Les grands espoirs offensifs francophones sont rares depuis quelques décennies.

Le dernier s'appelle Vincent Lecavalier, repêché au premier rang du repêchage de la LNH en 1998.

Avant lui, il y a eu Alexandre Daigle en 1993 et Pierre Turgeon en 1987. Sans oublier, évidemment, Mario Lemieux en 1984.

On comprend un peu mieux pourquoi Sean Couturier, des Voltigeurs de Drummondville, le champion compteur de la LHJMQ l'an dernier, est l'objet d'une attention aussi constante cet automne.

Couturier, 17 ans, bientôt 18, devrait en principe être choisi parmi les trois premiers joueurs lors du prochain repêchage de la LNH. Il doit produire sur la glace, mais également composer avec la pression qui accompagne le fait d'être un favori au repêchage. Déjà, certains chuchotent qu'il ne sera probablement pas la grande star attendue. Qu'il pourrait chuter au classement des dépisteurs de la LNH.

Son entourage travaille fort pour que le jeune homme ne se laisse pas distraire et qu'il garde en tête son objectif principal: s'amuser sur la glace tout en aidant son club à gagner.

«Il s'agit tout de même d'un jeune de 17 ans. Il doit composer avec une réalité qu'il n'a jamais vécue auparavant, mentionne le directeur général des Voltigeurs, Dominic Ricard. Il est classé numéro un ou numéro deux, il s'en fait parler chaque jour, le nombre d'entrevues augmente de façon importante. Sans oublier que son rôle au sein de l'équipe a changé. L'année passée, nous avions un leader formidable en Gabriel Dumont. Il en prenait beaucoup sur ses épaules. C'est sur lui que ça repose désormais. Il y a aussi la possibilité de participer au Championnat mondial junior alors que l'an dernier, il n'avait même pas été invité au camp. Le plus gros défi, c'est de l'aider à gérer ces distractions.»

Les demandes d'entrevues sont passées au peigne fin. «On a instauré une procédure pour ne pas que Sean soit celui qui ait à répondre directement aux demandes médiatiques ou aux représentations dans les commerces, explique Ricard. Notre directrice des opérations Sylvie Fortier s'en charge, en collaboration avec l'agent de Sean, Gilles Lupien. Plus l'année avance, plus il y a de demandes. Non seulement au Québec, mais de la part des médias nationaux.»

Couturier est un jeune homme très aimable, mais pas très extraverti. En entrevue la semaine dernière, le matin du match entre les espoirs du Québec et ceux de la Russie, il s'est contenté des réponses d'usage, qui confirment qu'il semble bien installé dans sa bulle protectrice.

«Les attentes sont élevées mais je ne peux rien y faire. Je dois rester concentré et faire ce que j'ai à faire sur la glace. Le reste, je ne le contrôle pas.»

Le ton est sympathique, mais impossible de lui arracher la moindre émotion. La personnalité impénétrable de Couturier constitue d'ailleurs un défi supplémentaire pour la direction des Voltigeurs. «Il ne cognera pas à la porte pour nous dire qu'il vit du stress ou que sa confiance est affectée, mentionne Ricard. C'est notre travail de le faire sortir de sa coquille pour qu'on puisse lui donner les outils nécessaires au plan psychologique pour gérer ce qu'il vit. À l'heure actuelle, nos entraîneurs gèrent la vie quotidienne avec lui. Mais nous avons d'autres ressources si le besoin s'en fait sentir. L'an dernier, le psychologue Luc Doyon, qui est aussi entraîneur, a travaillé avec notre gardien Jake Allen et ça a été très bénéfique. Dans le cas de Sean, on va utiliser cet outil seulement si l'athlète nous en manifeste le désir.»

Certains observateurs estiment que Couturier ne connaît pas le début de saison espéré et qu'il y a des limites à son potentiel offensif. «N'oublions pas qu'il a raté le camp d'entraînement à cause d'une mononucléose, nuance Ricard. Mais son synchronisme revient et il est plus constant depuis une dizaine de matchs. Les attentes sont énormes à son endroit, mais elles ne sont peut-être pas réalistes. Il a terminé au premier rang des compteurs l'an dernier avec 96 points. Ce n'est pas un John Tavares ou un Steven Stamkos, mais plutôt un gros bonhomme fort physiquement, solide autant à l'attaque qu'en défensive, une dimension qu'on n'a pas habituellement au Québec.

«Je le comparerais à Jordan Staal, des Penguins de Pittsburgh, poursuit Ricard. Staal a été repêché deuxième au total en 2006 derrière Erik Johnson malgré une production de seulement 27 buts et une moyenne d'un point par match. Il faut évaluer Sean en fonction de son talent et de ses aptitudes à lui. Il va produire offensivement mais il va amener tellement autre chose avec son implication physique. Staal est le troisième centre des Penguins mais il pourrait facilement être le deuxième s'il n'avait pas Malkin et Crosby devant lui. Personne ne s'attend à ce qu'il gagne le trophée Maurice-Richard sauf qu'il va être super important pour son équipe.»

JOUEURS DE LA LHJMQ REPÊCHÉS PARMI LES 10 PREMIERS DEPUIS 2000

Année Rang Équipe Pos. Repêché de

2007 7 Columbus Jakub Voracek R Mooseheads de Halifax

2006 6 Columbus Derick Brassard C Voltigeurs de Drummondville

9 Minnesota James Sheppard C Screaming Eagles du Cap Breton

10 Floride Michael Frolik AG Océanic de Rimouski

2005 1 Pittsburgh Sidney Crosby C Océanic de Rimouski

10 Vancouver Luc Bourdon D Foreurs de Val d'Or

2004 8 Columbus Alexandre Picard AG MAINEiacs de Lewiston

2003 1 Pittsburgh Marc-André Fleury G Screaming Eagles du Cap Breton

2002 8 Minnesota Pierre-Marc Bouchard C Saguenéens de Chicoutimi

2001 8 Columbus Pascal Leclaire G Mooseheads de Halifax

PREMIERS CHOIX AU REPÊCHAGE DE LA LNHPROVENANT DE LA LHJMQ*

2005 Sidney Crosby Pittsburgh

2003 Marc-André Fleury Pittsburgh

1998 Vincent Lecavalier Tampa Bay

1993 Alexandre Daigle Ottawa

1987 Pierre Turgeon Buffalo

1984 Mario Lemieux Pittsburgh

1981 Dale Hawerchuk Winnipeg

1971 Guy Lafleur Canadien

1970 Gilbert Perreault Buffalo

1969 Réjean Houle Canadien

1968 Michel Plasse Canadien

* Perreault et Houle jouaient pour le Canadien junior de Montréal dans la OHA (Ontario Hockey Association).