Le rendez-vous de Noah Juulsen avec Montréal n’aura donc jamais eu lieu.

Lorsque le Canadien ne savait plus quoi faire de son argent et affichait un cruel manque de profondeur, le défenseur était blessé ou malade, incapable de se faire justice. Et maintenant que le directeur général Marc Bergevin a ouvert les vannes pour renforcer son club, le budget est si serré qu’on a dû sacrifier le joueur de 23 ans, enfin en santé.

Soumis au ballottage la veille en vue d’une rétrogradation dans la Ligue américaine, Juulsen, ex-choix de premier tour (26e au total en 2015), a été réclamé lundi par les Panthers de la Floride. Il se rapportera à sa nouvelle équipe, avec laquelle il devrait faire ses débuts au cours des prochains jours.

« On aurait aimé le garder », a concédé l’entraîneur-chef Claude Julien, lundi, quelques minutes après que la nouvelle est tombée.

Juulsen devient ainsi le cinquième joueur sélectionné au premier tour sous le règne de Bergevin à quitter l’organisation, après Alex Galchenyuk (2012), Michael McCarron (2013), Nikita Sherbak (2014) et Mikhail Sergachev (2016). Galchenyuk et Sergachev sont les seuls à avoir valu des retours intéressants en Max Domi et Jonathan Drouin.

N’eût été la masse salariale du Canadien, gonflée presque à la limite des 81,5 millions permis, Juulsen aurait sans doute amorcé la saison avec le grand club. Or, pour se conformer au plafond en vigueur, la direction a décidé de restreindre la formation à 21 joueurs plutôt que les 23 habituellement gardés dans l’entourage de l’équipe.

C’est donc dire qu’un seul réserviste pouvait s’ajouter aux 20 joueurs nécessaires pour la tenue d’une partie – 18 patineurs et 2 gardiens.

Avantage Mete

Seulement deux jeunes joueurs devaient passer par le ballottage si leurs services n’étaient pas retenus au terme du camp d’entraînement : Juulsen et Victor Mete. Tous les autres ont été cédés aux mineures sans problème.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Victor Mete

Bergevin a misé sur Mete. À 22 ans, il amorce sa quatrième saison avec le Canadien et affiche déjà 171 matchs au compteur. Malgré certaines carences dans son jeu, il ne fait pas de doute qu’il appartient à la LNH. Les risques de le perdre pour rien étaient trop grands.

On a donc fait le pari que Juulsen ne serait pas réclamé. Abonné aux malchances – blessures à un pied puis à un œil, maux de tête chroniques… –, le gaillard de 6 pi 2 po et 201 lb a été limité jusqu’ici à 44 parties dans la LNH, étalées entre deux saisons pendant l’hiver et l’automne 2018. Ses migraines lui ont fait rater la grande majorité des deux dernières saisons, au point où il s’est demandé s’il ne devait pas faire une impasse sur sa carrière.

Bien qu’il soit complètement rétabli, il n’a pas encore, à proprement parler, fait ses preuves chez les professionnels. Il porte encore, malgré lui, l’étiquette de « projet ». « Sans garantie », a insisté Julien, qui croyait que les autres clubs seraient « hésitants » à son égard. Vingt-neuf l’ont été. Pas les Panthers.

Visages connus

Pendant la saison morte, les changements ont été nombreux au sein de l’administration des Félins. Conséquemment, on cherche à changer le visage de la formation sur la glace. Il se trouve par ailleurs que leur défense a été l’une des pires de la ligue la saison dernière. Et que Juulsen, au demeurant, est bien connu du bureau de direction des Panthers.

Le nouveau directeur du recrutement amateur, Shane Churla, a fait partie de l’équipe de recrutement du Canadien pendant sept ans avant de prendre le chemin de la Floride en novembre dernier. Il connaît parfaitement bien le potentiel de Juulsen, car il a été impliqué de près dans sa sélection en 2015. Julien a d’ailleurs confirmé que Churla avait eu un « gros impact » sur cette décision à l’époque.

Rick Dudley, conseiller au directeur général des Panthers, était pour sa part le vice-président principal aux opérations hockey du Canadien en 2015.

Churla et lui ont donc rapatrié le « jeune défenseur prometteur » dont parlait lundi Jeff Petry. Celui qui, selon le vétéran du Canadien, « peut apporter beaucoup à une équipe ».

« Lui donner l’occasion de reprendre son rythme aurait été à notre avantage, a souligné Julien. Malheureusement, ça fait partie du métier. […] On lui souhaite bonne chance [et] de retrouver sa game. »

Ce souhait est sans contredit légitime et sincère. Mais il devait s’accompagner, secrètement, de l’espoir que l’équipe n’ait pas misé sur le mauvais cheval.