(Los Angeles) Il n’y a pas un million de cartouches qu’une équipe peut utiliser pour se remettre sur les rails pendant une saison.

Un congédiement ? Assez improbable quand l’entraîneur-chef vient de signer un contrat après avoir amené son équipe en finale. Une transaction majeure ? Même si le CH était dans la course pour acquérir Jack Eichel, l’attaquant des Sabres est blessé.

Reste la bonne vieille rencontre d’équipe après une défaite. La saison n’est vieille que de neuf matchs et cette cartouche a été brûlée samedi.

Le Canadien a en effet tenu une réunion d’équipe après un – autre – cinglant revers, une bastonnade de 5-2 aux mains des Kings qui, contrairement à ce que le pointage suggère, ne comptaient pas exactement sur Wayne Gretzky, Luc Robitaille et Rob Blake dans leur formation.

Il s’est écoulé une bonne vingtaine de minutes entre la sirène finale et l’arrivée de David Savard dans la salle de presse. Ni lui, ni Ben Chiarot, ni Tyler Toffoli ne sont évidemment entrés dans les détails de cette rencontre, que l’on croyait à l’origine entre joueurs seulement. Dominique Ducharme non plus – « je ne peux pas les ramasser aux deux jours non plus », a toutefois sagement rappelé l’entraîneur-chef.

C’est donc Marc Bergevin qui l’a fait. Le directeur général du Canadien, dont l’avenir au-delà du mois d’avril est encore inconnu, s’est adressé aux joueurs.

Ce n’est pas une première, cela dit. Bergevin l’avait notamment fait en décembre 2015, après que son équipe avait subi une sixième défaite de suite. Le CH avait gagné son match suivant, trois des cinq suivants en fait, avant de se remettre à enchaîner les revers.

Pour ceux qui l’auraient oublié, cette campagne 2015-2016 s’était terminée à la fin de novembre pour Carey Price. Encore cette saison, c’est sans son gardien numéro 1 – du moins à moyen terme – que l’équipe devra trouver des solutions.

Cette fois, ce n’est pas que le Tricolore soit au cœur d’une série de défaites, mais plutôt qu’il n’arrive pas à aligner les victoires afin de rattraper le retard creusé par la série de cinq revers en lever de rideau.

« J’ai déjà vécu des choses du genre, a noté Toffoli. C’est difficile de s’en sortir. C’est une mauvaise séquence et il y a plusieurs éléments négatifs. Tu fais plus d’erreurs et tu te mets à tricher sur la patinoire, et tu te mets encore plus dans le pétrin. »

Troublant

Au-delà du classement, c’est la façon dont cette équipe perd qui est troublante.

Des sept défaites, c’est déjà la cinquième par un écart de trois buts ou plus. Excluons celle de 4-1 contre les Hurricanes, car le CH était dans le coup, le dernier but avait été marqué dans un filet désert et les Hurricanes forment une excellente équipe. Difficile d’en dire autant des Sharks, des Sabres, du Kraken et des Kings, les auteurs des autres dégelées. Doit-on ajouter que les Kings étaient privés de leurs deux premiers défenseurs ?

De plus, comment expliquer la réaction de l’équipe après qu’elle a disputé une première période très convenable ? La période médiane était atroce, mais comme Ducharme l’a rappelé, « c’est 2-1, tu peux revenir en troisième et changer le vent de bord ». On vous laisse deviner la suite.

« Ça prend un certain niveau de compétition et de travail pour gagner dans cette ligue, et actuellement, on ne le fait pas avec constance. Nos résultats le prouvent », a estimé Chiarot.

Un exemple ? Prenons le désavantage numérique. Encore samedi, ce sont trois buts accordés dans cette situation, soit un total de 12 depuis le début de la saison, pour un taux de réussite de 64,7 %. S’il était mort, le mot « réussite » se retournerait dans sa tombe.

Les Kings ont marqué deux fois sur des jeux similaires, soit le tir des poignets du haut du cercle des mises au jeu. Dylan Larkin avait marqué de cette façon samedi dernier pour les Red Wings. Timo Meier, Kyle Okposo, Victor Olofsson et Pierre Engvall ont aussi touché la cible ainsi. C’est à croire que traîne quelque part un manuel d’instructions, peut-être même avec un bonhomme souriant comme chez IKEA.

« On a fait quelques ajustements à San Jose et ça a bien été. Mais il faut parfois concéder quelque chose, et on essaie de donner ce qu’il y a de moins dangereux, et de s’assurer que le gardien sache d’où ça vient », a analysé Ducharme. Il ne l’a pas dit, mais nous le dirons pour lui : Jake Allen n’était pas non plus au sommet de sa forme.

Chiarot, lui, a rappelé « qu’il y a une part de sacrifice là-dedans, c’est évident. Tu dois être prêt à te mettre dans la ligne du tir quand c’est le temps. Tu dois aussi faire attention aux détails et t’assurer d’être bien positionné ».

Chiarot doit bien savoir de quoi il parle ; il a été le joueur le plus utilisé de son camp en infériorité numérique dans ce match (3 min 29 s), mais les Kings ont inscrit leurs trois buts pendant les quelque 2 min 30 s où il était au banc ! C’est plutôt contre le duo Romanov-Savard qu’ils ont sévi.

Les problèmes sont nombreux, le temps, limité. Le Tricolore se remettra au travail dès ce dimanche après-midi, contre les Ducks, une autre équipe attendue dans les bas-fonds du classement cette saison.

« Si on gagne, on a une fiche de 3-2 dans nos cinq derniers matchs », a rappelé Ducharme. Difficile de partager son optimisme, mais si lui-même n’y croit pas, qui y croira ?

Dans le détail

Un retour gâché

La journée avait bien commencé pour Tyler Toffoli. Dès la première pause publicitaire, on a présenté à l’écran géant un montage de ses meilleurs moments – surtout des buts – dans l’uniforme des Kings, qu’il a porté pour 515 matchs de saison. Individuellement, il n’a pas raté son retour à Los Angeles, offrant une performance très correcte. On a relevé une chance de marquer en début de match, quand le gardien Calvin Petersen lui a remis la rondelle, de même qu’une bonne mise en échec dès le départ et un jeu défensif important à mi-chemin dans le match pour priver Arthur Kaliyev d’un but. Toffoli semblait toutefois profondément déçu de la tournure des évènements après la rencontre. « La vidéo était vraiment bien. J’ai passé de beaux moments ici. Je trouve juste malheureux que ça ait été gâché », a-t-il expliqué, avec une certaine émotion dans la voix.

Grosse facture pour Danault ?

À l’inverse, Phillip Danault n’a pas raté ses retrouvailles avec ses vieux potes, ce qui lui coûtera quelques dollars s’il a bel et bien mis de l’argent en jeu, comme il l’avait laissé entendre vendredi. Danault n’a pas été transcendant, perdant même la mise au jeu qui a mené au but de Josh Anderson en première période. Mais le Québécois a aussi préparé le deuxième but d’Alex Iafallo, et surtout, il faisait partie de l’équipe gagnante. Danault a aussi livré quelques bagarres bien intenses à Nick Suzuki ; ils se sont croisés huit fois au cercle des mises au jeu.

La relève à l’œuvre

On commence à voir à quoi ressembleront les Kings d’ici deux ou trois ans. Rasmus Kupari (1er tour, 2018), Arthur Kaliyev (2e tour, 2019) et Tobias Bjornfot (1er tour, 2019) ont tous joué un rôle important dans cette victoire. Les deux premiers ont marqué. Kupari a d’ailleurs touché la cible sur un tir « Brett Hullesque », tandis que Kaliyev a rappelé qu’il n’avait pas marqué 52 buts par hasard à son année de repêchage dans les rangs juniors. Bjornfot, lui, a passé près de 21 minutes sur la patinoire et a démontré sa vitesse lors d’un repli pour priver Toffoli d’une échappée. Tout n’est pas rose cependant ; Gabriel Vilardi, 11e choix au total en 2017, a été laissé de côté.

Ils ont dit

On ne laissera jamais aller. Moi, je ne les laisserai pas aller, je ne les lâcherai pas, c’est sûr. Et je ne pense pas qu’on ait ce type de joueurs là non plus dans notre équipe.

Dominique Ducharme

C’est 2-1 en début de troisième période. Mais en 10 secondes [23 secondes, en réalité], on prend une punition. C’est une des pires façons de commencer une période, surtout quand tu veux revenir dans un match serré. Ça a tué le match. Il faut être capables de gérer ça. Il faut être meilleurs que ça.

Dominique Ducharme

Notre désavantage numérique n’est pas assez bon. Nos adversaires rentrent dans notre zone trop facilement. C’est la clé d’un bon avantage numérique. Et nous, en avantage numérique, nous ne générons pas assez de chances.

Tyler Toffoli

Ce sont des choses qui arrivent. C’était le temps de se jaser et c’est ce qu’on a fait.

David Savard, au sujet de la rencontre d’équipe

On avait notre rythme, ça a tourné après quelques punitions, mais il faut être capables de se reprendre et de jouer dans leur zone. Ça prend de l’effort et de la compétitivité et on n’est pas capables de faire ça.

Ben Chiarot

En hausse 

Cole Caufield

Il est toujours en quête de son premier but de la saison, mais ce n’est pas faute d’essayer. Il a obtenu quatre tirs, dont un en coupant dans l’enclave, afin de s’offrir la meilleure chance possible.

En baisse 

Jake Allen

Après sa soirée de 45 arrêts à San Jose, il est retombé sur Terre. Il s’est fait battre dans l’« aile de poulet » sur le premier but et a accordé un long retour sur le quatrième.

Le chiffre du match 

29

Cédric Paquette a gagné 29 % de ses mises au jeu dans ce match (2 en 7). C’est aussi son taux de succès cette saison. L’absence de Jake Evans fait mal au Canadien dans cette facette du jeu.