En juillet 2005, dans une salle de bal d’un hôtel d’Ottawa, le Canadien a surpris tout le monde en repêchant un gardien avec un cinquième choix au total. Seize ans plus tard, ce même gardien se retrouve, enfin, en pleine finale de la Coupe Stanley.

Ici, on peut sans doute insister sur « enfin ». Parce qu’à 33 ans, Carey Price fait partie de ces joueurs qui ont goûté au succès sous toutes ses formes… mais qui n’ont pas goûté au succès le plus succulent d’entre tous : une gorgée de bière (ou de champagne) à même la Coupe Stanley.

C’est l’occasion qui attend Price à compter de lundi soir en Floride, à Tampa plus précisément, là où va s’amorcer cette grande finale de la Coupe Stanley, face au Lightning.

Ça fait longtemps que le gardien du Canadien attend ce moment magique : 707 matchs de saison, 87 matchs disputés en séries éliminatoires. Il a connu des hauts, des bas, des blessures, des chances et des malchances, mais bien peu de triomphes : un carré d’as en 2010, auquel il n’a presque pas participé, et puis un autre en 2014, interrompu par une blessure.

Et puis maintenant, enfin, il y a cette présence en finale.

La plupart des joueurs auraient du mal à contenir leur enthousiasme, mais Carey Price, lui, est apparu à la caméra dimanche matin avec le même enthousiasme que le type parti faire une brassée de foncé à la buanderie du coin.

Ce qui est bon signe, bien sûr, parce qu’un Carey Price concentré et peu souriant est d’ordinaire un Carey Price très efficace.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Carey Price

On ressent cette émotion. C’est de l’enthousiasme. On travaille là-dessus pendant toute notre vie et on a enfin une occasion.

Carey Price

Il faudrait chercher très fort pour arriver à trouver des joueurs de hockey comme lui, aussi dominants mais aussi peu décorés lors d’une longue carrière, en tout cas dans le hockey moderne. Dans la LNH, et parmi les gardiens qui étaient encore actifs cette saison, seul Ryan Miller a disputé plus de matchs que Price (796 en carrière) sans avoir une bague de la Coupe Stanley qui s’y rattache.

Le hockey est bien sûr un jeu d’équipe et on ne peut pas tout ramener au gardien, mais cette réalité existe, et Price, malgré son air détaché, est sans doute très au courant du fait qu’il lui manque quelque chose. Comme il va toujours manquer quelque chose à Roberto Luongo ou à Henrik Lundqvist, de grands gardiens, respectivement retraité et inactif en raison d'un problème au cœur, qui n’ont pu atteindre le plus haut des sommets.

C’est ce bout de la trame narrative qu’il va chercher à modifier à compter de lundi soir, tout comme son ami et collègue Shea Weber, qui en sera lui aussi à une première présence en grande finale, après 16 ans de carrière dans cette ligue.

On va seulement se contenter à rester dans le moment présent. On est dans la position qu’on voulait être, mais on n’a pas encore le résultat que l’on veut obtenir.

Shea Weber

Weber est un peu comme Price, parce qu’il a disputé beaucoup de matchs dans sa vie (1038 matchs, pour être bien précis), et parce qu’il lui manque aussi quelque chose de brillant en forme de bague.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Shea Weber

Les autres joueurs du Canadien sont parfaitement au courant de cette situation, en particulier les plus jeunes.

« C’est fou de constater à quel point ce moment représente quelque chose pour eux, a admis l’attaquant Cole Caufield. On voit à quel point ils prennent ça au sérieux. On fait ça pour eux. »

Weber, qui affichait lui aussi son air sérieux dimanche matin, a admis qu’il y avait eu des moments moins glorieux depuis qu’il s’est joint au Canadien dans le cadre de la transaction que l’on sait, il y a cinq ans. Mais le moment présent pourrait s’avérer plus glorieux.

Beaucoup plus.

« C’est sûr qu’il y a eu des hauts et des bas, a-t-il répondu. Mais ça fait partie de l’aventure. Il faut maintenant espérer la poursuivre… »

Danault et l’adversaire muselé

Il y a une constante chez le Canadien depuis le début des présentes séries : souvent, les gros canons de l’autre équipe ne font rien de bon. Ce fut le cas de ceux des Maple Leafs de Toronto au premier tour, de ceux des Jets de Winnipeg au deuxième, puis de ceux des Golden Knights de Vegas (Mark Stone quelqu’un ?) au troisième. Phillip Danault est certes le grand responsable de tous les zéros récoltés par l’adversaire dans tout ça, mais il a choisi de rappeler que ce n’est pas seulement lui. « Ce sont nos quatre trios qui font du bon travail en défensive, a-t-il dit dimanche matin lors d’une conférence vidéo. Tous nos trios sont capables de freiner l’adversaire. Et puis oui, contre Tampa Bay, ce sera un gros défi que de tenter de museler les gros canons. »