(Buffalo, New York) Comme c’est toujours le cas au camp d’évaluation, la LNH invitait vendredi six des meilleurs espoirs du prochain repêchage à un point de presse, à la veille de la journée des tests physiques.

Au nombre des six invités, on retrouvait évidemment Shane Wright, le favori pour être réclamé au 1er rang, de même que Matthew Savoie, attaquant de l’Ice de Winnipeg que Dan Marr, directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, a qualifié de « marqueur le plus naturel de cette cuvée ».

À moins d’une énorme surprise, les deux seront réclamés au maximum à sept ou huit rangs d’intervalle le 7 juillet prochain au Centre Bell. Wright part peut-être avec une longueur d’avance, mais rien n’empêche Savoie de le coiffer une fois dans la LNH, comme Cale Makar (4e) s’est établi comme l’as du repêchage 2017, devant le 1er choix, Nico Hischier.

Wright et Savoie auraient très bien pu avoir un cheminement similaire pour en arriver là. C’est que les deux ont fait une demande pour obtenir le statut de joueur exceptionnel au hockey junior canadien, afin d’y évoluer à 15 ans plutôt qu’à 16.

La demande de Wright avait été acceptée ; celle de Savoie, rejetée.

PHOTO FOURNIE PAR NHL. COM

Matthew Savoie

Dossier étoffé

Wright se souvient d’une démarche relativement lourde. « Il a fallu soumettre un texte explicatif, j’ai rencontré un psychologue du sport, ils ont parlé à mes professeurs et coéquipiers », énumère-t-il.

« Ils ont demandé ses notes à l’école. Et des dépisteurs l’évaluent. Ils interviewent aussi les parents », ajoute Cam Stewart, l’agent de Wright.

Hockey Canada exige 1000 $ pour le dépôt d’une demande, et remet 500 $ au joueur si sa demande est acceptée. La fédération conserve les 1000 $ en cas de refus.

À court terme et d’un point de vue strictement sportif, Hockey Canada avait vu juste. En 2019-2020, Wright est débarqué dans la Ligue junior de l’Ontario (OHL) en amassant 66 points en 58 matchs. Savoie, lui, est arrivé dans la Ligue junior de l’Ouest (WHL) en fin de saison, une fois qu’il a eu 16 ans (il est né le 1er janvier) et a été limité à 7 points en 22 matchs.

Au point de vue scolaire aussi, Wright a prouvé qu’il pouvait demeurer à son affaire, étant nommé deux fois le joueur-étudiant du mois dans l’OHL depuis son arrivée dans le circuit.

« C’était la bonne décision, estime Stewart. Il ne pouvait plus jouer midget après sa saison de 150 points et un championnat ! Mais c’était important que le reste soit également correct. »

PHOTO KENNETH ARMSTRONG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Connor McDavid en 2012, alors avec les Otters d’Érié

De la pression

C’était la bonne décision pour Wright, le cinquième joueur de l’OHL à avoir reçu ce statut. Les autres : Connor McDavid, John Tavares, Aaron Ekblad et Sean Day. Dans la LHJMQ, Joe Veleno a été l’unique cas. La WHL a quant à elle accueilli Connor Bedard comme tout premier joueur exceptionnel, un an après le rejet de la demande de Savoie.

« Ces joueurs sont sous une pression incroyable dès le départ », note Dan Marr. « La demande a généré beaucoup de pression extérieure, beaucoup de bruit », admet Savoie.

McDavid, Tavares et Ekblad n’ont sans doute pas regretté leur démarche. Les histoires de Bedard et de Veleno sont encore en train de s’écrire. Mais le cas de Day n’a pas été un succès. Il a finalement été repêché au 81rang en 2016, il ne compte que deux matchs dans la LNH à 24 ans, et Benoît Groulx a tenté de le rescaper cette saison chez le Crunch de Syracuse, où il vient de connaître sa meilleure saison chez les pros (40 points en 69 matchs).

C’est énormément de pression sur un jeune et très peu sont capables de la gérer. Des McDavid, il n’y en a pas à tous les coins de rue.

Benoît Groulx

D’ailleurs, le statut de joueur exceptionnel est à aborder avec prudence, rappellent nos intervenants. Gerry Johannson, l’agent de Savoie, le reconnaît. « Je dis toujours à nos clients : « Pas de presse. Sois patient. » Il y a seulement quelques gars qui peuvent gérer ça. Matthew aurait pu, ça paraît, et Bedard aussi. Mais tu n’en verras pas chaque année. »

« Je dirais aux jeunes de faire attention et de ne pas regarder ça seulement d’un point de vue de hockey, ajoute Cam Stewart. Tu dois penser à comment ce sera d’être en pension à 15 ans. Tu dois aussi te demander si c’est la meilleure décision, pas seulement pour cette année, mais pour l’avenir. Shane, tu lui parles et tu vois qu’il est plus mature que des gars de la LNH qui gagnent 8 millions par saison ! »

Avec Wright, Bedard, et maintenant, Michael Misa, qui a obtenu ce statut dans l’OHL le mois dernier, les prochaines années constitueront un laboratoire intéressant sur les bienfaits et les risques de ce statut.