« C’est drôle, parfois je parle à des gens qui sont comme : “Hey, la Grande Muraille de Charlevoix !” », raconte Ann-Renée Desbiens en riant au bout du fil.

Ce surnom, il lui a d’abord été décerné par le collègue Alexandre Pratt dans l’une de ses chroniques aux Jeux olympiques de Pékin. Un mois plus tard, il semble qu’il lui colle encore à la peau. Disons qu’il y a pire.

« Je l’ai entendu dans quelques conversations. C’est quand même drôle, on dirait que je ne réalise pas que c’était comme ça que les gens m’appelaient », laisse entendre la portière.

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Il faut dire que ce surnom ne sort pas de nulle part. Ann-Renée Desbiens a été absolument magistrale devant la cage canadienne, en Chine. Après que les Canadiennes eurent mis la main sur l’or, son nom était sur toutes les lèvres. La principale intéressée, elle, peine encore à réaliser ce qu’elle a vécu.

Avant de s’envoler pour Pékin, à la fin de janvier, elle refusait de se décrire comme la gardienne numéro un de la formation. C’est pourtant ce qu’elle a été, gardant les buts pour cinq des sept rencontres et maintenant un pourcentage d’arrêt de ,940. Certaines de ses coéquipières l’ont même qualifiée de « meilleure gardienne au monde ».

Décompresser

Mais Desbiens se dit simplement « vraiment heureuse » d’avoir occupé ce rôle.

En tant que gardienne de but, on veut toujours être celle qui aide son équipe à gagner. C’est celle qui est dans les buts qui fait les arrêts, donc je pense que j’ai vraiment adoré l’expérience.

Ann-Renée Desbiens

Cette médaille d’or, « c’est vraiment un rêve qui est devenu réalité ». Une réalité qu’elle partage avec famille et amis depuis son retour.

Les dernières semaines ont en effet été occupées. D’abord, elle s’est offert un court voyage de quatre jours avec quelques coéquipières, question de célébrer et, surtout, de décompresser. Puis, elle a rendu visite à son frère sur la Côte-Nord, en plus de passer beaucoup de temps dans son coin de pays, à Charlevoix.

« On a une patinoire ici, à Saint-Aimé-des-Lacs. On a joué au hockey avec des amis. »

Et la fameuse médaille chèrement gagnée, que compte-t-elle en faire ?

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Philip Poulin et Ann-Renée Desbiens

« Je n’ai pas encore de plan ! répond l’athlète de 27 ans. Pour l’instant, c’est plus de la traîner avec moi, de la partager avec les gens, les laisser prendre des photos avec elle. C’est certain qu’éventuellement, elle va retourner dans son petit coffre et être un peu plus tranquille, mais pour l’instant, elle va faire beaucoup de voyages. »

Ce vendredi, la hockeyeuse va d’ailleurs célébrer ses exploits avec les siens dans Charlevoix, au cours d’une activité publique prévue à l’aréna de Clermont.

Pas de pause

Après les Jeux de 2018, à PyeongChang,
Ann-Renée Desbiens croyait bien avoir tiré un trait sur ses années de hockeyeuse élite. Le cycle 2014-2018 et sa prolifique carrière dans la NCAA, à l’Université du Wisconsin, l’avaient laissée « mentalement fatiguée », avait-elle expliqué à La Presse en janvier 2020. Elle avait donc terminé sa maîtrise en comptabilité et commencé à travailler comme entraîneuse spécialisée.

Puis elle est revenue. Et tenez-vous-le pour dit : cette fois-ci, elle n’accrochera pas ses jambières.

Je suis d’attaque pour les prochaines années. J’ai eu beaucoup de plaisir avec Hockey Canada depuis mon retour au hockey. Le changement qu’il y a eu sur le programme fait en sorte que dans l’équipe, on a beaucoup de plaisir ensemble, on s’amuse.

Ann-Renée Desbiens

Il y a de la pression, elle ne le nie pas, mais elle sait « mieux la naviguer maintenant », souligne-t-elle.

« J’ai l’intention de continuer à jouer, de continuer à faire grandir le hockey féminin québécois dans le monde et à avoir une influence sur les plus jeunes. »

Une belle visibilité

Cette conquête canadienne aux Jeux olympiques, en plus de celle au Mondial à la fin de l’été, a offert au hockey féminin une belle visibilité au pays.

Après les Jeux, la capitaine Marie-Philip Poulin a reçu une offre des Lions de Trois-Rivières, le club québécois de l’ECHL. L’histoire a fait jaser. Mais la hockeyeuse vedette a rapidement fait taire les rumeurs, affirmant n’avoir « aucune intention » de se joindre à l’équipe, préférant poursuivre son « travail de persuasion afin qu’il y ait une ligue professionnelle de hockey féminin ».

« Marie-Philip, c’est une très grande ambassadrice du hockey féminin, a dit Desbiens. Il faut comprendre que si on veut avoir une ligue féminine, il faut avoir les meilleures joueuses pour attirer les gens, avoir des partisans. Tout le monde, on comprend ce rôle qu’on a, qui est plus grand que juste une personne. »

Je pense que Marie-Philip [Poulin] est un exemple de leader qui veut toujours faire ce qu’il y a de mieux pour le sport en général.

Ann-Renée Desbiens

Radio-Canada rapportait d’ailleurs cette semaine l’imminence de l’annonce de la création d’une nouvelle ligue professionnelle féminine.

« Ça fait des années qu’on y travaille, qu’on a des discussions, a-t-elle dit au Soleil. Ça prend beaucoup de temps quand on veut bien faire les choses, donc je suis contente qu’elles commencent à tomber en place.

« Quand on parle de ligue professionnelle, oui les salaires sont importants, mais il y a aussi les assurances, les congés maternité, le choix des bons marchés où il y aura des spectateurs pour nous encourager, etc. Il y a plusieurs choses à prendre en considération. On ne veut pas une ligue pour juste un an, mais une ligue qui va durer dans le temps. »