Avant de répondre, Guy Carbonneau hésite un peu. Mais après une seconde ou deux, ça ne fait plus aucun doute à ses yeux : « Oui, le Canadien a probablement son meilleur duo de gardiens depuis… Patrick et Hayward. »

Patrick et Hayward, c’est bien sûr Patrick Roy et Brian Hayward, et une seule référence à ces deux-là, qui ont protégé le filet montréalais pendant quatre saisons, de 1986-1987 à 1989-1990, devrait suffire à faire rêver le plus sceptique des partisans.

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Patrick Roy bloquant une rondelle, gêné par Randy Wood, des Islanders de New York, le 24 octobre 1990

Il faut bien le reconnaître, depuis Roy et Hayward, les duos du Canadien ont été souvent décevants. Après le départ de Hayward, Roy a souvent eu à tout faire seul. Après son propre départ, très bruyant, en 1995, les hommes masqués qui ont défilé devant le filet n’ont rien cassé, et il faudra attendre José Théodore et sa saison magique de 2001-2002 avant de revoir un gardien du CH rentrer au bercail avec une petite réplique du trophée Vézina sous le bras.

Ensuite, en 2005, le Canadien a bien sûr repêché Carey Price, qui a lui-même touché au Vézina en 2014-2015, mais il a souvent eu à se débrouiller sans trop d’appui. Et puisqu’on y est, quel est le dernier duo de gardiens du CH à avoir gagné le trophée Jennings, remis annuellement à ceux qui ont accordé le moins de buts en saison ? Roy et Hayward, bien sûr, qui l’ont gagné trois fois de suite, de 1986-1987 à 1988-1989.

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Jake Allen au camp d’entraînement du Canadien de Montréal, à Brossard

Dans quatre jours, le Canadien va amorcer sa saison à Toronto avec Carey Price et Jake Allen, et il faut sans doute remonter à bien loin pour retrouver un duo qui provoque autant d’espoir chez les partisans. À la fin des années 1980, pour être bien précis…

« Ce qui était bien avec Patrick, poursuit Carbonneau, c’est que tu pouvais lui donner un adjoint qui n’avait pas besoin d’être super bon pour que ce soit un bon duo, parce que de toute façon, Patrick allait gagner des matchs à lui seul. Je pense que c’est la même chose avec Carey, qui est lui aussi une valeur sûre. Alors si on fournit un bon adjoint en plus… »

À trois de ses quatre années avec le Canadien, Hayward avait offert des saisons de moins de trois buts accordés par match à son club, une excellente statistique à une époque où les matchs de 9-8 et 7-4 n’étaient pas rares. Ce petit coussin permettait au Canadien de ne pas hésiter à remplacer Roy quand le besoin d’une pause pouvait se faire sentir.

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Brian Hayward en décembre 1989

Les joueurs, je me souviens, on était tous très confiants quand Patrick était devant le filet. Ça doit être la même chose avec Carey ; tu te sens à l’aise parce que même si tu fais une erreur, tu sais que ton gardien va venir la réparer ensuite.

Guy Carbonneau, ancien joueur du Canadien

« Et si tu n’as pas l’impression qu’il y a une baisse dans la qualité des performances quand c’est l’autre qui embarque, c’est un boni », ajoute Carbonneau.

C’est ce pari de la qualité que la direction du Canadien a fait avec Jake Allen en octobre, en lui offrant une prolongation de contrat de deux ans, pour une moyenne de 2,8 millions de dollars par saison. Avant lui, Carey Price a eu les adjoints que l’on sait : Keith Kinkaid (ce fut difficile), Al Montoya (aussi), Antti Niemi (des hauts, surtout des bas vers la fin), Peter Budaj (même chose), Alex Auld (on l’avait oublié), Mike Condon (un maudit bon gars), sans compter ceux qui n’ont fait que passer, comme les spectaculaires Ben Scrivens et Dustin Tokarski. Jaroslav Halak aura bien sûr été un second de qualité, au point de devenir le numéro un au printemps de 2010, mais ce mariage ne pouvait pas durer.

À 30 ans, Allen comprend très bien son rôle.

Je peux apprendre en regardant Carey chaque soir. Ça fait 10 ou 12 ans qu’il est ici et qu’il est l’un des meilleurs gardiens de la ligue. Il n’y a pas beaucoup de gardiens qui sont capables de jouer aussi bien que lui et pendant aussi longtemps…

Jake Allen, lors d’une visioconférence jeudi

Dans un calendrier qui sera condensé, et qui va certes amener des défis quotidiens, ce sera un atout majeur que de pouvoir miser sur deux gardiens de qualité, selon Allen.

« Ça prend deux bons gardiens, a-t-il répondu jeudi. Il y a le numéro un et il y a l’autre, qui doit colmater les brèches quand c’est nécessaire. Je crois que je vais pouvoir avoir ce genre de relation avec Carey au cours des prochaines années, pour aider le club en route vers le sommet. »

Pour y arriver, le Canadien va donc consacrer 18,2 % de sa masse salariale aux gardiens, selon le site CapFriendly. En guise de comparaison, le Lightning de Tampa Bay dépense 13,3 % de son enveloppe salariale pour ses gardiens.

« Mais l’époque où c’est un seul gardien qui jouait presque tous les matchs, c’est terminé, conclut Guy Carbonneau. Martin Brodeur qui dispute 75 matchs dans une saison, je ne suis pas sûr qu’on va revoir ça. Maintenant, ça prend deux gars qui veulent le filet, et c’est ce que le Canadien va avoir cette saison. »