Propulsée par des puits sans fond de fric, la nouvelle série LIV Golf soulève une tonne de questions. Non seulement parce qu’elle veut réinventer le golf et la manière d’organiser des tournois, mais aussi, surtout, parce que ses joueurs semblent faire de l’aveuglement volontaire à l’égard de leur source de revenus.

Les récompenses sont faramineuses. Près de 300 millions de dollars seront offerts en bourses dans huit tournois. Sans compter des sommes exorbitantes qui seront remises à des joueurs vedettes comme Dustin Johnson ou Phil Mickelson simplement pour participer aux compétitions. Dans un cas comme dans l’autre, ils toucheront de 150 à 200 millions de dollars simplement pour faire acte de présence.

L’argent est le principal moteur de cette nouvelle ligue qui, pour l’instant, n’a pas encore fait ses preuves.

Ce n’est pas le fait que la série fasse compétition à la PGA qui dérange le plus. C’est plutôt que des joueurs, déjà immensément riches, fassent fi de la tradition et de l’institution que représente le PGA Tour pour aller évoluer sur un circuit qui base sa crédibilité sur de l’argent malpropre.

En effet, la série LIV Golf est financée et appuyée par le Fonds d’investissement public de l’Arabie saoudite, qui est en réalité le bras financier du gouvernement saoudien. Gouvernement qui bafoue jour après jour les droits de la personne, selon divers organismes internationaux. Les droits des femmes, les droits des travailleurs et les droits des migrants. La liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de réunion pacifique. Le droit à la santé, le droit au respect de la vie privée et le droit de se défendre devant une cour de justice. C’est cet argent que se mettront dans les poches les 48 golfeurs du circuit.

D’un gouvernement qui a fait de la corruption une habitude et qui se nourrit d’une industrie d’énergie non renouvelable pour remplir ses coffres à ne plus pouvoir les refermer tellement ils débordent. Selon le Sovereign Wealth Fund Institute, le Fonds saoudien possède l’équivalent de 620 milliards de dollars en actifs.

Des électrons libres

Puisque la PGA est une association et non une ligue, les joueurs sont des membres, et non des employés. Ils sont donc libres de faire ce qu’ils veulent.

« Après, c’est la conscience sociale de savoir d’où provient cet argent-là. […] Il faut juste qu’ils soient à l’aise de se coucher sur leur oreiller le soir avec le fait de ne pas savoir vraiment d’où provient leur argent », explique Yohann Benson, professionnel au club Le Mirage et analyste à RDS.

Il rappelle que les manigances politiques n’ont jamais empêché les plus grands évènements sportifs du monde de se déposer dans des pays controversés. Les Jeux olympiques ont eu lieu en Chine et en Russie, la prochaine Coupe du monde de soccer aura lieu au Qatar et il y a des Grands Prix de Formule 1 en Arabie saoudite.

« Puisque c’est un évènement organisé sur huit tournois, que c’est soutenu et que ça fait concurrence au PGA Tour, soudainement, l’argent semble plus sale. Pourtant, il n’y a rien de nouveau et ça fait longtemps que les sportifs vont en Arabie saoudite, même si les droits de la personne ne sont pas respectés », précise Jean-Sébastien Légaré, analyste à RDS et au 91,9 Sports.

La prise de conscience de la PGA

Si autant de joueurs se tournent vers la série LIV Golf pour une question de sous, c’est sans doute parce qu’ils sont insatisfaits de l’offre actuelle sur le circuit de la PGA.

Pourtant, les golfeurs ne sont pas à plaindre. La grande majorité gagne très bien sa vie et la plupart sont multimillionnaires. Toutefois, ce qui irrite les golfeurs, c’est que leur image soit utilisée à des fins de marketing par la PGA. Leur visage se retrouve sur des billets, des affiches et des boîtes de céréales sans qu’ils puissent en tirer profit. L’arrivée d’un nouveau circuit force donc le circuit à s’ajuster.

Le PGA Tour va devoir se regarder dans le miroir et améliorer certaines choses que les joueurs lui reprochent depuis longtemps, comme la représentation médiatique et l’image de marque. Ce n’est pas normal qu’ils puissent utiliser leur image comme ils veulent sans les payer.

Yohann Benson, professionnel au club Le Mirage et analyste à RDS

Pour contenter les joueurs, la PGA a créé le Players Impact Program, qui offre une prime aux joueurs qui influencent positivement le sport et l’industrie du golf. Ce programme a vu le jour en 2021, à peu près en même temps que les balbutiements de la série LIV Golf.

La bourse de la Coupe FedEx a aussi été bonifiée. Le gagnant de la saison touchera une somme de 18 millions de dollars, une hausse de 3 millions comparativement à la récompense de Patrick Cantlay l’an dernier. La bourse totale passera de 60 à 75 millions de dollars.

La série LIV Golf n’a pas encore couronné son premier gagnant que déjà, elle a eu son lot d’incidences et de ramifications. Il est encore trop tôt pour prédire si elle représente une réelle menace, mais selon Jean-Sébastien Légaré, le PGA Tour va rester la référence : « Les racines historiques du golf sont très fortes et extrêmement profondes. La PGA est rattachée à des évènements majeurs et je pense qu’elle va finir par gagner. C’est là que ça se passe, c’est là qu’on retrouve les meilleurs joueurs et les plus gros évènements. »