« Quand ton fils t’appelle en pleurant, ce n’est pas facile. Je ne sais pas si tu as des enfants, mais c’est difficile de rester insensible quand ça t’arrive… »

Celui qui parle, c’est Sébastien Bordeleau. Dans la vie, il est entraîneur au développement des joueurs des Predators de Nashville. Mais cette fois, c’était en tant que père de Thomas Bordeleau qu’il s’exprimait.

Physiquement, Thomas Bordeleau va mieux. L’espoir des Sharks de San Jose est atteint de la COVID-19 et doit rester en isolement jusqu’à mercredi.

C’est le 11 décembre qu’il a reçu son test fatidique. Il ressentait des symptômes, mais il avait reçu sa dose de rappel contre le virus cinq jours plus tôt. Il espérait donc que son inconfort soit un effet secondaire du vaccin. Ce ne l’était finalement pas.

« Du vendredi au dimanche [du 10 au 12 décembre], j’ai eu beaucoup de douleurs musculaires, un peu de fièvre. C’était comme une grippe, mais avec plus de douleurs musculaires », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique avec La Presse, dimanche.

Il va mieux physiquement, mais mentalement, c’est autre chose.

Le Québécois né aux États-Unis a été privé d’une participation au Championnat du monde junior avec l’équipe américaine pour la deuxième année de suite. Et comme il aura 20 ans le 3 janvier, c’était sa dernière chance d’y participer.

C’est pour ça qu’il sanglotait quand il parlait à son père au téléphone.

Au mauvais moment

Décidément, le sort s’acharne sur Thomas Bordeleau.

Il a encore gros sur le cœur son exclusion du Mondial junior l’an dernier. La raison : son cochambreur, John Beecher, avait eu un résultat positif à un test de COVID-19. Bordeleau avait donc été exclu parce qu’il était un contact proche, même s’il n’avait finalement pas été contaminé.

On a ensuite compris pourquoi il n’avait pas été contaminé : le test de Beecher était en fait un faux positif !

Cette année, la situation est différente. Mais quand on parle de malchance, prenez ceci : son coéquipier au Michigan Kent Johnson a aussi contracté le virus, mais il a eu son résultat environ cinq jours avant Bordeleau. Johnson a donc pu sortir de sa quarantaine à temps pour intégrer la « bulle » du Championnat du monde junior, où il joue pour le Canada.

L’accumulation est dure. L’an passé, c’était injuste. Le tournoi a géré ça de façon vraiment ordinaire. Mais cette année, j’ai vraiment eu un test positif, donc je n’ai rien à redire. USA Hockey a vraiment exploré toutes les options, mais il fallait que je rentre dans la bulle le 15 décembre et c’était impossible. Dans les deux cas, c’est hors de mon contrôle.

Thomas Bordeleau

Son résultat positif fait toutefois mal, parce que le jeune homme estime avoir pris toutes les précautions. On a évoqué plus haut sa dose de rappel, mais il y a plus.

« Il fallait partir le dimanche pour le camp, et avec mon coach, on a décidé que je ne jouerais pas les matchs du vendredi et du samedi à Ohio State pour mettre toutes les chances de mon côté. Je suis resté chez moi, et le samedi, j’ai eu mon test positif.

« J’aurais voulu prouver au monde ce que je pouvais faire. Ça m’a fait ch*** d’être repêché au deuxième tour l’an passé. Je connais une bonne saison au Michigan, mais je voulais vraiment lancer un message au tournoi. C’était mon but toute l’année parce que j’avais une autre chance. Et je ne peux pas y aller. Ça me tue de ne pas pouvoir les aider à gagner. Le coach croyait en moi. »

En quarantaine seul

Bordeleau partage une résidence étudiante avec deux coéquipiers des Wolverines de l’Université du Michigan, Matty Beniers et Jacob Truscott. Le premier est justement avec l’équipe américaine en Alberta, tandis que le second est rentré dans sa famille pour le temps des Fêtes.

Bordeleau est donc seul dans la résidence pour sa quarantaine. Pour passer le temps, il fait ce que tout jeune adulte ferait : « Beaucoup d’émissions et de films ! »

Et l’entraînement, pour garder la forme en attendant ? « Je suis un peu trop depressed pour faire ça. »

Les premiers jours de la quarantaine, je restais dans ma chambre, même si j’avais l’appartement à moi tout seul. Je ne mangeais plus. Mais je commence à voir la lumière au bout du tunnel, je me dis que des gens l’ont pire que moi avec la COVID.

Thomas Bordeleau

Bordeleau prévoit maintenant rentrer au Québec pour les Fêtes afin d’y passer du temps en famille. Il ne sait pas encore s’il aura le moral assez fort pour regarder des matchs du tournoi. « Mais s’ils se rendent en finale ou en demi-finale, c’est sûr que je vais regarder ! »

Et il espère bien sûr en ressortir grandi parce que, comme il le souligne lui-même, « c’est la seule chose à dire ! »

« Ma vie, c’est plus gros que juste le hockey. Je vais aller chez nous aux Fêtes. Là-bas, je ne suis pas juste un joueur de hockey. Je suis le fils, le chum. Je vais me concentrer là-dessus. Et après les vacances, je vais me concentrer sur ma deuxième moitié de saison. »