Ne comptez pas sur Cayden Primeau pour se plaindre de son sort.

En patinant ce mercredi matin près de la maison familiale au New Jersey, après deux mois à ronger son frein, il a mis fin à la « plus longue séquence de [sa] vie » loin d’une patinoire. Mais « tout le monde est dans la même situation », nuance-t-il.

À sa première année chez les professionnels, il n’avait pas le statut de gardien partant et a dû passer plus de temps du bout du banc qu’à n’importe quel moment dans sa carrière jusque-là. Or, il assure avoir « appris de tous [ses] partenaires », de Keith Kinkaid à Carey Price.

Au sein de l’organisation du Canadien, il tente de se démarquer au sein d’une hiérarchie au sommet de laquelle trône celui que plusieurs considèrent comme le gardien le plus intimidant de sa profession. Là encore, il « refuse de regarder trop loin devant ».

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Cayden Primeau doit se démarquer au sein d’une hiérarchie au sommet de laquelle trône celui que plusieurs considèrent comme le gardien le plus intimidant de sa profession. Ci-haut, Primeau et Carey Price durant le match du Canadien contre l’Avalanche du Colorado le 5 décembre 2019.

S’il y a une chose que Primeau a pu développer au cours de cette étrange saison 2019-2020, c’est bien sa patience. Une vertu qui tombe à point nommé puisque son entraîneur-chef chez le Rocket de Laval, Joël Bouchard, le décrit depuis le premier jour du calendrier comme son « projet à long terme ».

Mais petit à petit, cette patience porte ses fruits. Peut-être Primeau n’est-il pas encore le gardien #1 du Canadien, mais il continue de faire sa marque chez les pros, comme en témoigne sa sélection au sein de l’équipe d’étoiles des recrues de la Ligue américaine.

« J’essaie de vivre le moment présent et je crois énormément que tout arrive pour une raison », a résumé le gardien de 20 ans au cours d’une conférence téléphonique mercredi.

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Cayden Primeau lors d’un match du Rocket de Laval contre les Marlies de Toronto le 28 décembre 2019 à Laval.

« Si je fais toutes les petites choses que je dois faire, que je coche toutes les cases, les choses vont tomber en place pour moi. Ça m’importe peu si ça prend du temps. J’essaie de ne rien précipiter et de garder confiance. Alors oui, la patience est immensément importante dans mon développement. »

Cette valeur s’inscrit en phase exacte avec sa personnalité. En effet, personne n’est tombé en bas de sa chaise lorsque le jeune homme s’est décrit comme quelqu’un de « relax et réservé ». Quiconque a vu ou entendu ne serait-ce qu’un extrait d’une de ses entrevues peut en témoigner.

À ses yeux, par contre, ces caractéristiques sont à son avantage vu la position à laquelle il évolue.

« Comme gardien, ça ne sert à rien d’être agité, dit-il. Mes coéquipiers le sentiraient et ça leur causerait du stress. Si je reste calme, ça les calme aussi et ça leur donne confiance. »

Montagnes russes

Rien de ceci n’empêche Primeau de reconnaître à quel point les derniers mois ont été riches en émotions. Il y a d’abord eu ce départ canon de 7 victoires en 10 matchs dans la Ligue américaine suivi d’un passage à vide de quelques semaines. Puis ce fameux rappel par le Canadien, qui n’a duré que 12 jours mais dont l’importance demeure inestimable.

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Cayden Primeau a passé 12 jours mémorables avec le grand club en décembre 2019. On le voit ci-haut protégeant son filet alors que Nick Paul (13), des Sénateurs d’Ottawa, s’approche, talonné par Ryan Poehling le 11 décembre 2019.

Il y a ensuite eu ce retour à Laval et l’hiver pénible du Rocket. Et tout juste comme les choses semblaient se placer pour lui et pour son équipe, comme en faisait foi sa fiche de 5-1 à ses 6 derniers départs, la saison s’est subitement interrompue à la mi-mars. Contrairement à la LNH, la Ligue américaine a déjà annoncé que le reste de la campagne et des séries éliminatoires était annulé.

De ces montagnes russes, Primeau retient sans hésiter sa victoire contre les Sénateurs d’Ottawa – sa première dans la LNH – comme un inégalable sommet.

Le Canadien, rappelons, avait laissé filer l’avance de deux buts qu’il avait donnée à son jeune gardien, dont c’était seulement le deuxième départ en carrière, mais Ben Chiarot avait sauvé la mise en marquant en prolongation. Primeau avait reçu la première étoile du match et avait quitté la glace sous les encouragements déchaînés de la foule.

« Parfois, quand tu gagnes, tu regardes le cadran et tu espères que les secondes s’écoulent, mais en prolongation, tu sais que le match se terminera seulement s’il y a un but. C’est beaucoup d’émotions en même temps. C’est probablement mon meilleur moment de hockey à ce jour, une soirée que je n’oublierai jamais. »

« Jamais trop loin »

On a eu beau lui demander de toutes les manières, mais il semble impossible de percer sa muraille pour savoir ce qu’il se souhaite dans un avenir à court ou moyen terme. Un poste de partant à Laval ? Un poste d’auxiliaire à Montréal ?

La réponse est toujours la même : « Je ne regarde pas trop loin en avant ni trop loin en arrière. »

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Le gardien du Rocket de Laval, Cayden Primeau, lors d’un entraînement du Rocket de Laval le 18 février 2020.

D’ici à la reprise des activités du hockey professionnel, que ce soit dans quelques semaines ou dans quelques mois, il tente de garder la forme en s’entraînant comme il le peut alors qu’il réside chez ses parents.

Fait cocasse, il raconte que les Primeau n’ont ni haltère ni appareil d’exercice à la maison puisqu’un gymnase se trouve à un jet de pierre du domicile familial. Avec tous les gyms fermés en raison de la crise de santé publique, le gardien doit donc y aller avec les moyens du bord pour conserver sa force et sa flexibilité.

Pour exécuter des flexions des jambes [squats], il utilise un sac à dos rempli d’objets lourds. Pour renforcer ses biceps, il s’en remet à des bidons d’eau.

« Il faut être créatif, ça rend tout ça plus agréable », ricane-t-il.

Dans un monde idéal, il aimerait revenir au jeu « plus fort » physiquement, plus agile sur ses patins et avoir d’ici là peaufiné son maniement de rondelle.

Pour y arriver, dans tous les cas, il ne manquera pas de temps. Mais il lui faudra user d’un peu de patience. Encore.