(TORONTO) La nouvelle avait donné de l’oxygène aux plus cyniques partisans du Canadien. En mai dernier, Elliotte Friedman avait rapporté que les joueurs des Penguins se seraient opposés à ce que le tour de qualification soit une série deux de trois, parce qu’ils avaient peur que Carey Price vole la série.

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Cette information a suscité le même genre de scepticisme que les sondages annuels de l’Association des joueurs. Voilà maintenant trois saisons de suite que Price est élu meilleur gardien de la LNH par ses pairs. Lors du plus récent sondage, mené auprès de 600 (!) joueurs, ils ont été 42 % (!!) à le sacrer meilleur gardien de la LNH.

Le même Carey Price qui a eu une efficacité de ,909 cette saison ? Le même Carey Price qui n’a pas terminé dans le top 10 de la LNH pour l’efficacité depuis que Justin Trudeau est premier ministre du Canada ? (Il a été élu en octobre 2015.)

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Ce Carey Price là a mené le Canadien à un gain de 2-0 contre les Penguins de Pittsburgh, vendredi, dans le quatrième match de la série de qualification. Série que le Tricolore remporte 3-1, grâce à Price, qui a montré un taux d’efficacité de ,947.

C’est le sixième jeu blanc de sa carrière en séries, son premier depuis le 26 avril 2015. Avec cette performance, il a aussi permis au Canadien de gagner sa première série depuis le – tiens donc – 26 avril 2015. C’est bien pour dire.

« Je ne veux pas trop le vanter parce qu’il est à côté de moi ! », a blagué Shea Weber, qui faisait sa visioconférence côte à côte avec son gardien. « C’est notre pilier. Il a été très solide tout au long de la série. Il nous permet de jouer plus librement, avec confiance, et de ne pas nous soucier de commettre des erreurs. On voulait maintenir une bonne structure, garder les tirs en périphérie. Mais l’avoir, de la façon dont il joue avec la rondelle, ça a beaucoup aidé. »

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Sidney Crosby (87) est tombé dans le filet de Carey Price (31) lors de la deuxième période.

« Je l’ai vu aux Olympiques et à la Coupe du monde ici, il y a plusieurs années », a ajouté Claude Julien, entraîneur-chef du CH. « Je l’ai souvent vu à son meilleur. En ce moment, il est dans sa bulle, dans sa zone, il se sent bien. Quand tu as une jeune équipe, tu espères avoir du bon goaltending, et je peux te dire qu’on a eu de l’excellent goaltending. »

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Phillip Danault (24) entre en contact avec Tristan Jarry (35).

Sans marge d’erreur

Un peu à l’image d’une bonne partie de sa carrière, Price n’avait guère droit à l’erreur dans un match où ça jouait serré, comme dans le temps de Ken Daneyko.

D’ailleurs, s’il n’a reçu que 22 tirs dans ce quatrième match, c’est beaucoup parce qu’il a exercé un contrôle sans faille sur les rondelles qui se rendaient à lui. Mais prenez le milieu de la troisième période. Patric Hornqvist tire sur Price, qui accorde peut-être son unique mauvais retour du match, en plein cœur de l’enclave. Le chaos suit, et le Tricolore doit faire un dégagement refusé pour se sortir de l’embarras.

Il y a aussi eu deux tirs qui ne comptent pas officiellement, des tirs de Hornqvist et de Sidney Crosby sur le poteau. Mais un bon gardien ne fait-il pas sa chance ?

« On était tous très motivés pour cette série. Personne ne nous donnait une chance dans cette série, et ça a joué. On a tous pris ça avec un grain de sel et on a joué avec l’intention de prouver aux gens qu’ils avaient tort », a affirmé le numéro 31.

PHOTO JOHN E. SOKOLOWSKI, USA TODAY SPORTS

Jesperi Kotkaniemi (15) et Brian Dumoulin (8)

La tenue de Price est aussi un rappel de ce qu’il peut accomplir quand il est reposé. Depuis la saison adéquate d’Al Montoya en 2016-2017, le Tricolore a été incapable de dénicher un gardien adjoint digne de ce nom. Il y a bien eu Antti Niemi en 2017-2018, mais cette campagne était déjà à l’eau quand le Finlandais est arrivé. Coïncidence ou pas, cette saison, Price a offert son meilleur rendement en janvier, quand Julien lui a donné trois congés (on a triché, il y a le 31 décembre dans les trois congés) et qu’il a eu la semaine de relâche.

En gagnant cette série, le Canadien perd les 12,5 % de chances qu’il aurait eues de repêcher Alexis Lafrenière. L’équipe gagne toutefois à long terme dans l’expérience qu’elle permet de vivre aux jeunes Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi.

Si les séries peuvent également rappeler une fois de plus l’importance de trouver un adjoint adéquat à Price, ce sera aussi ça de gagné.

En hausse : Artturi Lehkonen

Le but gagnant lui revenait. Le Finlandais a possiblement été le meilleur attaquant de son équipe et a aligné quatre performances impeccables de suite. Un vrai joueur des séries.

Quel adversaire ?

En tant que pire équipe de l’Association de l’Est en saison, le Canadien affrontera le gagnant du tournoi à la ronde entre les quatre équipes de l’Est au sommet du classement. La première place se décidera samedi, dans le duel entre les Flyers de Philadelphie et le Lightning de Tampa Bay. Les deux équipes sont actuellement à égalité avec deux victoires et aucune défaite. Cette saison, le Tricolore a montré une fiche de 0-4-0-contre Tampa, et de 1-0-2 contre Philadelphie.

Quel rang au repêchage ?

En éliminant les Penguins, le Canadien n’a plus aucune chance de gagner le premier choix au repêchage, puisque ce choix sera tiré au hasard entre les huit équipes éliminées lors du tour de qualification. Le CH ne pourra pas non plus repêcher dans le top 10. Si l’équipe perd au premier tour, elle aura droit au 16e choix.

En baisse : Joel Armia

Il aurait pu être dans cette rubrique pour chacun des quatre matchs. Une profonde déception. Il termine la série avec zéro point et quatre pénalités.

Le chiffre du match : 0

Tomas Tatar, joueur le plus productif du CH depuis deux ans avec 119 points, a terminé la série avec aucun point. Aux yeux des plus optimistes, c’est peut-être la bonne nouvelle : Montréal a éliminé Pittsburgh sans la contribution de son meilleur attaquant !

Dans le détail

L’exubérance de Domi

Quand la sirène signalant la fin du match a retenti dans le Scotiabank Arena, un joueur s’est dirigé en sautillant vers Price. Son exubérance était perceptible depuis le niveau 300. Ce joueur, c’était Max Domi, un peu le mal-aimé de cette série. Le fils de Tie Domi est souvent décrit comme un joueur qui fait la baboune quand ça ne se déroule pas à son goût. Vendredi, il a été le joueur le moins utilisé de son équipe à forces égales. Ses ailiers étaient Dale Weise, qui pourrait jouer en Europe l’an prochain, et Alex Belzile, 28 ans, qui jouait vendredi son premier « vrai » match dans la LNH. Il avait toutes les raisons de bouder, mais il a livré un effort vaillant et n’avait pas l’air d’un gars malheureux dans les célébrations. « Max a à peine 10 minutes de glace, mais c’étaient 10 minutes importantes », a souligné Claude Julien, qui a aussi eu de bons mots pour Belzile.

Jesperi Kotkalucic !

Qui avait prédit que Jesperi Kotkaniemi terminerait au premier rang du Canadien pour… les mises en échec ? Si vous avez levé la main, gare à vous : notre équipe d’enquête ouvrira un dossier et vous ferez l’objet d’un reportage de fond dans les prochaines semaines. Kotkaniemi a distribué 8 mises en échec vendredi, pour un total de 19 dans la série. Et on parle de coups d’épaule qu’on a bien vus, pas de simples collisions repérées par des statisticiens zélés ! Kristopher Letang et Zach Aston-Reese peuvent en témoigner. Kotkaniemi a rehaussé sa cote au cours de cette série, mais au risque de gâcher la fête, il importe de rappeler la qualité de ses adversaires. Selon Natural Stats Trick, l’attaquant qu’il a le plus souvent affronté est Patrick Marleau, qui ressemblait à un gars mûr pour la retraite. Et les défenseurs auxquels il a le plus souvent fait face étaient Justin Schultz et Jack Johnson, qui aurait pu être son homonyme chanteur tant il en arrachait.

Dans la tête de Crosby

Max Domi et Brendan Gallagher ont eu leurs démêlés avec Sidney Crosby tout au long de la série. Vendredi, c’était au tour de Carey Price, qui lui a notamment lancé une rondelle après avoir réalisé un joli arrêt à ses dépens, peut-être comme cadeau d’anniversaire, allez savoir. Sportsnet a présenté un brillant montage des interactions entre les deux. « C’est simplement deux gars qui compétitionnent, qui prennent leur rôle à cœur et qui sont passionnés. Ça fait partie du hockey. Je pense que les gars devant moi l’ont plus embêté », a humblement expliqué Price. Le Tricolore n’avait peut-être plus Tomas Plekanec pour déranger Crosby, mais d’autres ont pris la relève. Malgré ces distractions, Crosby a conclu la série avec deux buts et une aide en quatre matchs, pendant qu’Evgeni Malkin était carrément réduit au silence malgré ses 21 tirs.

« On y croyait à Brossard »

On y croyait même à Brossard. On s’entraînait. Je voyais de la belle énergie. Je voyais les jeunes, Kotkaniemi patinait bien, Nick Suzuki avait l’air reposé, Price était dans sa zone. On avait une bonne approche avant d’arriver et on l’a démontré ici.

Claude Julien

J’étais très content de pouvoir aider à une belle victoire. Je me préparais depuis longtemps à jouer un jour dans la Ligue nationale. J’essayais de ne pas trop être énervé parce que c’est un match très important. Dans un match comme ça, ma situation est secondaire. J’étais content d’aider.

Alex Belzile

C’était toute une passe de Paul. J’ai juste eu à pousser la rondelle dans le but. Je ne sais pas comment la rondelle a abouti au milieu de l’enclave. Mais Paul volait sur la patinoire.

Artturi Lehkonen, à propos du but gagnant

Phil et moi jouons ensemble depuis longtemps en désavantage numérique. Paul joue avec lui depuis longtemps. Ce n’était pas un gros changement. C’est assez facile de jouer avec ces deux-là.

Lehkonen

Tout le monde nous tenait pour battus. C’est un bon sentiment de gagner. On peut savourer un moment avant de passer à l’étape suivante.

Lehkonen