(Arlington, Virginie) Peu nombreux sont les joueurs qui, à 18 ans, s’établissent dans la LNH immédiatement après avoir été repêchés. Chaque année, deux ou trois attaquants y arrivent, parfois un défenseur.

Jusqu’en 2021, l’athlète repêché au tout premier rang rejoignait systématiquement l’équipe qui l’avait sélectionné. Owen Power, des Sabres de Buffalo, a toutefois rompu avec la tradition la saison dernière en retournant dans la NCAA.

Il n’est donc pas complètement farfelu de se demander si Juraj Slafkovsky, premier choix du plus récent repêchage, amorcera la prochaine saison dans l’uniforme du Canadien de Montréal ou dans celui du Rocket de Laval, dans la Ligue américaine.

Le jeune homme lui-même est prudent à ce sujet. Mardi, il a rencontré quelques journalistes au complexe d’entraînement des Capitals de Washington, à Arlington, en banlieue de la capitale américaine, dans le cadre de la Vitrine des recrues de la LNH, évènement organisé conjointement par l’Association des joueurs et par le fabricant de cartes de hockey Upper Deck.

Le Slovaque a, sans surprise, promis qu’il allait « tout faire pour jouer dans la LNH » le plus tôt possible. « Mais bien sûr, je vais faire ce que le Canadien croit qui sera le meilleur pour moi », a-t-il rapidement ajouté.

À un journaliste qui lui demandait s’il s’était déjà installé dans sa ville d’adoption, le colosse a indiqué qu’il ne savait « pas encore où » il allait jouer.

La direction du club ainsi que le personnel d’entraîneurs n’ont pas encore établi de plan d’action avec lui, assure-t-il.

« On n’en a pas encore parlé. Le camp [des recrues] commence la semaine prochaine, [la réponse] viendra de là. On va voir si je suis prêt. »

Peu de points de comparaison

Bien malin celui qui saurait prédire avec certitude, à ce point-ci, l’avenir immédiat de Slafkovsky. Car l’histoire récente permet difficilement de trouver un point de comparaison évident.

De 2012 à 2021, soit au cours des 10 dernières saisons, 31 joueurs se sont établis dans la LNH dès l’année de leur repêchage, disputant ainsi la majorité des matchs de leur équipe. Vingt-cinq de ceux-ci étaient des attaquants.

Mais seulement sept étaient européens et n’avaient jamais encore joué sur une base régulière sur des patinoires nord-américaines : Aleksander Barkov, Elias Lindholm et Valeri Nichushkin (2013), Patrik Laine (2016), Jesperi Kotkaniemi (2018), Kaapo Kakko (2019) ainsi que Tim Stützle (2020). Nous n’avons pas retenu David Pastrnak (2014) dans notre compilation puisqu’il a amorcé sa saison de repêchage dans la Ligue américaine.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Tim Stützle, des Sénateurs d’Ottawa

À l’exception de Nichushkin, tous avaient disputé de 41 à 85 matchs dans des ligues professionnelles européennes avant de déménager en Amérique du Nord. Et ils avaient été des contributeurs offensifs réguliers.

N’ayant disputé que 31 matchs la saison dernière en Liiga, principal championnat finlandais, et n’y ayant accumulé que 10 points, Slafkovsky présente un profil résolument différent du groupe décrit plus haut.

De toute sa vie, il n’a joué qu’une poignée de matchs internationaux sur des patinoires nord-américaines, plus petites que les glaces européennes. Ce petit échantillon lui fait déjà dire qu’il doit ajuster sa « vitesse de réaction ».

Trois autres joueurs rencontrés à la Vitrine des recrues confirment avoir dû apporter de sérieux changements à leur jeu en traversant l’Atlantique. L’Allemand Lukas Reichel, des Blackhawks de Chicago, estime avoir eu besoin de « 10 à 15 matchs » avant de commencer à se sentir à l’aise dans la Ligue américaine. Le Suédois Samuel Fagemo a quant à lui raconté avoir peiné pendant « 15 à 20 matchs » dans le club-école des Kings de Los Angeles avant de trouver ses repères.

Les deux attaquants, de plus petite taille que Slafkovsky il est vrai, ont expliqué que c’est le long des bandes que la différence est la plus flagrante. « Le jeu est plus rapide et tu dois mieux protéger la rondelle », a résumé Fagemo. « Il y en a certains pour qui ça clique tout de suite, mais ce n’est vraiment pas le cas de tout le monde », a renchéri Reichel.

« Ce n’est vraiment pas un mythe », a insisté le gardien tchèque Lukas Dostal à propos de la nécessaire adaptation entre les deux univers.

« En Europe, les attaquants peuvent contourner les défenseurs, ce qui n’arrive que très peu ici, a poursuivi l’espoir des Ducks d’Anaheim. Ils doivent donc ralentir le jeu et attendre la deuxième vague en soutien. Tout le rythme est différent. »

Impact

Adaptation ne veut toutefois pas dire insuccès. Reichel a trouvé le moyen d’amasser 10 points à ses 10 premiers matchs chez les IceHogs de Rockford la saison dernière, sa première aux États-Unis.

Dans une moindre mesure, les sept Européens du groupe décrit plus haut ont eux aussi connu de bons moments très tôt. Après 20 matchs, ils avaient récolté de 7 (Lindholm) à 18 points (Laine). Aucun, toutefois, n’a été en mesure de soutenir ce rythme pendant toute sa première saison.

Immanquablement, lorsqu’il est question de développement des joueurs, le mot patience apparaît dans la conversation. Nombreux ont encore été ceux qui en ont fait l’éloge, mardi. Le défenseur Simon Edvinsson, repêché par les Red Wings de Detroit en 2021, s’est félicité d’avoir passé la dernière saison dans son pays natal, la Suède.

Le défenseur Owen Power, des Sabres de Buffalo, et l’attaquant Matty Beniers, du Kraken de Seattle, ont abondé dans le même sens. Sélectionnés respectivement au premier et au deuxième rang en 2021, ils sont tous les deux retournés à l’Université du Michigan plutôt que de se joindre à leur club respectif il y a un an. C’était la première fois depuis 25 ans que les deux meilleurs espoirs du repêchage reportaient leur début de carrière.

« Ça m’a aidé comme joueur et comme personne », a estimé Power. En outre, a souligné Beniers, « on sait à quel point la LNH est une ligue dure, on veut être performants dès qu’on arrive ».

Évidemment, Slafkovsky n’a pas le loisir de choisir lui-même sa destinée comme l’ont fait Power et Beniers. On se doute toutefois qu’il voudra, lui aussi, avoir un impact immédiat sur sa nouvelle équipe.

Il ne reste plus qu’à déterminer s’il s’agira du Canadien ou du Rocket.