Il était grand temps que Bob Gainey réagisse. Car en patientant comme il le faisait depuis trop longtemps, le grand patron laissait le cancer minant son équipe se propager.

Mais dès qu'il a compris que cette patience était gaspillée par des joueurs pas assez intelligents pour la justifier, il a frappé un grand coup en retirant de son équipe deux tumeurs malignes.

Alex Kovalev est donc confiné en garde à vue à la maison jusqu'à ce qu'on décide ce qu'on fera avec lui.

Sergei Kostitsyn retourne quant à lui dans la Ligue américaine, loin du faste et des nuits folles de Montréal.

Une question demeure en suspens: cette intervention sera-t-elle suffisante pour guérir son club, où est-ce que le mal s'est tellement propagé que Gainey devra aller jusqu'à l'amputer de quelques autres éléments importants pour sauver ce qui reste à sauver?

Les prochains matchs offriront un diagnostic clair.

Pourquoi craindre le pire?

Parce que Gainey a peut-être attendu trop longtemps avant de réagir.

Les sites internet regorgent de photos et d'histoires juteuses sur les va-et-vient des jeunes, beaux, riches et ô combien disponibles célibataires du Canadien! Ce n'est rien de nouveau, cela dit.

Mais, contrairement aux autres années, les responsables n'arrivaient pas à maintenir le rythme sur la patinoire.

D'où l'importance de l'intervention d'hier.

Mais attention: ce qui est vrai pour Sergei Kostitsyn et quelques autres jeunes de l'organisation, qui sont bien mieux d'avoir saisi le message lancé hier, ne l'est pas pour Kovalev. Non!

Ce qui mine Kovalev n'a rien à voir avec les nuits folles de Montréal. Ce qui mine Kovalev, c'est le manque d'engagement.

C'est cette manie de vouloir jouer à sa façon et rien qu'à sa façon. Cette manie, qui a ouvert la porte au congédiement de Claude Julien après que Kovalev l'eut assassiné en plein vestiaire du Tricolore. Cette manie, qui a ouvert la porte à tous les autres congédiements des «coachs» qui ont été victimes du je-m'en-foutisme complet de ce surdoué du hockey.

Qu'a fait Kovalev à Claude Julien? Il a abusé de sa bonne volonté.

Après des matchs, des semaines et des mois de patience, après qu'il eut dorloté son surdoué en le faisant jouer avec qui il voulait jouer et dans les circonstances qui lui plaisaient le mieux, Claude Julien a, un jour, décidé de serrer la vis.

Dans le vestiaire, au milieu des joueurs, Julien a apostrophé Kovalev pour lui demander ce qui n'allait pas. Pour lui demander d'offrir une solution.

Julien croyait que son joueur-vedette l'appuierait en guise de remerciement pour faveurs obtenues. Que non!

Il l'a laissé tomber, comme on laisse tomber un déchet à la poubelle.

«C'est toi le coach. Trouve une solution», a-t-il répondu.

Julien venait de perdre son joueur-vedette et il venait de perdre son vestiaire. Quelques semaines plus tard, il perdait son job d'entraîneur-chef du Canadien de Montréal.

Guy Carbonneau était rendu dans le même genre de situation. Non! Consacré héros de Bob Gainey lors du retrait de son chandail numéro 23, Carbonneau profite d'un capital de sympathie dont aucun autre complice de Gainey ne pourrait profiter.

Malgré tout, les murmures contestant son travail derrière le banc avaient été remplacés par des critiques à peine voilées au cours des derniers jours.

On n'était pas rendu au point de réclamer la tête de Carbo ou encore de remettre en question la qualité de son message et de sa main mise sur le vestiaire, mais ça s'en venait.

Ça s'en venait aussi vite que le printemps s'en vient. Printemps qui pourrait être bien sombre pour le Canadien.

Il était donc impératif que Carbo reçoive de l'aide de son patron. De l'aide qu'il réclamait depuis un moment. De l'aide que Gainey lui a enfin accordée en le soulageant du grand mal que représentait un Kovalev sans âme, sans énergie, sans désir de vaincre.

À lui maintenant d'en profiter et de fouetter ce qui lui reste d'équipe sous la main pour ramener ses jeunes à l'ordre et redresser la situation pendant qu'il en est encore temps.

Mais Dieu qu'il était temps que ça arrive...