(Columbus) Un environnement de hockey étant ce que c’est, les taquineries sont de bonne guerre dans le vestiaire des Buckeyes d’Ohio State. Et évidemment, pour ces joueurs qui œuvrent loin des projecteurs, tout membre de l’équipe qui fait l’objet d’un reportage s’expose à des railleries.

L’espoir du Canadien Jakub Dobes n’y échappe pas en ce mardi. Pendant que l’on tente de cadrer ce gaillard de 6 pi 4 po dans une photo, son coéquipier Stephen Halliday se paie sa tête.

« Tu sais, l’autre jour à l’entraînement, je lui ai donné un coup de soleil », nous confie-t-il.

En raison d’un manque de sommeil manifeste, on lui demande de s’expliquer, ne pigeant pas la très évidente blague du premier coup.

« Parce que la lumière rouge n’arrêtait pas de s’allumer derrière lui ! »

Halliday saute sur la patinoire, mais Dobes file plutôt vers sa résidence sur sa minuscule bicyclette électrique.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Jakub Dobes sur sa (très modeste) bicyclette électrique

Cette saison, le gardien tchèque, choix de 5e tour du Tricolore en 2020, a amorcé chacun des 14 matchs des Buckeyes. Dans toute la NCAA, il vient au 2e rang des gardiens pour les minutes jouées cette saison. L’an passé, Dobes avait amorcé 35 des 37 rencontres des siens. Si le développement passe par un bon volume de matchs, le grand Tchèque est servi à souhait !

« J’apprécie cette confiance des entraîneurs et j’essaie de la leur redonner », dit-il humblement.

Espoir intrigant

L’an passé, Dobes a causé une surprise en s’imposant dès sa première année universitaire. Sa fiche de 21-12-2, sa moyenne de 2,26 et son efficacité de ,934 lui ont valu le titre de gardien de l’année de la division Big Ten et une sélection parmi les 11 « demi-finalistes » au trophée Mike Richter, qui récompense le meilleur gardien de la NCAA.

Cette année, ses statistiques ont légèrement fléchi : fiche de 8-5-1, moyenne de 2,34, efficacité de ,915. Mais Dustin Carlson, entraîneur des gardiens d’Ohio State, ne se fait pas d’illusions ; il est convaincu qu’il devra trouver un autre gardien numéro 1 bien avant 2025, soit la dernière année d’admissibilité de Dobes.

C’est de la pensée magique de croire qu’il jouera ses quatre ans ici. S’il reste une autre année, ce sera fantastique.

Dustin Carlson, entraîneur des gardiens des Buckeyes d’Ohio State

« Dès le départ, on savait qu’il était spécial. Son gabarit retient évidemment l’attention, mais il ne bouge pas comme un gars de son gabarit. Il aime beaucoup sortir et manipuler la rondelle. Maintenant, on travaille sur son efficacité, pour qu’il ne vise plus la longue passe, car ses défenseurs sont déjà bons pour relancer l’attaque. Pour ce qui est d’arrêter les rondelles, j’essaie de l’amener à laisser le jeu venir à lui, pour que la rondelle le frappe. »

Dobes, comme tout joueur universitaire, refuse de s’avancer sur son avenir.

« Je dois bien finir la saison. On pourra parler ensuite. Je prendrai la décision qui sera la meilleure pour moi à long terme », dit-il.

À l’écouter décrire sa relation avec le Canadien, on sent toutefois que l’organisation le suit de près. Il semble clairement admiratif de Rob Ramage, qu’il qualifie d’« excellent ».

« Chaque fois qu’il est ici, je le vois. Je le vois aussi en été parce que je suis à St. Louis et c’est là qu’il demeure, donc on mange souvent ensemble, il est toujours super gentil, il me traite bien. Vincent Riendeau était ici récemment, on a mangé ensemble. Les membres de la direction s’occupent bien de moi et je n’ai pas d’inquiétudes. Je les aime beaucoup. Ils m’ont donné une chance au repêchage, donc c’est une belle occasion pour l’avenir. »

Longue disette

Dobes n’est certainement pas aux portes de la LNH. À 21 ans, il demeure un projet à long terme ; pour s’en convaincre, il suffit de constater qu’un seul gardien de cet âge évolue dans la LNH cette saison. Et c’est Spencer Knight, un espoir de premier plan au sein d’une équipe bourrée de talent.

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Jakub Dobes

Mais il sera intéressant de voir s’il mettra fin à une longue recherche de talent de l’organisation devant le filet. Depuis que le Tricolore a réclamé Carey Price au 5e rang en 2005, un seul gardien repêché par le CH a fini par jouer un match avec l’équipe. Il s’agit de Cayden Primeau, qui a disputé 18 matchs avec le CH. Parmi les huit autres gardiens repêchés par Montréal depuis Price, seul Zachary Fucale a atteint la LNH, et son expérience se limite à quatre matchs pour le moment, tous avec Washington.

Quoi qu’il en soit, si Dobes finit par aboutir à Montréal, il ne sera pas entièrement en terrain inconnu. Il a connu quelques joueurs, notamment Filip Mesar et Jan Mysak, au camp de développement. Et chaque fois que le Canadien joue à Columbus, il essaie d’assister au match. Au moment de lui parler, il n’avait rien confirmé, mais espérait assister au duel de mercredi. Il était là jeudi dernier.

Ceux qu’il a remarqués ? « Caufield et Suzuki, évidemment. Mais j’aime vraiment Guhle aussi. Ce sera vraiment un bon joueur, à voir la quantité de minutes qu’il joue. C’est un excellent patineur et pour son âge, sachant toute la pression sur lui, il est très bon. »

Cachez ces « M » que je ne saurais voir

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Une curiosité sur le campus d’Ohio State cette semaine : un peu partout, les lettres « M » qui apparaissent dans la signalétique sont barrées au ruban adhésif. C’est que comme le veut la tradition, l’équipe de football d’Ohio State affrontera l’Université du Michigan ce samedi, en conclusion de saison. Ce sera ensuite le début des éliminatoires. Chaque année, ces deux collèges s’affrontent en fin de saison, une année à Columbus, l’autre à Ann Arbor. Par ici, on barre donc le « M » en guise de représailles envers l’Université du Michigan, dont le logo est un « M » jaune, tel qu’on le voyait sur les manteaux des frères Steiner dans la WWF en 1993.

Guillaume Lefrançois, La Presse