Il connaissait la soirée de sa carrière. Et peut-être qu’il ne s’en souviendra pas.

Auteur de deux buts et deux passes pour un sommet personnel de quatre points, Joel Armia a subi une commotion cérébrale après avoir été la cible d’un violent coup d’épaule à la tête en toute fin de rencontre, gracieuseté de Tyler Myers. Le Canadien a rapidement confirmé que son gros ailier droit serait absent pour une durée indéterminée.

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La situation est d’autant plus navrante que l’assaut est survenu dans une cause perdue : la marque était alors de 6 à 3 pour le Tricolore, au terme d’une soirée qu’il avait majoritairement dominée. Les visiteurs ont ajouté un ultime but pendant la punition majeure imposée à Myers, assortie d’une expulsion du match. Il devra probablement lui aussi regarder quelques rencontres en tenue de ville après que la LNH aura révisé la séquence.

Surveillé par Bo Horvat et disputant la rondelle à Brock Boeser, Armia n’a jamais vu venir son agresseur.

« C’est un joueur qui n’essaie de faire du mal à personne », a plaidé Travis Green, entraîneur des Canucks, au terme de la rencontre, invoquant par ailleurs la grande taille du défenseur (6 pi 8 po).

Or, quand bien même Myers serait une soie, le type de coup dont il s’est rendu coupable incarne exactement un fléau que la ligue tente d’éradiquer, a fait valoir Claude Julien après la rencontre.

Je n’ai pas aimé le coup, surtout avec 2 min 28 s à disputer, a dit l’entraîneur. Il ne l’a jamais vu venir. Myers est un gros gaillard, mais était-ce nécessaire ? On va attendre de voir si la ligue va sévir.

Claude Julien

« Malheureux »

Assis au banc des joueurs au moment des faits, Shea Weber et Nick Suzuki n’ont pas souhaité commenter l’incident, qui s’est déroulé devant le banc des punitions. Ils ont tous deux fait valoir qu’ils n’avaient pu voir avec précision ce qui était arrivé.

Ex-coéquipier de Myers à Vancouver, Tyler Toffoli a affirmé qu’il ne souhaitait « pas parler » de cet évènement « malheureux » pour le défenseur qui, lui-même, ne serait sans doute « pas heureux » en revoyant les images de ce moment. Un peu plus, et il souhaitait prompt rétablissement à Myers. Mais passons.

Le choc est d’autant plus malencontreux pour Joel Armia, qui connaissait jusque-là une soirée formidable. Le duo qu’il forme avec Toffoli s’est offert deux buts en désavantage numérique. Et le trio qu’ils complètent avec Jesperi Kotkaniemi en a ajouté deux autres à forces égales. Armia a chaque fois obtenu des points.

Au total, depuis leur arrivée à Vancouver, les trois joueurs ont cumulé 14 points. Pas si mal, pour une combinaison qui semblait tarder à trouver son rythme !

Surtout, Armia était en voie de prouver pourquoi il avait sa place au sein du top 9 du Canadien. Son coup de patin se situe sous la moyenne de son équipe, mais son gabarit et sa capacité à protéger la rondelle en font, finalement, un complément de choix pour ses partenaires.

« Il a de bonnes mains, une bonne vision, un bon tir, a rappelé Claude Julien. Il avait une grosse soirée pour nous. C’est malheureux de perdre un joueur de cette qualité sur une mise en échec aussi regrettable. »

On se demande déjà si cet incident n’est pas la conséquence du calendrier hors norme imposé par la COVID-19. En disputant de nombreux matchs contre un nombre restreint d’équipes, presque systématiquement dans des enchaînements de deux à trois rencontres, le niveau d’intensité sera appelé à monter rapidement, comme en séries éliminatoires.

De fait, Myers a drôlement ressemblé à un gars qui « préparait le prochain match », pour utiliser un cliché issu d’une autre époque.

Même si les coups à la tête ne sont pas une invention de la pandémie, « ce qu’on a vu ce soir, ce sont des choses qu’on peut s’attendre à voir assez souvent en jouant des matchs consécutifs contre la même équipe », a prévenu Julien.

On espère néanmoins des résultats différents.

Défense décimée

Cette fin en queue de poisson a presque fait oublier le match qui l’avait précédée.

Car, pour le deuxième soir de suite, les marqueurs se sont régalés. Moins de huit minutes s’étaient écoulées que, déjà, le tableau indicateur affichait un score de 2-2.

« Ça ressemblait à un flashback de la veille ! », a dit Nick Suzuki, en référence à la défaite de 6-5 subie en tirs de barrage.

Or, à compter de la deuxième période, le Canadien a non seulement espacé ses visites au banc des punitions (enfin, dirons-nous), mais il a commencé à attaquer les Canucks là où ils sont les plus affaiblis : en défense.

Travis Hamonic, blessé, et Alexander Edler, non disposé à jouer, ont été rayés de la formation quelques heures avant la rencontre. Résultat : Olli Juolevi et Brogan Rafferty ont été appelés en relève. Il s’agissait d’un cinquième match en carrière pour Juolevi, et d’un troisième pour Rafferty. Ajoutez à cela la présence de Jalen Chatfield pour son deuxième match dans la LNH, et vous obtenez quelque chose qui ressemble drôlement à une brigade de la Ligue américaine.

Sur le deuxième but de Joel Armia, le pauvre Rafferty s’est bizarrement retrouvé le visage dans le postérieur de Tyler Toffoli devant le filet. C’était peut-être là l’image la plus fidèle de la soirée de misère qu’il a connue.

Pour compenser, les vétérans ont dû prendre les bouchées doubles. Nate Schmidt a disputé 27 minutes pour le deuxième match de suite, et il devra en donner encore plus si Myers est suspendu. Quant au jeune Quinn Hughes, le style de jeu du Canadien ne semble pas lui convenir, quoique ç’a été moins laborieux pour lui que la veille.

On ne sait donc pas trop quoi attendre du troisième et dernier match entre les deux équipes, qui sera disputé samedi soir. En plus d’Armia, Paul Byron est tombé au combat en troisième période après avoir amorti avec son pied un tir de Shea Weber. Son cas sera réévalué vendredi.

Ce n’est donc non pas un, mais deux joueurs qui pourraient être appelés en renfort de l’escouade d’urgence. Corey Perry et Michael Frolik représentent des candidats évidents pour faire leur entrée en scène.

Ils voudront certainement montrer que leur statut de réserviste n’est qu’une étiquette et qu’ils peuvent se voir confier des missions offensives importantes.

Ce qui, le cas échéant, ne risque pas de calmer l’explosion de buts observée depuis deux jours à l'ouest de nos Rocheuses.

ILS ONT DIT

On est contents, peu importe quelle unité marque des buts. Chaque trio se nourrit du momentum des autres trios. Notre profondeur donnera de la difficulté à beaucoup d’équipes.

Nick Suzuki

On a de la profondeur, on peut faire jouer nos 12 attaquants et nos 6 défenseurs, nos gardiens sont bons… Mais il faut rester loin du banc des punitions. On a beaucoup parlé de discipline : on veut être physiques, être durs. Mais on doit cesser d’écoper de pénalités comme ça.

Shea Weber

En deuxième période, on a resserré notre jeu défensif et minimisé les punitions. Nous nous sommes adaptés et avons disputé un match un peu plus à notre image [que celui de mercredi].

Claude Julien

Phillip [Danault] a connu un dur début de soirée, mais il s’est amélioré à mesure que le match avançait. D’autres joueurs se sont levés.

Claude Julien, justifiant la faible utilisation de son joueur de centre

Je ne pense pas que qui que ce soit ait été très bon. Nous avons eu l’air immatures par moments.

Travis Green, entraîneur des Canucks

Ç’a été un défi en défense avec les gars qui nous manquaient, et ça nous a mis de la pression, mais nous n’avons pas été assez bons. Nous étions un peu lents dans nos lectures des jeux.

Le défenseur Nate Schmidt

— Propos recueillis par Simon-Olivier Lorange et Richard Labbé, La Presse

OÙ ES-TU, ELIAS ?

PHOTO DARRYL DYCK, LA PRESS CANADIENNE

Elias Pettersson

Les joueurs du Tricolore ne s’en plaindront sans doute pas, mais Elias Pettersson est méconnaissable. Déjà l’un des attaquants les plus dangereux de la LNH à 22 ans à peine, il ne revendique toujours qu’une maigre mention d’aide en six rencontres, cette saison. Mais au-delà des statistiques, il y a son jeu général qui n’a rien de sa forme des beaux jours. On a pu le constater en fin de première période lorsqu’il a tenté (sans succès) de déjouer à lui seul les cinq joueurs du CH massés à leur ligne bleue. Et sur le troisième but du Canadien, en tout début de deuxième période, sa passe molle a été facilement interceptée par Joel Armia, qui a lancé Tyler Toffoli en échappée. Son équipe attend de lui qu’il soit le moteur de l’attaque. Mais le démarrage est très, très difficile.

Encore Horvat !

Quelle n’a pas été notre déception de constater que l’unité de désavantage numérique du Canadien n’avait pas lu la rubrique « Dans le détail » dans sa Presse* de jeudi matin, où la stratégie secrète des Canucks à cinq contre quatre avait été étalée au grand jour. Après avoir marqué deux buts quasi identiques mercredi en se faisant oublier dans l’enclave, Bo Horvat a remis ça dès la première période avec une réussite taillée dans le même moule, au détour d’un échange rapide avec Quinn Hughes et J.T. Miller. Les séquences des deux soirs ont été superposées dans une publication sur Twitter, ce qui nous permet d’en apprécier l’exécution parfaite.

Quel désavantage ?

Mine de rien, le Canadien a marqué seulement deux buts de moins en infériorité numérique qu’en avantage numérique après cinq rencontres. Jeudi, Joel Armia et Tyler Toffoli ont inscrit respectivement les 3e et 4e buts de leur équipe à court d’un homme. Shea Weber a vanté la lecture du jeu de ses collègues attaquants, ce qu’a corroboré Toffoli lui-même. « Les quatre joueurs sur la glace exercent beaucoup de pression et obligent [l’adversaire] à forcer des jeux. Nos bâtons sont là et on crée nos chances », a-t-il résumé. De fait, les deux buts de la soirée à quatre contre cinq ont suivi des interceptions : Toffoli a profité d’une erreur d’inattention de Nate Schmidt pour remettre à Armia, qui a marqué d’un tir vif en première période, puis le Finlandais lui a rendu la politesse après avoir confondu Elias Petterson (voir un peu plus haut).