Mais alors, combien y a-t-il de fans des Bengals de Cincinnati au Québec ?

Au bout du fil, il y a un silence. Stéphane Gonzalez, notre interlocuteur en ce petit jour de semaine, a bien du mal à répondre à cette question. Pour le bien de notre recherche, il nous dirige vers un groupe Facebook où, dit-il, de nombreux partisans québécois des Bengals de Cincinnati se réunissent pour discuter de leur équipe.

On finit par trouver le groupe en question. Nombre total de personnes qui y sont abonnées : cinq.

Ce n’est rien de nouveau pour Stéphane Gonzalez, qui a l’habitude d’être le seul de sa tribu tigrée. L’animateur de La centrale du sport sur les ondes du 91,9 Sports à Montréal est un partisan des Bengals de longue date, mais au Québec, être un partisan de cette équipe est un peu l’équivalent de jouer au cube Rubik : ça se fait seul.

« Est-ce que je connais d’autres partisans des Bengals ici ? À part Brendan Gallagher, non, répond-il en riant au bout du fil. Je ne sais pas pourquoi… »

On peut probablement tenter un début de réponse.

Comme le cube Rubik, les heures de gloire des Bengals remontent aux années 1980, alors que le club profitait de cette décennie magique pour atteindre le match du Super Bowl à deux reprises, deux défaites face aux 49ers de San Francisco.

Depuis, ce fut une succession de mauvaises décisions, de personnages douteux (Vontaze Burfict, quelqu’un ?) et de saisons avec des défaites, beaucoup de défaites. Ce qui n’a pas empêché quelques rares partisans de s’accrocher à cette équipe au fil du temps, même au Québec.

PHOTO FOURNIE PAR LE 91,9 SPORTS

Stéphane Gonzalez, animateur au 91,9 Sports à Montréal, est un partisan de longue date des Bengals de Cincinnati.

« Le dimanche, j’avais l’habitude d’aller regarder les matchs de la NFL chez mes cousins, qui prenaient pour les Rams [de St. Louis], ajoute Gonzalez. Une fois, il y a un match des Bengals qui est passé à la télé, et j’ai remarqué que leur quart-arrière était gaucher, comme moi ! Alors, grâce à Boomer Esiason, j’ai commencé à prendre pour eux… À l’époque, c’était très difficile de se procurer des vêtements aux couleurs des Bengals, et j’avais réussi à trouver un manteau Starter noir et une casquette au Carrefour Angrignon. Je pense que ç’a été le plus beau jour de ma vie. »

Mais l’effet Esiason a été bref, et dans le Québec des années 1990, les partisans du ballon ovale se passionnaient avant tout pour des clubs plus aimables d’un point de vue géographique – les Bills de Buffalo, les Patriots de la Nouvelle-Angleterre –, alors que les Bengals, eux, ne faisaient rien pour conquérir de nouveaux adeptes.

À titre d’exemple : le quart Ken Anderson, le meneur au chapitre des verges gagnées par la passe dans l’histoire de l’équipe, a disputé son dernier match en… 1986.

« Je ne sais plus combien de choix de premier tour ils ont gaspillés, dit en soupirant Mark Dickey, animateur de la chaîne Énergie au Saguenay–Lac-Saint-Jean, lui aussi un fidèle des Bengals. Ça n’arrêtait pas, et là, enfin, il y a eu Joe Burrow ! »

Par ici, au Saguenay, mes amis qui sont des fans de la NFL sont des fans des Bills, des Patriots. Je suis tout seul. C’est sûr que, d’un point de vue géographique, tu n’as aucune raison de prendre pour les Bengals…

Mark Dickey

Mais ce n’est pas la géographie qui a empêché Mark Dickey de sauter dans sa voiture et d’aller voir ses Bengals en personne, « au moins neuf fois », selon sa propre estimation. « Je vais te le dire, Arvida-Cincinnati en voiture, c’est une cr… de ride ! C’est deux jours. Je suis rendu que je sais le trajet par cœur. »

Peut-être qu’à l’avenir, Mark Dickey ne sera plus le seul avec une plaque du Québec en route vers l’Ohio ; sur Twitter, le compte @BengalsQc n’est peut-être pas immense (484 abonnés au moment où on écrit ces lignes), mais au moins, il prend de l’expansion.

« J’imagine qu’il y a de nouveaux fans qui veulent sauter dans le train, répond Jean-Philippe Rioux, de Québec, qui s’occupe du compte. Avec le début des séries, on gagne des abonnés. C’est nouveau parce qu’avant ça, être un fan des Bengals au Québec, ça suscitait quelques moqueries… »

Mais plus personne ne rit maintenant.