Ce n’est certainement pas dans ces circonstances que Charles Hudon entrevoyait son premier match près de la maison, dans l’uniforme ennemi.

Tout d’abord, Hudon aurait bien sûr préféré être dans l’uniforme du Lightning de Tampa Bay et affronter le Canadien. Mercredi, il était plutôt avec le Crunch de Syracuse, contre le Rocket de Laval.

Il ne s’imaginait pas non plus jouer devant des gradins vides. Mais c’est ainsi qu’était disputé ce premier match du Rocket depuis le 17 décembre dernier. La Place Bell, comme le Centre Bell, ne peut actuellement pas accueillir de spectateurs.

« Ça va être différent, surtout sans les fans, sans la famille dans les gradins », a convenu Hudon, rencontré lors de la réunion matinale du Crunch, mercredi, à la Place Bell. « Mais juste d’être ici dans une organisation autre que le Canadien, c’est gros pour moi.

« Je sais que c’est difficile en ce moment, mais pour moi, ce sera plus facile sans les fans. Je vais pouvoir me concentrer sur mon match, je n’aurai pas à m’occuper de personne à l’extérieur ! C’est différent, mais ça me fait des papillons de revenir ici à Laval. »

Détour en Suisse

Officiellement, ça ne fait qu’une quinzaine de mois que Hudon a quitté l’organisation qui l’a repêché en 2012. Mais au rythme où vont les choses, on dirait que ça fait une éternité.

Depuis son départ, le Canadien a en effet changé d’entraîneur-chef, a congédié son directeur général, a atteint la finale de la Coupe Stanley, a perdu son capitaine, a dit au revoir à Phillip Danault et se retrouve au cœur d’un nouveau feuilleton sur l’état de santé de Carey Price.

Ses contacts avec l’organisation ? Il nomme Éric Lévesque, préposé à l’équipement du Rocket, de même que les vétérans Xavier Ouellet et Alex Belzile.

La vie a changé chez le Canadien, mais chez Hudon aussi. « Notre bébé de 9 mois ne comprend pas encore qu’il s’est promené de la Suisse à Montréal à Syracuse ! »

Parce qu’après un séjour dans l’organisation du Canadien qui a fini en queue de poisson, Hudon s’est expatrié à Lausanne pour y disputer la campagne 2020-2021. Il y a récolté 32 points (15 buts, 17 aides) en 33 matchs, avant de revenir en Amérique du Nord grâce à un contrat d’un an, à deux volets, avec le Lightning.

Il n’a pas encore eu droit à un rappel, notamment en raison d’un mauvais concours de circonstances : la COVID-19 a frappé le Lightning et le club-école au même moment. Hudon a fait partie des joueurs infectés et n’était donc pas disponible pour un rappel quand le grand club a eu besoin de renforts, pendant les Fêtes.

Il y a aussi le fait que, malgré une production intéressante (18 points en 22 matchs), Hudon n’a pas encore pleinement convaincu son entraîneur-chef, Benoît Groulx.

« Le défi de Charles, c’est de jouer à la façon du Crunch. Ça, ça va être n’importe quel joueur, a lancé Groulx. On l’a laissé à sa position naturelle au début, mais là, on l’a mis au centre. Je lui en ai parlé hier [mardi], je trouve qu’il a plus de liberté au centre, il est plus impliqué dans le jeu et il se débrouille aux mises au jeu.

« Sa production est bonne, elle pourrait être meilleure. Son jeu est bon, on espère qu’il soit meilleur. Je sens que le meilleur hockey de Charles Hudon est devant lui. Il a une bonne attitude, son travail est bon et on a une bonne communication ensemble. Comme le reste de l’équipe, je pense que ça s’en vient. »

La famille avant le hockey

Hudon n’a donc pas encore eu la chance espérée de retourner dans la LNH. Et s’il était resté en Suisse ou ailleurs en Europe, son nom aurait certainement pu faire partie des discussions pour jouer avec Équipe Canada aux Jeux olympiques.

Dans les circonstances, il admet ne pas savoir s’il a pris la bonne décision en tentant un retour en Amérique du Nord.

De cet angle-là [les Jeux olympiques], c’est une mauvaise décision, mais si ça me permet de jouer dans la Ligue nationale, c’est une bonne décision. Je ne sais pas ce qui va arriver. On verra pour la suite.

Charles Hudon

« Je ne saurai jamais si c’était la bonne décision de revenir ou si j’aurais dû rester là-bas. On est contents d’être revenus, pour voir nos familles. On est contents de revoir le hockey nord-américain. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé la Suisse. C’est juste une mentalité différente. Mon but, c’est de retourner là-bas pour finir ma carrière, parce que je sais que mes chances de jouer dans la Ligue nationale sont de plus en plus minces. »

Pour l’heure, sa femme et leurs trois enfants sont avec lui à Syracuse. Sa plus vieille « est dans la même classe que le fils à Gab Dumont [son coéquipier à Syracuse]. C’est drôle de les voir aller ensemble, les p’tits bouts !

« Plusieurs décisions dans les prochaines années vont être prises en fonction de ma famille, pas en fonction de moi. On verra rendu là. Là, on parle beaucoup pour les prochaines années. L’école, ça change les choses. Là, il faut que je reste à Syracuse jusqu’en juin à cause de l’école. Quand je m’entraînais, je voyais Jonathan Bernier qui arrivait super tard à cause de ses enfants. Là, c’est rendu mon tour ! »

S’il n’en tenait qu’à sa plus grande, c’est d’ailleurs en Suisse que Hudon poursuivrait sa carrière. « Je sais que ma plus grande espère y retourner. L’autre ne sait pas trop c’est où, la Suisse ! »

Le Crunch se met en marche

Avec une fiche de ,521 (11-10-3 avant le match de mercredi), le Crunch connaît sa « pire » saison depuis l’arrivée de Benoît Groulx derrière le banc en 2016 (on a déjà vu pire). Mais on en parlait, les blessures et la COVID-19 n’ont pas épargné l’équipe, qui a employé 38 joueurs jusqu’ici. À titre comparatif, le Rocket a fait appel à 31 joueurs. Mais depuis Noël, le Crunch retrouve peu à peu ses éléments et arrivait à Laval fort d’une série de quatre victoires. « On a joué tellement de matchs sans nos deux premiers gardiens et nos quatre premiers défenseurs, avec un premier trio rafistolé. Notre but, c’était de survivre à ce moment-là, a révélé Groulx. Je lève mon chapeau aux joueurs. Maintenant, c’est probablement notre meilleure équipe sur papier depuis longtemps. Nos blessés sont revenus, les gars qui ont eu la COVID aussi. […] On croise les doigts pour que les blessures soient derrière nous. On aura un calendrier inhumain d’ici la fin de la saison. » À titre d’exemple, le duel de mercredi à Laval était le premier d’une série de 7 en 11 jours.