(Pittsburgh) Quand on suit une équipe dont les activités ont commencé sous Lomer Gouin, il est plutôt rare d’assister à des premières historiques.

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Ainsi, les mordus qui ont passé leur samedi soir devant leur téléviseur ont été témoins d’une de ses rares premières : trois buts dans un filet désert de la part du Canadien.

Mais il y a eu une autre première – du moins, on soupçonne que c’en est une – pas mal moins anecdotique, beaucoup plus dramatique : un membre de l’état-major du club qui démissionne en marge du match. Car disons les choses comme elles sont : la nouvelle du départ de Scott Mellanby, mais surtout les étranges circonstances qui l’entourent, ont jeté de l’ombre sur la victoire de 6-3 du Canadien contre les Penguins.

On connaît tous la sainte Trinité des évènements rocambolesques des dernières années : un joueur (Mike Cammalleri) échangé pendant un match, un entraîneur adjoint (Perry Pearn) congédié 90 minutes avant un duel et un entraîneur des gardiens (Stéphane Waite) remercié pendant un entracte.

Sauf que dans ce cas-ci, ce sont les indices supplémentaires d’une fin de régime qui rendent cette nouvelle intrigante. Quels indices ? Que Mellanby aurait été interviewé, selon Pierre LeBrun, pour le poste de DG – poste occupé par Marc Bergevin, aux dernières nouvelles. Que l’idée d’un poste de président des opérations hockey – qui n’existe pas encore – ait été discutée. Qu’un ancien DG chez les Rangers, Jeff Gorton, ait été pressenti pour un poste de haut niveau dans l’organisation…

Bergevin a vécu tout ça à distance, lui qui est théoriquement en isolement à la maison en raison de son diagnostic de COVID-19. Le même Bergevin qui martelait, en entrevue avec La Presse la semaine dernière, être « le boss du hockey » chez le Canadien. Une information impossible à valider auprès du propriétaire de l’équipe, Geoff Molson, tant qu’il demeure muet en public pendant la crise.

Mais Dominique Ducharme, lui, doit garder la tête froide, trouver des solutions pour son équipe méconnaissable, et ce, sachant très bien que son avenir professionnel dépend forcément de son patron…

« Je n’ai aucun contrôle, a lancé l’entraîneur-chef en riant. J’ai déjà dit que je n’ai pas pris l’autoroute pour me rendre ici. J’ai pris les petits chemins. Je me suis toujours dit qu’en faisant les bonnes choses, les bonnes choses étaient pour arriver. C’est comme ça que j’ai avancé d’une étape à une autre, c’est comme ça que je vais continuer. »

Cela dit, Ducharme a reconnu avoir perdu un homme de hockey bien utile en la personne de Mellanby. « C’est un gars qui a une bonne analyse des joueurs, une bonne évaluation. Comme entraîneur, quand un nouveau joueur arrivait, il pouvait me donner de la bonne information, pour que je sache à quoi m’attendre, comment l’utiliser, ses forces et ses faiblesses. »

Bergevin, lui, voit partir son lieutenant de la première heure, un gars qu’il a embauché deux mois après être entré en poste, et qu’il a promu au poste de directeur général adjoint deux ans plus tard.

Changements inévitables

C’est Josh Anderson, dans un élan de candeur la semaine dernière, qui avait tout de même reconnu que « tout le monde y pense », en parlant de l’avenir de Bergevin.

Si on se fie aux propos de Jake Allen et de Jonathan Drouin, les joueurs ont été informés de la nouvelle après le match. Et ils ont refusé d’aller aussi loin qu’Anderson.

« Ça fait un bout que je suis dans la Ligue nationale. Quand ça ne va pas bien, il va y avoir des changements. Avec un début de saison comme le nôtre, des choses comme ça vont arriver », a prévenu Drouin.

« Notre jeu et les résultats ont une influence [sur les décisions du club], mais on ne peut pas s’en faire avec ça, a ajouté Allen. On doit se soucier de ce qui se passe sur la glace. La direction, ce n’est pas de notre ressort. »

Ces joueurs ont donc déjà leur part de problèmes à gérer, et plusieurs de ces problèmes n’ont rien à voir avec l’incertitude au 7e étage. Mais le contexte est pour le moins particulier. C’est à se demander pendant combien de temps Molson laissera le chaos régner de cette façon…

Des arrêts à la tonne

Alors, sur la patinoire, il s’est passé quoi pendant ce match ?

Il s’est joué du bon hockey, un match pas mal plus spectaculaire que ce que le pointage de 1-0 indiquait après 40 minutes.

Anderson, après la défaite de vendredi à Buffalo, soulignait le trop faible apport des vétérans. Le gros ailier, qui demeure l’héritage du tout premier choix au repêchage effectué par Bergevin, est passé des paroles aux actes, emportant Tyler Toffoli et Christian Dvorak avec lui. Les trois vétérans ont amassé trois points chacun.

Drouin a disputé un de ses bons matchs de la saison, malgré une première période qu’il a trouvée « un peu difficile ». Le Québécois a été impliqué dans ce qui est considéré par bien des observateurs comme une des rares transactions que Bergevin a perdues.

PHOTO CHARLES LECLAIRE, USA TODAY SPORTS

Jonathan Drouin (92) et Teddy Blueger (53)

Artturi Lehkonen, un trop rare joueur issu du repêchage des années Bergevin, a poursuivi sur sa lancée offensivement en marquant un but.

Et Jake Allen a tenu tout ça à bout de bras, réalisant arrêt après arrêt après arrêt – il a fini à 47 ! – pour calmer la tempête. S’il y a une position qui a marqué les années Bergevin, c’est bien celle de gardien numéro 2, un poste qui lui a causé bien des maux de tête au fil du temps.

Tout ça a fonctionné le temps d’un soir, mais ça a fait défaut beaucoup trop souvent dans le premier quart de la saison. Et c’est notamment pourquoi on se sera levé ce dimanche matin en se demandant combien de temps encore Bergevin sera aux commandes de cette équipe.

Dans le détail

Lehkonen, le chien de garde

PHOTO GENE J. PUSKAR, ASSOCIATED PRESS

Artturi Lehkonen (62) et ses coéquipiers

Dominique Ducharme avait promis des changements dans ses trios et il a tenu parole. Il y a été avec une formule intrigante en permutant Jonathan Drouin et Artturi Lehkonen. Ce dernier, toujours reconnu pour son jeu responsable, a donc hérité de Nick Suzuki et Cole Caufield, deux joueurs dont le jeu défensif est – restons polis – inégal. Outre les questions défensives, ce changement faisait aussi en sorte que les deux jeunots du CH se retrouvaient à faire équipe avec le joueur le plus productif des Montréalais au cours des neuf derniers matchs. Oui, c’est bien de Lehkonen qu’on parle ! Et Lehkonen a profité de l’occasion pour marquer de nouveau. Evans se retrouvait quant à lui au sein d’un trio relativement offensif avec Drouin et Brendan Gallagher. Le numéro 71 a d’ailleurs eu droit à une jolie chance de marquer en troisième période, courtoisie de Drouin, qui l’a alimenté dans la zone payante.

Wideman sur la touche

En défense, c’était le retour à la formule classique de six défenseurs en l’absence de Chris Wideman, blessé au haut du corps. Sa perte a donc permis à Sami Niku d’obtenir une promotion au sein de l’unité de Nick Suzuki en avantage numérique. L’initiative n’a toutefois pas donné de résultats grandioses, la supériorité numérique du Canadien demeurant dans sa torpeur. À cinq contre quatre, les visiteurs ont en effet connu leurs seuls bons moments au tout début de la pénalité de quatre minutes imposée à Dominik Simon, lorsque l’autre vague était sur la patinoire. C’est une mise au jeu en zone offensive, gagnée par Christian Dvorak, qui a permis à Montréal de s’installer. Du reste, le jeu demeurait brouillon à souhait, pour la simple et bonne raison que les Penguins gagnaient constamment les courses pour la rondelle.

Une folle soirée

En l’absence de Bryan Rust, Evan Rodrigues profite d’une audition inespérée à l’aile auprès de Sidney Crosby. On peut dire qu’il a saisi sa chance. L’ailier a connu une soirée colossale offensivement. Il a certes marqué en avantage numérique, mais à cinq contre cinq, Crosby, Jake Guentzel et lui ont multiplié les séquences où ils ont criblé Jake Allen de rondelles. Rodrigues a conclu sa soirée avec 12 (!) tirs, en plus d’avoir provoqué une pénalité à Mattias Norlinder. Guentzel, lui, a tiré neuf rondelles vers le gardien du Tricolore. Celui qui est parfois surnommé E-Rod a donc l’occasion de poursuivre son étonnant début de saison. Il totalise maintenant 15 points en 21 matchs, lui dont la saison la plus productive a été de 29 points, en 2018-2019. Rust a raté les deux derniers matchs des Penguins, mais si Rodrigues continue à jouer de la sorte, l’effet de son absence sera atténué.

Ils ont dit

Incroyable. C’était un peu broche à foin, les cinq dernières minutes ! Jake pourrait être gardien numéro 1 dans bien des équipes. C’est un luxe d’avoir deux bons gardiens comme Carey et Jake.

Jonathan Drouin, au sujet de Jake Allen

C’était juste de la chance. C’est un jeu désespéré. Je ne crois pas que c’était le jeu voulu par Crosby, mais c’est arrivé.

Jake Allen, à propos de son arrêt de la mitaine contre Evan Rodrigues

Je connais Mel [Scott Mellanby], il m’a coaché à St. Louis. Il a été bon pour moi, il va avoir un avenir quelque part dans la direction d’une équipe. Il va nous manquer.

Jake Allen

On a été plus patients. Ç’a été 0-0 longtemps, on est restés patients. Il y a toujours des hauts et des bas dans un match, on les a mieux contrôlés. On n’a pas fait de niaiseries.

Dominique Ducharme

Dernièrement, je trouvais qu’on avait un trio qui fonctionnait, des fois deux. On voulait voir si on pouvait allumer quelque chose avec plusieurs trios.

Dominique Ducharme, à propos du remaniement de ses trios

En hausse

Jonathan Drouin

Auteur d’une bourde vendredi, Drouin s’est ressaisi. Un but, des chances de marquer pour ses compagnons de trio, et même une mise en échec contre John Marino qui a mis le défenseur des Penguins en furie !

En baisse

Mattias Norlinder

Utilisé de façon sporadique, il a écopé d’une pénalité qui aurait pu faire mal à son équipe quand c’était encore 0-0. Pour l’heure, les blessures à Brett Kulak, Chris Wideman et Joel Edmundson lui permettent de s’accrocher…

Le chiffre du match

+ 4

C’est le différentiel de Christian Dvorak dans ce match. L’Américain affichait un horrible - 15 avant le match (l’avant-dernier différentiel de la LNH). La soirée lui fera du bien !