On a répété, à n’en plus finir, à quel point les joueurs d’expérience, les vrais de vrais, abondaient dans le vestiaire du Canadien cette saison.

Depuis le mois de septembre, on a ajouté à ce club tellement de gagnants de la Coupe Stanley que passer le détecteur de métal avant de monter dans l’avion prend aujourd’hui une éternité.

Imaginez : il y a deux semaines à peine, Eric Staal, fraîchement arrivé de Buffalo, se réjouissait de se joindre à un groupe de leaders si garni qu’il n’aurait qu’à « être [lui-même] et amener [son] énergie ».

Où étaient tous ces sages, tous ces bagués, samedi soir ? On les cherche encore, après cette défaite de 5-0 contre les Jets de Winnipeg, l’une des plus embarrassantes de cette saison où les contre-performances n’ont pourtant pas manqué.

« On s’attend à une meilleure réaction de nos joueurs », a franchement dit l’entraîneur-chef, Dominique Ducharme, après la rencontre. « On va prendre les actions nécessaires pour s’en aller dans la bonne direction », a-t-il promis.

Dressons une liste rapide de ces vétérans de qui on souhaitait une « meilleure réaction ».

En troisième période, Corey Perry a écopé d’une punition de 10 minutes pour mauvaise conduite, et il était tellement sur le point d’exploser que son entraîneur a préféré l’envoyer au vestiaire (voir la capsule à ce sujet).

Invisible depuis son but en prolongation lundi dernier, Eric Staal a été rétrogradé au quatrième trio. Joel Edmundson a fait un fou de lui en jetant les gants devant le raffiné Logan Stanley, qui ne voulait rien savoir. Un revirement gênant de Shea Weber a donné le cinquième but aux Jets. Un autre de Jeff Petry avait mené au premier.

On continue ? Tyler Toffoli s’est vu attribuer cinq mises en échec. Ce n’est pas un bon indicateur pour un joueur censé avoir la rondelle sur son bâton. Jonathan Drouin marquera-t-il de nouveau un but ? On n’en sait trop rien. On sait par contre qu’il a écopé d’une punition inutile qui a mené au deuxième but des Jets.

En fait, le joueur qui a fait le plus preuve de caractère dans ce match est probablement Jake Evans. À fleur de peau, il a même engagé le combat contre Josh Morrissey au dernier tiers. Le duel de poids plumes n’a pas duré longtemps, mais il trahissait bien le niveau d’écœurement du jeune joueur de centre.

« Beaucoup de gars étaient fâchés », a-t-il dit une fois la déconfiture terminée.

À ses yeux, cette défaite est un sérieux rappel à l’ordre.

On ne peut pas nous fier qu’à nos habiletés : on est une équipe bâtie sur la profondeur, et quand tout le monde s’y met, on peut être une équipe incroyable. On doit changer rapidement nos manières de faire.

Jake Evans

Se tirer dans le pied

Loin de nous l’idée de tourner le fer dans la plaie, mais il fait bon se rappeler les sages paroles de Dominique Ducharme prononcées samedi matin.

Quand on lui a demandé ce que son équipe devait ajuster afin de faire oublier ses deux défaites de cette semaine, sa réponse a été franche : « Ne pas se tirer dans le pied. »

C’est-à-dire réduire, voire effacer, les erreurs évitables et, surtout, coûteuses.

Pas même huit heures plus tard, c’est un peu comme si ses joueurs avaient voulu faire exactement le contraire. En fait, non : les 10 premières minutes ont été tout à l’avantage du CH, les Jets ne réussissant même pas un tir au but. Par la suite, tout s’est effondré.

Une fois de plus, le Tricolore a été trop « passif », trop « sur les talons », pour reprendre les mots de Dominique Ducharme. À Toronto, mercredi, l’entraîneur déplorait le rôle de « spectateurs » que se sont donné ses hommes.

À l’évidence, il y a une tendance, dont le résultat est assez tranchant : le Canadien enfile sa troisième défaite de suite en temps réglementaire pour la première fois de la saison. Une vilaine séquence de cinq matchs sans victoires en février avait tout de même permis d’arracher trois points. Et, c’est malheureux de le rappeler, elle avait été marquée par le congédiement de Claude Julien.

Eric Staal en connaît un rayon sur les séries de défaites. Quand il a été échangé au Tricolore, les Sabres venaient d’essuyer 16 revers de suite. En toute connaissance de cause, il assure aujourd’hui que l’heure n’est pas à la panique chez le CH.

« On a un bon groupe : les gars compétitionnent, ils se présentent pour jouer, a-t-il dit. Ça ne va pas bien, mais ce sont des moments qui vont nous rapprocher. On a encore beaucoup de chances [de faire mieux], beaucoup de matchs. Il faut oublier le passé et se préparer à affronter les Maple Leafs lundi. »

Tomas Tatar a lancé le même appel à la solidarité. « C’est un sport d’équipe, a-t-il rappelé. C’est la faute de tout le monde, alors on doit apporter des correctifs ensemble. Nous avons beaucoup de vétérans, nous allons nous parler. »

Prônant la constance, Ducharme a renchéri en insistant sur le fait que « tout le monde a à cœur le succès de l’équipe ».

« Il reste un mois ; on veut avoir une bonne fin de saison », a-t-il ajouté.

Or, pour y arriver, « il faut être meilleurs que ça ».

Il n’y a sans doute pas de meilleure manière de le résumer.

Dans le détail

Perry au vestiaire !

Ça n’a pas été une grande soirée pour le Canadien samedi au Centre Bell… et ça n’a pas non plus été une bonne soirée pour Corey Perry. L’attaquant chevronné s’est fait coller 10 minutes pour mauvaise conduite lors de la troisième période, et il n’est tout simplement jamais revenu au banc par la suite, alors qu’il restait 13 min 43 s au tableau. Bizarre… Explication de Dominique Ducharme : « On a préféré qu’il s’en aille au vestiaire… c’était la meilleure chose. » Comprendre par là que Perry était sur le bord de péter une coche, et que le Canadien a choisi de lui demander de rentrer à la maison avant que ça ne dégénère. On insiste : bizarre. Juste avant son expulsion (il a engueulé un arbitre), Perry avait foncé dans Connor Hellebuyck. Le gardien des Jets a répliqué avec un coup de bâton. « Il est un joueur salaud et j’en avais assez », a résumé Hellebuyck au terme de la rencontre. À ne plus inviter au même barbecue…

Revoici Leskinen

Puisque Victor Mete avait connu une soirée difficile jeudi soir contre ces mêmes Jets, il fallait bien brasser un peu les cartes, et c’est lui qui a écopé samedi soir. À sa place, Otto Leskinen a ainsi disputé son premier match de la saison avec le Canadien. Le défenseur allait bien avec le Rocket de Laval, avec 14 points en 23 matchs et un différentiel de +13 dans la Ligue américaine. Pour le Finlandais de 24 ans, il s’agissait d’un deuxième tour de piste dans la LNH, puisqu’il avait disputé cinq matchs avec le Canadien la saison dernière. Comme prévu, Leskinen n’a pas été vu si souvent lors de la rencontre de samedi soir, lui qui a disputé 16 minutes 23 secondes de temps de jeu, et qui n’a pas connu une bien grosse soirée. Mais il n’a pas été le seul à ne pas connaître une grosse soirée avec cette équipe en défense.

Encore une soirée difficile pour Drouin

Non, Jonathan Drouin n’a certes pas été le seul attaquant à avoir connu une soirée difficile en ce beau samedi soir au Centre Bell. Sauf que dans son cas, ça commence à être une habitude, qui plus est, une mauvaise habitude. Le Québécois a obtenu un tir au but, mais rien sur la feuille de pointage, ce qui lui fait maintenant une série de sept matchs de suite sans avoir pu récolter de points. Bien sûr, sa disette de matchs sans avoir pu marquer reste, lui qui n’a pas mis une seule rondelle au fond d’un filet depuis le 23 février. Drouin est passé bien près de marquer lors de la première période, mais au hockey, on le sait, passer proche ne donne pas grand-chose. 

Ils ont dit

Le hockey avec moins de 20 matchs à jouer n’est pas le même qu’il y a 20 ou 25 matchs. À ce temps-ci de l’année, tu n’as pas besoin de faire cinq erreurs : tu en fais une et tu payes directement. Les joueurs sont à l’aise avec ce qu’on veut faire, ils le comprennent bien. Il faut être plus constant dans l’exécution.

Dominique Ducharme

Il y a beaucoup de choses qu’on a mal faites. C’est notre faute. On n’a pas gagné nos batailles, on n’a pas joué intelligemment, on n’était pas concentrés… Dominique [Ducharme] l’a dit plus tôt : on se tire dans le pied. Et on l’a encore fait ce soir.

Jake Evans

Je l’ai vu 2 fois et j’ai tout de suite décidé que l'on contesterait. Les pieds [de Mathieu Perreault ]sont dans le [demi-cercle] bleu, il y a un contact qui accidentel, oui, mais ça fait que [Jake Allen] n’arrête pas la rondelle. Sinon, c’est un arrêt facile.

Dominique Ducharme sur le deuxième but des Jets

Nos tirs sont bloqués, il ne passent pas. C’est compliqué de marquer en ce moment. On doit être actifs en unité de cinq.

Tomas Tatar

On a mieux joué cette fois, on croyait pouvoir avoir du succès si on mettait la rondelle derrière leurs défenseurs. On a profité de nos chances de marquer.

Andrew Copp

Le plan c’était de les frapper pour récupérer des rondelles… ce fut épuisant et ce ne fut pas un match facile. Mais on a réussi à suivre notre plan de match.

Matthieu Perreault

Ils ont une bonne équipe, mais on a poussé et on a poussé jusqu’à avoir ce qu’on voulait. La plupart des blanchissages sont des blanchissages obtenus en équipe et ce ne fut pas différent cette fois.

Connor Hellebuyck

En hausse

Jake Evans

Avec Paul Byron, Evans a probablement été le meilleur attaquant du CH au cours des deux premières périodes. Ça donne une idée de l’allure du match.

En baisse

Corey Perry

On avait l’embarras du choix. Mais le vétéran était sur une bonne séquence avant la rencontre. Ça s’est arrêté net.

Le chiffre du match

9

Les 12 attaquants du Canadien ont totalisé 9 tirs au but. Perry en a revendiqué trois, et Danault, deux. Les 10 autres se sont donc partagé 4 petits lancers.