(Toronto) Pas facile, le métier d’entraîneur-chef du Canadien. On pourrait vous montrer notre courrier des lecteurs comme preuve !

Claude Julien ne l’a pas facile. Ses moindres décisions sont toujours analysées, souvent critiquées. Et quand ça produit des résultats très mitigés, comme c’est le cas depuis trois ans, les critiques sont plus justifiées.

> Le sommaire de la rencontre
> Relisez notre couverture en direct

Mercredi, cependant, Julien a pu rentrer au Royal York avec le sentiment du devoir accompli. L’entraîneur-chef demande à ses joueurs un effort sans compromis et il en a lui-même livré un, à sa façon.

Résultat : si le Canadien se retrouve en avance 2-1 dans la série de qualification contre les Penguins de Pittsburgh, après une victoire de 4-3 dans le troisième match, c’est aussi grâce au travail de l’entraîneur-chef.

La main heureuse

Ça commence par les changements de trio. Après une période, son équipe perdait 2-1. Aux grands maux, les grands remèdes.

Ses trois centres ont changé de trio. Avec de nouveaux ailiers, les unités de Jesperi Kotkaniemi (Jonathan Drouin et Joel Armia) et de Phillip Danault (avec Paul Byron et Artturi Lehkonen) ont chacune produit un but.

Au-delà du pur changement stratégique, il y a un message bien réel qui est envoyé aux joueurs, qui voient leur entraîneur tout chambouler. Les sortir de leurs pantoufles.

« Ça fait partie de son travail. Il voit quelque chose, c’est à nous de répondre, a expliqué Brendan Gallagher. Chaque trio l’a fait. On nous a mis au défi en changeant les choses de la sorte. J’imagine que ça a fonctionné parce qu’on a gagné ! »

Le cas de Kotkaniemi mérite qu’on s’y arrête. En le plaçant avec Armia et Drouin, Julien a créé un trio qui n’est peut-être pas le plus sûr défensivement. Il aurait pu protéger cette unité, la faire jouer avec parcimonie pour lui éviter les confrontations corsées.

Qu’a fait l’entraîneur en milieu de deuxième période ? Il a envoyé Kotkaniemi pour une mise au jeu en zone offensive. Pourtant, le centre qui était délégué par Mike Sullivan était un certain Evgeni Malkin.

Kotkaniemi a gagné la mise au jeu et 12 secondes plus tard, Drouin redirigeait le tir de Ben Chiarot derrière Matt Murray.

Attentif

On se transporte en fin de match. Avec 2 min 12 s à jouer, Carey Price immobilise la rondelle. Sullivan profite de l’arrêt de jeu pour rappeler son gardien, mais on proteste au banc du CH.

« J’ai dit à l’arbitre : ils ne peuvent pas faire ce changement après que t’aies levé ton bras et que j’ai envoyé mes joueurs. Je leur ai donc souligné la situation », a expliqué Julien.

Julien a simplement fait appliquer la règle du dernier changement, qui lui revenait puisque le Canadien était l’équipe à domicile.

Dans les faits, il s’est écoulé une bonne vingtaine de secondes avant que les Penguins puissent rappeler Murray au banc et attaquer à six. Julien a gagné ça.

Mais peut-être plus important, le temps qu’ont duré les protestations a permis aux joueurs sur la patinoire de reprendre leur souffle. Phillip Danault, Shea Weber et Chiarot étaient du nombre, et ont ainsi pu jouer toute la fin du match.

Volonté et détermination

Enfin, et c’est peut-être moins stratégique, mais depuis le début de la série, Julien ne cesse de parler de « volonté et détermination » (will and determination). L’expression est revenue à presque chacun de ses points de presse.

Un entraîneur a toutefois beau dessiner le message, le mimer, le faire copier 30 fois au tableau, il a besoin de courroies de transmission.

Cette courroie, ç’a été Gallagher. Incommodé par ce qu’on soupçonne être une blessure à un pied ou une cheville, le numéro 11 a raté l’entraînement du matin. Sa première présence du match s’est terminée comme suit.

Mais il s’est accroché. Il est resté dans le match. Il s’est encore permis de picosser Sidney Crosby. Il n’a pas été aussi menaçant qu’à son habitude, mais sa simple présence en disait long.

Gallagher n’a pas raté de match des séries depuis le printemps 2009, quand il était une recrue chez les Giants de Vancouver, et on a compris pourquoi.

« Ce sont les séries. Dès que t’as la chance de jouer, d’aider l’équipe, tu veux y être, a dit le numéro 11. Je ne me placerai jamais en situation où je fais mal à l’équipe. Chaque joueur a ses problèmes. Tu dois être déterminé à faire ton travail. Tous les joueurs l’ont fait ce soir. »

L’entraîneur voulait de la volonté et de la détermination. Il en a eu de Gallagher. Il en a eu de Chiarot, Weber et Jeff Petry, qui ont encore tout laissé sur la patinoire.

Il en a eu de son équipe, qui est revenue d’un retard de 1-3 pour placer les Penguins à une défaite de l’élimination.

En hausse : Shea Weber

Le capitaine a donné le ton au match avec son but. Il a passé les 3 dernières minutes du match sur la patinoire. Une soirée de trois points qu’il n’a pas volée.

En baisse : Victor Mete

Il était en chaude lutte avec Joel Armia dans cette catégorie. Mete commet beaucoup d’erreurs, dont deux flagrantes sur le but de Teddy Blueger, et lie les mains de son entraîneur.

4 min 34 s

C’est le temps qu’aurait duré la dernière présence de Ben Chiarot, selon les rapports de la LNH. Le temps d’arrêt des Penguins et une situation au banc de l’équipe ont toutefois donné des répits au gros numéro 8.

Dans le détail

Des changements sur le tard

Après avoir déploré qu’il avait trop de « passagers », après avoir laissé entendre qu’il y aurait des changements dans sa formation, Claude Julien s’est finalement limité à un changement mineur dans son personnel. Il a sorti Jordan Weal de la formation et l’a remplacé par la recrue Jake Evans. Les trois premiers trios sont demeurés intacts en première période, mais Julien a ensuite inversé ses trois premiers centres, plaçant notamment Nick Suzuki au centre Tomas Tatar et Brendan Gallagher. Le retrait de Weal de la formation signifie aussi que Julien devait le remplacer en avantage numérique. Artturi Lehkonen et Phillip Danault ont chacun eu des occasions. Dans le cas de Lehkonen, la décision se défend dans les circonstances. Lehkonen n’est pas le plus doué offensivement, mais il continue de montrer qu’il sait élever son jeu en séries, comme il l’avait fait à Montréal en 2017 et à Frolunda l’année précédente.

Danger

Le premier match d’Evans en séries s’est terminé après neuf présences, quand Brandon Tanev l’a encastré dans la bande. Evans a été coupé et semblait sonné. Sa blessure s’ajoute à celle d’une autre recrue, Alex Belzile, qui a lui aussi été sonné en match préparatoire par le vétéran Jake Muzzin. Ces deux incidents constituent peut-être un rappel supplémentaire de la vitesse et surtout, de la robustesse du jeu en séries. Dans les circonstances, la décision de Julien de ne pas faire appel à Cale Fleury ou à Noah Juulsen se comprend un peu mieux. Evans a eu le temps de décocher un tir et de gagner deux de ses trois mises au jeu avant d’être mis hors de combat.

Malkin au ralenti

Evgeni Malkin n’avait pas de point dans les deux premiers matchs de la série, mais il générait sa part de tirs au but – il en avait 15 après deux duels. Il a fini par briser la glace sur la feuille de pointage en obtenant une aide sur le but de Patric Hornqvist en avantage numérique, mais est demeuré bien discret du reste, et a fini la soirée à-2. Du reste, on l’a remarqué pour sa pénalité en deuxième période, qui a mené au but de Paul Byron, inscrit cinq secondes après l’expiration de la punition. On l’a aussi remarqué pour sa querelle au cercle de mises au jeu avec Brendan Gallagher, quand il semblait trouver que le petit ailier droit du CH se penchait un peu trop par-dessus le cercle des mises au jeu.