Son arrivée à Montréal s’est faite dans le silence quasi complet.

Vendredi dernier, le Canadien a accordé un contrat d’un an au défenseur Sami Niku. La nouvelle n’a occupé que quelques lignes dans les journaux, quelques secondes à la télé. Normal : le Finlandais ne jouait qu’un rôle effacé chez les Jets de Winnipeg, équipe qui l’a repêché au septième tour en 2015.

Et vu l’entente à deux volets qu’on lui a consentie, il serait logique qu’il passe du temps de qualité chez le Rocket de Laval pendant la saison.

Pourtant, l’apparition de Niku dans l’entourage du Tricolore est intrigante. Car il n’est pas clair à quel point le directeur général Marc Bergevin a simplement voulu ajouter de la profondeur à sa défense ou encore s’il voyait dans sa nouvelle acquisition un ajout potentiel à sa formation de 2021-2022.

Car le cas de Niku est, c’est peu dire, complexe. Et son bilan, mitigé.

D’entrée de jeu, une constatation : les statistiques n’aiment pas Sami Niku. Et on le comprendrait de ne pas les aimer lui non plus.

En carrière, le patineur de 24 ans a disputé 54 matchs dans la LNH, dont 53 depuis la saison 2018-2019. C’est donc à compter de cette campagne que nous fixons notre référence.

Un grand total de 255 défenseurs ont disputé 700 minutes et plus à 5 contre 5 de 2018 à 2021.

Parmi ceux-ci, Niku piétine entre la 247e et la dernière position dans six catégories des statistiques avancées les plus communes lorsqu’il est sur la glace.

  • Proportion des tentatives de tir de son équipe : 43,5 % (249e)
  • Proportion des chances de marquer de qualité de son équipe : 36,8 % (255e)
  • Tentatives de tir accordées par tranche de 60 minutes de jeu : 63,5 (247e)
  • Tirs accordés/60 minutes : 34,8 (248e)
  • Buts anticipés/60 minutes : 2,8 (252e)
  • Chances de marquer de qualité accordées/60 minutes : 13,4 (250e)

Ce n’est pas passable ou ordinaire : c’est carrément mauvais.

Il y a en outre le passif que Niku traîne avec lui. Là aussi, il y de quoi sourciller.

Mal-aimé

À sa première saison dans la LNH, en 2018-2019, Niku se retrouve coincé, chez les Jets, derrière l’une des brigades défensives les plus intimidantes du circuit, menée par Jacob Trouba, Josh Morrissey, Dustin Byfuglien, Tyler Myers et Ben Chiarot.

Or, quatre des cinq quittent Winnipeg pendant l’été, si bien que la porte s’ouvre grand devant celui qui, à l’époque, était vu comme l’un des meilleurs espoirs du club à cette position.

Un accident de voiture pendant le camp d’entraînement et une série de blessures minent toutefois sa saison et le limitent à 17 matchs. Il est ballotté entre la LNH et la Ligue américaine. Sa frustration monte. Parallèlement, le mouvement #freeNiku (libérez Niku) prend de l’ampleur chez les partisans des Jets, qui attendent fébrilement que l’habile patineur ait sa chance avec le grand club.

Dans une entrevue avec un média finlandais, Niku évoque son tempérament bouillant. Il raconte également avoir eu une altercation musclée avec l’entraîneur adjoint Charlie Huddy après avoir été laissé de côté.

Sans commenter spécifiquement cet incident, Éric Dubois, entraîneur adjoint chez le Moose du Manitoba, club-école des Jets, a confirmé à La Presse que Niku, à ses débuts en Amérique du Nord, « se décourageait et se frustrait rapidement », à l’entraînement comme dans des matchs.

Petit à petit, il a perdu des rangs dans la hiérarchie des défenseurs de l’organisation.

Niku a passé la majorité de la saison 2021 sur l’escouade de réserve des Jets, ne disputant que cinq rencontres dans la LNH.

Voilà enfin qu’au début du camp d’entraînement, la semaine dernière, la direction de l’équipe a exaucé son joueur. Après avoir échoué à trouver une équipe où l’échanger, on a résilié son contrat, une procédure de dernier recours rarement utilisée. Quelques jours plus tard, le Canadien annonçait son embauche.

Qualités

Le lecteur averti aura constaté que la colonne des « contre » de Niku ne manque pas de documentation. Or, s’il s’est trouvé du boulot aussi vite, c’est parce que celle des « pour » compte aussi des arguments de taille, qui n’ont rien d’étranger à la quête active du Canadien pour trouver un défenseur offensif.

Joel Armia a momentanément côtoyé son compatriote lorsque les deux appartenaient à l’organisation des Jets. Lorsqu’il a été invité à parler de Niku, le gros ailier du Canadien, d’ordinaire peu loquace, a spontanément parlé d’un joueur qu’il « aime beaucoup », d’un « bon kid ». « Il patine bien, il a beaucoup d’habiletés, surtout offensivement », a-t-il ajouté.

Mathieu Perreault, qui a passé les sept dernières saisons à Winnipeg, a pour sa part évoqué « un gars très intelligent, très bon avec la rondelle », qui, « malheureusement, n’a jamais eu la chance de s’épanouir à son plein potentiel ».

Or, « il a une nouvelle chance », a souligné Perreault.

Il a montré dans la Ligue américaine qu’il était capable de produire offensivement et de créer de belles choses. C’est à lui de prouver ça ici.

Mathieu Perreault

Nous y voilà donc. Impossible de parler de Niku sans évoquer sa saison 2017-2018, sa première de ce côté-ci de l’Atlantique, dans l’uniforme du Moose du Manitoba dans la Ligue américaine. L’adaptation aux patinoires nord-américaines peut être fastidieuse pour les défenseurs européens. Pas pour lui. À sa première saison, ses 54 points en 76 matchs lui ont valu le titre de défenseur par excellence du circuit.

Malgré le tempérament du jeune homme, Dubois se souvient d’une belle saison passée à ses côtés. « Je n’ai jamais eu de problèmes avec lui, insiste le Québécois. C’est un joueur très exigeant envers lui-même. On a passé beaucoup de temps, lui et moi, à travailler sur sa manière de réagir après une erreur. Plus l’année avançait, plus il s’améliorait et il gagnait en confiance. Et il a été nommé défenseur de l’année. »

C’est ce Niku-là que la direction du Canadien souhaite réveiller. Pas le joueur bougon limité à 10 points en 54 matchs en carrière dans la LNH.

On ne lui a évidemment pas déroulé le tapis rouge, mais un détail de son contrat mérite qu’on s’y attarde. S’il joue à Montréal, il gagnera 750 000 $, le salaire minimum prévu par la convention collective. Mais s’il est cédé à Laval, une somme garantie de 475 000 $ l’y attendra, ce qui en ferait le plus haut salarié du Rocket, à égalité avec Xavier Ouellet, joueur autrement plus expérimenté et capitaine du club-école.

Cela témoigne sans doute du sérieux qu’on a démontré au moment de l’attirer dans la métropole. Pas de promesses, mais un appât alléchant tout de même.

Niku devait rejoindre l’un des principaux groupes d’entraînement du Canadien mardi matin, mais il a plutôt patiné en solitaire avec un thérapeute. La justification qu’a demandée La Presse à ce sujet est toutefois restée lettre morte chez le Tricolore.

Pour la suite des choses, l’entraîneur-chef Dominique Ducharme a été clair.

Niku « est en compétition avec les autres défenseurs ». « C’est à lui de nous dire où il va jouer. »

La réponse ne devrait pas tarder.