Qui sera le prochain capitaine du Canadien? La réponse ne viendra sans doute pas avant l'été prochain. Mais si on considère la présente saison comme une audition, Max Pacioretty émerge certainement comme le gagnant à mi-parcours.

Sur la glace, l'Américain est de loin le meilleur attaquant du Tricolore. S'il maintient la cadence, il atteindra la marque des 30 buts et des 60 points pour une troisième fois dans la LNH. Jeudi, il a prolongé à six sa série de matchs avec au moins un but, la plus longue série du genre chez le Canadien depuis Denis Savard en 1991. C'est sans oublier son jeu défensif désormais exemplaire, qui lui vaut un rendement de +21 et une utilisation accrue en désavantage numérique.

Hors glace, il assume pleinement le rôle d'assistant qu'on lui a confié en septembre. Après une défaite, il se présente systématiquement pour répondre aux questions au nom de ses coéquipiers. Ses qualités de meneur ont été maintes fois soulignées par Michel Therrien, encore une fois, mercredi dernier, à Columbus.

Un regard sur les différentes étapes de sa carrière permet de mieux comprendre comment l'homme de 26 ans est devenu un des meneurs du Canadien de 2014-2015.

2007-2008 SUR LES BANCS D'ÉCOLE

(15 buts, 24 passes, 39 points en 37 matchs en une saison à l'Université du Michigan)

«Il était bon, quoiqu'un peu brouillon en termes de leadership. C'était dur pour lui d'en faire preuve, parce qu'il n'avait que 18 ans. Mais sur la patinoire, il en démontrait.»

C'est ainsi que le légendaire entraîneur-chef des Wolverines, Red Berenson, décrit le jeune homme qu'il a dirigé pendant une seule saison. Pacioretty faisait alors partie d'un groupe d'une dizaine de recrues qui s'était greffé au prestigieux programme de hockey du Michigan.

De ce groupe, Pacioretty et Carl Hagelin ont connu le plus de succès, même s'ils ont pris des routes différentes vers la LNH. Hagelin, aujourd'hui attaquant chez les Rangers de New York, a terminé son stage de quatre ans au collège et a agi comme capitaine à sa dernière saison.

«On était trop jeunes pour montrer du leadership, rappelle le Suédois. Je lui parle aujourd'hui et je sens un homme beaucoup plus mature qu'à l'époque.

«De mon côté, la clé a été de rester quatre ans avec l'équipe. À ta dernière saison, les entraîneurs reconnaissent ta loyauté et t'en donnent un peu plus, tandis que les recrues s'inspirent de toi. Ça a grandement aidé mes qualités de meneur.»

PHOTO FOURNIE PAR L'UNIVERSITÉ DU MICHIGAN

2008-2011 LA NAVETTE ENTRE MONTRÉAL ET HAMILTON

(25 buts, 47 passes, 72 points en 82 matchs avec les Bulldogs)

Donc, Pacioretty quitte les bancs d'école pour reprendre le statut de recrue, cette fois dans les rangs professionnels. Il passe finalement trois années de suite à faire la navette entre Hamilton et Montréal: des saisons de 37, 18 et 27 matchs dans la Ligue américaine, et de 34, 52 et 37 matchs dans le circuit Bettman.

En novembre 2010, au coeur de cette période, il déclare même qu'il serait mieux, pour son développement, de jouer dans les deux premiers trios à Hamilton plutôt que d'être un joueur de soutien dans la LNH.

«Il ne se mêlait pas plus qu'il faut aux autres, raconte Mathieu Darche, qui l'a côtoyé à Montréal pendant ces années. Il se tenait surtout avec les jeunes et il semblait inconfortable avec les plus vieux.

«À ses premières années, je ne t'aurais jamais dit qu'il pourrait devenir capitaine. Pas qu'il était égoïste, mais il ne parlait pas beaucoup», poursuit le jeune retraité.

PHOTO FOURNIE PAR LES BULLDOGS DE HAMILTON

2011 L'INCIDENT CHARA, PUIS L'ÉCLOSION

(33 buts, 32 passes, 65 points en 79 matchs en 2011-2012)

En tant que joueur, Pacioretty sort tranquillement de sa coquille à l'hiver 2011. Le 8 mars, quand Zdeno Chara l'encastre dans un poteau de baie vitrée, il vient d'amasser 13 points à ses 17 derniers matchs. Bref, il est en train de devenir le joueur que le Canadien s'imaginait en le sélectionnant au premier tour en 2007.

Malgré une fracture vertébrale et une commotion cérébrale, Pacioretty revient plus fort que jamais la saison suivante, avec une récolte de 65 points. Meilleur pointeur du Tricolore, rien de moins. Un succès qui aurait été impensable sans son entraîneur d'été, le réputé Ben Prentiss.

«On a des photos avant/après de Max qui sont incroyables, raconte Prentiss au bout du fil. Je l'utilise en tant qu'exemple quand je fais des présentations. Parce qu'il aurait pu revenir rapidement au jeu, les gens ne comprennent pas à quel point il était mal en point après l'incident avec Chara. Il est passé à quelques millimètres d'être paralysé et il a subi une grave commotion!

«À l'été 2009, il pesait alors 90 kg et son taux de gras était de 17 %. L'été après sa blessure, il pesait 99 kg avec 8 % de gras. Bref, c'était un adolescent avec du gras de bébé et il est devenu un homme. En deux ans!»

L'ardeur de Pacioretty au gymnase est maintes fois soulignée par ses proches. On ne s'étonnera d'ailleurs pas de savoir que Martin St-Louis, un exemple de forme physique, fait partie de ses partenaires d'entraînement en été, au Connecticut.

«J'ai assisté au mariage de Max [à l'été 2011], raconte Prentiss. Vers 2 h du matin, il me dit: «Hey, on fait mes jambes demain?» J'ai éclaté de rire. Il dit: «Non, je suis sérieux!» Donc, à 13 h le lendemain du mariage, on était au gymnase, en train de travailler sur ses jambes! Il ne manque jamais un entraînement. Il en comprend la valeur.»

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

2014 SOTCHI, PUIS UN GRAND VIDE À MONTRÉAL

(21 buts, 15 passes, 36 points en 43 matchs cette saison)

L'année 2014 commence en grand pour le numéro 67: il s'envole pour Sotchi pour y défendre les couleurs des États-Unis. Employé dans le quatrième trio, Pacioretty y obtiendra un maigre point en cinq matchs. Comme à Montréal, où les leaders de l'équipe ont pour noms Josh Gorges et Brian Gionta, Pacioretty se retrouve de nouveau dans l'ombre des plus vieux que sont David Backes, Ryan Suter et Zach Parisé.

Ça n'empêchera pas son cochambreur à Sotchi, le jeune défenseur Justin Faulk, de le tenir en admiration.

«J'ai remarqué la façon dont il se comporte sur la glace et à l'extérieur, explique le membre des Hurricanes de la Caroline. De ce que j'ai observé, il travaille aussi fort aux matchs qu'aux entraînements. Je le remarque quand je l'affronte. Il patine avec puissance et il est dur à affronter. C'est ce que tu veux voir d'un meneur, c'est un joueur qui se présente toujours.»

«Max est devenu un des vétérans du groupe que j'entraîne, il a participé aux Jeux olympiques, donc les jeunes le voient comme un modèle», ajoute Ben Prentiss.

Quelques mois plus tard, le Canadien se départ de Gorges, Gionta, Francis Bouillon, puis Peter Budaj. Tous des joueurs avec du vécu.

«Max ne voulait pas manquer de respect envers des vétérans de 10 saisons, envers le capitaine, rappelle Darche. Mais les leaders sont partis, c'était à lui de prendre la place. Et il semble prendre plaisir à le faire. Il semble accepter ce rôle.»

Pour la première fois de sa carrière, Max Pacioretty se retrouve dans une situation où le leadership est flottant. À 26 ans, en tant que meilleur attaquant de l'équipe, fort de l'expérience olympique, transformé par la paternité, les astres sont alignés pour qu'il comble une partie du vide. Ce qu'il fait avec brio jusqu'ici.

Reste à voir si ça se traduira par un «C» sur son chandail en octobre prochain.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE