Quand Kimiko Savard endosse ses jambières de gardienne de but, c'est presque toujours pour affronter les tirs de garçons de 13-14 ans du Bantam A.

Normal. Dans sa ville natale de Fermont, il n'y a que trois filles qui jouent au hockey. «Ma soeur, moi et une autre fille de niveau atome», lance l'adolescente aux cheveux frisés. «Mon équipe de filles, je la vois une fois ou deux par année.»

 

Son équipe de filles, c'est les Centrales de la Côte-Nord, qui représentent la région lors des tournois de hockey féminin, notamment aux derniers Jeux du Québec d'hiver, à Blainville. Chez les Centrales, les joueuses proviennent des quatre coins d'une région 10 fois grande comme la Belgique: Sept-Îles, Baie-Comeau, Fermont...

Comment réussir à former une équipe digne de ce nom, quand la gardienne de but est séparée de ses défenseurs par 800 km? «Ce n'est pas simple, admet l'entraîneur des Centrales, Guy St-Pierre. Le territoire est immense et le bassin de joueuses, très petit. On sait qu'il y a des hockeyeuses à Blanc-Sablon ou à Kuujjuaq, mais on ne les a jamais vues jouer! C'est trop loin.»

Si choisir les meilleures joueuses relève déjà de l'impossible «ce sont les gens des associations qui me servent de dépisteurs» , regrouper tout son monde sur la même glace tient carrément du miracle. «Si les joueuses de Fermont descendent à Baie-Comeau, on demande aux filles qui habitent plus près de venir nous rejoindre.» Plus près, c'est notamment Sept-Îles, à quatre heures de route. Inutile de dire que les occasions sont rares. «Avant de venir aux Jeux du Québec, on a joué deux matchs ensemble, et on s'est entraînées en groupe trois ou quatre fois.» C'est peu pour espérer vaincre des joueuses qui évoluent ensemble depuis des mois...

«Une fille de Fermont qui vient jouer à Baie-Comeau fait la même distance qu'une joueuse de Montréal qui serait dans une équipe à Baie-Comeau. Sauf que la route n'est pas pareille!» ajoute M. St-Pierre, qui oeuvre dans le hockey féminin depuis 15 ans.

Mélodie Bouchard fait souvent le trajet jusqu'à Baie-Comeau pour jouer au hockey. L'ailière droite a réussi à se hisser dans le très compétitif Bantam CC. Au sein d'une équipe masculine, s'il vous plaît. Son équipe, les Basques de Sept-Îles, dont elle est une des capitaines adjointes, trônent en tête du classement de leur ligue.

Comme pour sa coéquipière Kimiko, Mélodie n'a pas eu le choix de se joindre à une équipe masculine. «À Sept-Îles, on est moins d'une dizaine de filles à jouer au hockey. Les autres préfèrent la ringuette. Pas moi. J'aime le sport compétitif, le jeu physique.»

Son jeu ferait d'ailleurs envie à bien des garçons. Lors des Jeux du Québec, elle a réussi quelques feintes qui ont laissé les spectateurs et la défense adverse bouche bée. Son maniement de la rondelle et ses tirs du poignet sont redoutables. Son coup de patin aussi.

Elle rêve de suivre les traces de son idole, Hayley Wickenheiser, et de représenter le Canada aux Jeux olympiques. Elle sait toutefois que pour espérer se joindre à l'équipe canadienne, elle devra un jour ou l'autre s'exiler. À 14 ans, elle y songe déjà. «Je veux quitter Sept-Îles pour aller dans une école où je pourrai jouer au hockey féminin. Je joue avec des gars depuis trois ans. Ils sont corrects, ils me respectent, mais j'aime mieux la chimie qu'il y a dans une équipe de filles.»

Même si les coéquipières se voient aussi rarement que les Centrales? «Oui, on s'aime beaucoup. Quand on se voit, on se saute dans les bras. Et on passe beaucoup de temps à jaser sur MSN!»

 

Des régions mieux représentées que d'autres

Nombre d'équipes de hockey féminin (2007-2008)

Abitibi-Témiscamingue: 6

Bas-Saint-Laurent: 7

Côte-Nord: 5

Estrie: 41

Gaspésie - Iles-de-la-Madeleine: 0

Lac-Saint-Louis: 58

Laurentides-Lanaudière: 17

Mauricie: 15

Montréal: 14

Outaouais: 9

Québec: 14

Richelieu: 53

Saguenay - Lac-Saint-Jean: 2

Source : Hockey Québec