Bien qu'elles ne mentent jamais, les statistiques ne disent pas toujours la vérité. Pis encore, en les maniant avec doigté, en favorisant un petit chiffre plutôt qu'un autre, on peut leur faire dire ce qu'on veut.

La victoire de 3-2 que le Canadien a arrachée des mains des Bruins de Boston en prolongation samedi en fait la preuve par 10, par 100, par 1000.

Le score final laisse croire à un match serré. La vérité est pourtant tout autre.

Après deux périodes de jeu, les Bruins de Boston avaient inscrit deux buts en neuf occasions de marquer. À l'autre bout, Tim Thomas blanchissait le Canadien. Il faut dire que le Tricolore avait grandement aidé la cause du gardien affichant les meilleures statistiques de la LNH puisqu'il n'avait généré que trois occasions de marquer.

Jamais encore cette année les Bruins (16-0-0) n'avaient échappé le moindre point alors qu'ils commençaient la troisième période avec une avance. Inversement, le Canadien n'avait arraché qu'un seul et bien petit point (0-15-1) grâce à une remontée en troisième période.

Cette remontée s'est produite sur le tard. Après un but refusé à Mathieu Darche pour avoir touché la rondelle au-dessus de la hauteur permise. Après que plusieurs partisans fatigués d'attendre eurent décidé de quitter l'enceinte. Après que les plus patients eurent commencé à huer copieusement leurs favoris.

Mais cette remontée est finalement survenue.

Elle a suivi le cadeau du ciel offert par Michael Ryder, qui a écopé d'une bien vilaine pénalité. Une pénalité qui a tout changé.

Car c'est au cours de cet avantage numérique que Scott Gomez a inscrit le premier but du Canadien. Un but moche, marqué après que son tir anodin eut frappé des patins pour passer entre ceux de Tim Thomas, qui a très mal paru sur le jeu. Mais un but, tout de même.

Un but marqué avec 2:22 à faire à la période. Un but qui a ravivé les espoirs. Un but qui a permis à Jacques Martin de rappeler Carey Price au banc pour envoyer un sixième attaquant. Un but qui a été suivi de celui de Brian Gionta, moche lui aussi, alors que le capitaine a fait dévier la rondelle en freinant devant le filet, mais... un but quand même.

Une fois en prolongation, Max Pacioretty a confirmé une victoire qu'on sentait approcher. Une belle récompense pour le jeune homme qui travaille bien depuis son rappel de Hamilton.

Lire entre les chiffres

Lorsque le Canadien s'est retrouvé avec une fiche de trois victoires en 12 matchs (3-8-1), les détracteurs de Jacques Martin ont vu l'occasion rêvée de brandir cette séquence pour appuyer leurs prétentions selon lesquelles il est un entraîneur dépassé qui n'arrive pas à soutirer le meilleur de son équipe.

C'était leur droit.

Mais que disaient ces mêmes observateurs lorsque le Canadien surfait au sommet de l'Association de l'Est avec ses 18 victoires (18-8-2) en 28 matchs disputés avant la glissade qui a coïncidé avec le voyage précédant et suivant Noël?

On peut toujours trouver une statistique capable d'encenser ou de couler un joueur, un entraîneur, un directeur général.

Prenons Andrei Kostitsyn: ceux qui croient en lui brandiront ses 23 points, quatrième chez le Canadien, son rendement de +9, le meilleur dans le camp du Tricolore, et ses 74 mises en échec, le plus haut total dans le vestiaire, pour assurer qu'il connaît une bonne saison. Ceux qui l'accusent de se traîner les pieds souligneront qu'il n'a qu'un maigre but et cinq points à ses 17 derniers matchs. Que six de ses 10 buts et 10 de ses 23 points ont été amassés au cours des neuf premiers matchs de la saison.

Tous ces chiffres sont vrais. C'est la manière de les utiliser qui tord parfois la vérité.

Dans toutes ces statistiques, trois font mal à Jacques Martin et à son équipe: la fiche du CH lorsqu'il accorde le premier but et tire de l'arrière après une (1-11-0) et deux (1-15-1) périodes.

Fort de sa victoire en prolongation en Floride, du point récolté contre Atlanta et des victoires contre Pittsburgh en fusillade et Boston en prolongation, le Canadien est revenu de l'arrière à ses quatre derniers matchs. Il affiche maintenant un dossier de 6-12-1 lorsqu'il accorde le premier but. Une nette amélioration. Mais Martin et ses joueurs doivent poursuivre sur cette lancée pour faire taire leurs détracteurs et convaincre les sceptiques qu'ils forment vraiment une bonne équipe.