À ce jour, les meilleures hockeyeuses de la planète n’ont encore jamais pu compter sur une véritable ligue professionnelle qui leur permette de vivre de leur sport à temps plein. Grâce à un nouveau projet sur le web, deux Montréalais interpellent directement Gary Bettman et la LNH pour que les choses changent.

Fabrice Latour et Gabriel Lalonde-Francoeur, respectivement étudiant en génie biomédical et photographe, ne s’étaient pas vraiment impliqués dans le hockey féminin par le passé. Les deux se décrivent d’abord comme des fans, quoique le premier ait un préjugé particulièrement favorable — sa copine Catherine Daoust jouait pour les Canadiennes de Montréal l’année dernière.

Las de constater le sort réservé aux hockeyeuses, et désireux d’appuyer les efforts de l’association des joueuses professionnelles (PWHPA), les deux amis ont lancé, le 28 décembre dernier, la plateforme Until She’s Paid. Traduction : jusqu’à ce qu’elle soit rémunérée.

Leur initiative s’incarne de deux manières. D’une part, le duo a lancé une pétition prenant directement la LNH à partie.

« Au cours des dernières saisons, la LNH a généré plus de 4 milliards US en revenus annuels. Durant sa dernière année d’opération, la [Ligue de hockey féminine du Canada] payait seulement ses joueuses 1500 $US pour la saison entière », peut-on lire dans le texte qui accompagne la pétition. La Ligue de hockey féminine du Canada (LCHF) a cessé ses activités le printemps dernier, faute de financement suffisant.

Il est temps pour Gary Bettman et la LNH d’aller de l’avant et de fournir aux joueuses une ligue professionnelle et un salaire décent.

Extrait du texte accompagnant la pétition

D’autre part, la plateforme publiera des portraits de hockeyeuses élites qui ne font pas partie du programme national. Même lorsque la défunte LCHF existait, celles-ci devaient travailler à temps plein en plus de pratiquer leur sport.

Un premier portrait est déjà en ligne et raconte l’histoire de Marie-Joëlle Allard, ex-joueuse des Canadiennes et des Stingers de l’Université Concordia. « L’an dernier, j’ai même dû passer mon samedi au travail avant de me rendre au match », raconte dans le texte celle qui travaille comme thérapeute sportive. Une situation qu’on n’envisage plus depuis des décennies pour les joueurs masculins professionnels.

Envoyer un message

Croisés le week-end dernier à la Place Bell quelques instants avant le Pro-Challenge, série de deux matchs hors concours opposant des équipes de la PWHPA représentant Montréal et le Minnesota, Fabrice Latour et Gabriel Lalonde-Francoeur ont expliqué à La Presse qu’ils voulaient d’abord envoyer un message à la LNH et démontrer tout l’appui dont peuvent profiter les joueuses.

« En ce moment, on n’a pas de chiffres sur le nombre de personnes qui souhaitent une nouvelle ligue. Si on pouvait démontrer que, par exemple, plus de 100 000 personnes appuient les joueuses, ça aurait plus d’impact », estime Fabrice.

C’est lui qui rédige les portraits de joueuses, illustrées en photos par son collègue Gabriel.

Il y a des filles qui travaillent 40 heures par semaine. Elles arrivent aux pratiques essoufflées, le soir, avec leur sac de hockey sur le dos. Elles font leur possible. Ce serait dommage que personne ne les soutienne.

Fabrice Latour, cofondateur du site Until She’s Paid

Pour l’heure, l’initiative se concentre sur des joueuses de Montréal, mais le duo souhaite l’élargir aux autres régions où la PWHPA est présente — Toronto, New York et la Nouvelle-Angleterre, notamment.

Porte-parole montréalaise de l’association des joueuses, Karell Émard voit d’un très bon œil cette initiative, dont elle a déjà partagé les publications sur les réseaux sociaux. « Beaucoup de gens se demandent comment nous aider. Si ça nous permet de quantifier le nombre de personnes qui sont derrière nous, pourquoi pas ? On va voir où ça va aller », a-t-elle dit à La Presse.

La PWHPA a été créée le printemps dernier après que quelque 200 hockeyeuses eurent décidé d’unir leurs forces à la recherche d’une formule viable pour les joueuses professionnelles. Des discussions ont lieu avec la LNH dans le but de créer un circuit calqué sur le modèle de la WNBA, pendant féminin de la NBA. Aucun détail n’a encore émané de ces discussions.