La région montréalaise est depuis longtemps un milieu inhospitalier pour la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Les équipes sont souvent reparties aussi vite qu'elles sont arrivées. Difficile pour elles de se faire une place au soleil, à l'ombre du tout-puissant Canadien de Montréal.

Depuis trois saisons maintenant, l'Armada de Blainville-Boisbriand tente de réussir là où tant d'autres ont échoué. Quel bilan tirer de l'expérience? Un bilan tout en nuances. En effet, si les résultats sont au rendez-vous sur la glace, certains signaux sont inquiétants dans les gradins.

Cette année encore, le nombre de spectateurs a baissé au Centre d'excellence Sports Rousseau, le complexe construit en 2010 dans la couronne nord de Montréal. Lors de la saison inaugurale, en 2011-2012, une moyenne de 3017 spectateurs assistaient aux matchs. La suivante, ce chiffre est descendu à 2928; cette saison, il est tombé à 2703 personnes.

«C'est certain qu'on a bénéficié d'un effet de nouveauté la première année, explique en entrevue le directeur général et copropriétaire de l'équipe, Joël Bouchard. La saison dernière, on a eu un petit boost avec le lock-out dans la LNH. Je pense que les chiffres démontrent que c'est un travail de tous les instants.»

Joël Bouchard a fait le pari de la couronne nord. Il s'est associé aux hockeyeurs Daniel Brière, Jean-Sébastien Giguère et Ian Lapperrière, ainsi qu'à Québecor pour racheter le Junior de Montréal en 2011. L'équipe était alors en grande difficulté. Elle a été déménagée de Verdun à Boisbriand.

La question est maintenant de savoir si, avec 2700 spectateurs par match, l'Armada a atteint sa vitesse de croisière. Ou si la baisse d'achalandage est plutôt une tendance lourde qui va se poursuivre. Difficile à dire pour l'instant.

Dans la LHJMQ, on estime que la rentabilité se situe autour de 2000 spectateurs par match. L'Armada est au-dessus de ce chiffre plancher pour l'instant. Ses assistances sont par contre moindres que la moyenne de la ligue, même si l'équipe fait mieux que d'autres sur ce plan, comme les Foreurs de Val-d'Or et les Huskies de Rouyn-Noranda.

«Ce qui est important, c'est que les gens continuent de venir aux matchs et de soutenir l'équipe, note Joël Bouchard. Tu ne fais pas du junior pour faire de l'argent. Mais il faut un minimum de santé financière pour pouvoir bien encadrer les jeunes.»

«L'Armada est un succès»

La région montréalaise a toujours été un marché difficile pour le hockey junior. La région comptait quatre équipes lors de la saison inaugurale de la LHJMQ, en 1969 (Saints de Laval, National de Rosemont, Alouettes de Saint-Jérôme et Maple Leafs de Verdun). Trois ans plus tard, trois de ces équipes avaient disparu, et une autre avait déménagé.

«À Montréal, on a un peu délaissé le hockey junior. L'intérêt médiatique n'est pas là, et c'est certain que le Canadien prend beaucoup de place», explique Serge Savard, qui a été propriétaire du Rocket de Montréal.

De 1999 à 2003, le Rocket a tenté de faire sa niche dans l'est de la ville. Mais l'aréna Maurice-Richard était peu attrayant. L'absence de stationnement irritait les amateurs. Le Canadien prenait aussi beaucoup de place - d'autant plus qu'à l'époque, le Tricolore offrait des billets autour de 10$. Vers la fin, il n'y avait plus que 700 spectateurs aux matchs du Rocket, se souvient Serge Savard.

«On perdait beaucoup d'argent», rappelle celui qui s'est résolu à déménager l'équipe à l'Île-du-Prince-Édouard. Savard l'a finalement vendue l'année dernière.

«Il y a beaucoup d'équipes dans la ligue qui ont de la misère à survivre. Ça prend des efforts communautaires pour faire vivre ces équipes-là, dit-il. Par exemple, des villes assument le loyer. On parle d'un budget d'environ 2 millions par année pour un club junior.»

Certaines équipes réussissent à attirer les spectateurs, comme à Québec, où il n'est pas rare de voir des foules de plus de 10 000 personnes. Mais Serge Savard croit que la dynamique changerait du tout au tout si, comme à Montréal, la Vieille Capitale comptait une équipe de la LNH.

«Québec a réussi parce qu'ils ont eu le champ libre. À l'époque des Nordiques, les Remparts sont tombés morts, rappelle l'ancien directeur général du Canadien. Patrick (Roy) disait quand il était à Québec: "Nous autres, si les Nordiques reviennent, c'est sûr qu'on ne peut pas vivre. On ne peut pas vivre deux équipes à Québec."»

Selon lui, l'Armada est «un bon succès à date». Lui-même sait à quel point il est difficile d'attirer les foules dans la région montréalaise pour des matchs mettant en vedette des jeunes de 16 à 20 ans. Il est à même de comprendre qu'à l'ombre du Canadien, une foule de 2700 personnes n'est pas négligeable. Même si c'est à la limite de la rentabilité.

Sur la glace, par contre, le bilan de ces trois années est positif pour l'Armada. L'équipe a terminé chaque saison parmi les meilleures formations. Elle a accumulé 122 victoires et 82 défaites (en temps réglementaire, en prolongation ou en fusillade).

Elle a encore une fois la chance de remporter la Coupe du Président cette année. Ce serait une façon parfaite de faire parler de l'Armada. Et de sortir de l'ombre de cette autre équipe qui, elle, ne remporte plus trop de Coupes par les temps qui courent...