise à Philadelphie

PHOTO JOE CAMPOREALE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Ivan Provorov (à l’avant-plan)

Le défenseur des Flyers, Ivan Provorov, a refusé de participer à l’échauffement de son équipe mardi, car il ne voulait pas porter un chandail spécial confectionné en soutien à la communauté LGBTQ. Provorov a invoqué ses convictions religieuses pour expliquer sa décision. L’entraîneur, John Tortorella, qui a déjà déclaré qu’il n’hésiterait pas à clouer au banc un joueur qui s’agenouillerait pendant les hymnes nationaux pour protester contre la brutalité policière envers les Afro-Américains, a exonéré Provorov en ajoutant même qu’il respectait son défenseur pour sa fidélité envers ses convictions. Provorov a joué 22 : 45 mardi. Aucun joueur des deux équipes n’a été utilisé aussi souvent. La LNH a réagi en déclarant qu’elle laissait aux joueurs la liberté d’appuyer les causes de leur choix. Malgré les nombreuses initiatives lancées il y a plusieurs années par Brian Burke, dont le fils était homosexuel, il y a encore du chemin à parcourir avant de faire accepter les différences.

À ne pas manquer

1— C’était un peu la victoire des mal-aimés, mardi soir, comme le dit si bien Guillaume Lefrançois dans son analyse du match.

2- Quelle belle histoire que celle de Vincent Desharnais, ignoré à ses deux premières années d’admissibilité au repêchage, et rappelé récemment par les Oilers d’Edmonton. Un texte de Simon-Olivier Lorange.

3— Owen Beck rêve de jouer pour le Canadien dès l’an prochain. Les détails de Richard Labbé.