Excité, nerveux, impatient… Les émotions se bousculent dans la tête de Pier-Olivier Lestage à la veille de son tout premier camp dans la NFL.

Lestage, qui s’est entendu avec les Seahawks en mai après avoir été ignoré au repêchage, s’envolera dimanche pour Seattle.

Le Québécois n’a pu s’entraîner aussi intensément qu’il l’aurait souhaité au cours des six dernières semaines. Opéré pour une hernie sportive pendant le mini-camp en juin, il s’est davantage concentré sur sa rééducation.

Heureusement, celle-ci s’est bien déroulée, dit le colosse de 6 pi 3 po et 312 lb, et il se sent « de mieux en mieux de jour en jour ». Il sera évalué à son arrivée à Seattle, la semaine prochaine. S’il n’est pas à 100 %, il pourrait devoir manquer quelques journées d’entraînement.

« Je pense que je suis à quelques jours près, une semaine gros max [d’être à 100 %] », précise-t-il toutefois.

Une chose est certaine : du moment où il pourra fouler le terrain, le joueur de ligne offensive laissera derrière lui sa blessure, son opération et les quelques semaines qui viennent de passer. « Le couteau entre les dents », il fera « tout ce qui est possible » pour se tailler une place dans l’équipe.

« Je suis convaincu que je suis capable de faire l’équipe, dit-il. C’est sûr que ça va être difficile, que j’ai beaucoup de choses à prouver, mais je pense qu’à la fin de la journée, si j’ai obtenu un contrat dans la NFL, c’est parce qu’ils voient que j’ai ma place dans cette équipe-là. Il faut juste que je le prouve, mais j’ai confiance. »

En visioconférence après avoir signé son contrat en mai, le produit des Carabins de l’Université de Montréal avait affirmé que c’est son « éthique de travail » qui l’avait amené jusque-là. Cette éthique de travail fera certainement partie des ingrédients nécessaires s’il souhaite se tailler une place chez les Seahawks. Au même titre que sa polyvalence.

« Si je suis capable d’arriver là-bas et de montrer que je peux jouer autant à la position de garde qu’à la position de centre, ça va beaucoup augmenter ma valeur », soutient-il.

L’athlète de 23 ans a davantage été utilisé comme garde pendant le mini-camp et les OTA (organized team activities), ce qui devrait changer, croit-il.

« Peut-être que les entraîneurs voulaient me donner un peu plus de temps pour apprendre le livre de jeux avant de me lancer au poste de centre. D’après moi, c’est quelque chose qui va arriver. Ils vont essayer de me faire jouer au poste de centre et voir comment je vais réagir par rapport à ça. C’est une des choses qui vont vraiment définir si, à la fin du mois d’août, je suis encore dans l’équipe ou de retour à Montréal. »

Observation et ajustement

Au mini-camp en mai, Pier-Olivier Lestage a eu un avant-goût de ce qu’il s’apprête maintenant à vivre à son premier camp dans la plus grande ligue de football au monde. Il avait d’ailleurs eu l’occasion de côtoyer les vétérans de l’équipe pendant quelques jours, une expérience plutôt marquante.

« C’est sûr que dans les premiers jours, j’essayais de ne pas avoir l’air d’un partisan. J’étais un joueur. Je n’étais pas là pour me faire signer des autographes et tout ça ! lance à la blague le sympathique footballeur. La première journée, c’était dur. Je regardais un peu tout le monde, j’étais comme : ce gars-là, l’année passée, j’étais assis dans mon divan, je le regardais et je le trouvais bon. C’est spécial. C’est le fun, quand tu y penses. »

Du point de vue du football, Lestage a beaucoup appris en regardant les vétérans à l’œuvre. Passer du football canadien au football américain lui a d’ailleurs demandé un certain ajustement.

« Ça a pris quelques jours, admet-il. Ça n’a pas été trop difficile parce qu’au fond, du football c’est du football. »

En conférence de presse pendant le mini-camp, l’entraîneur-chef de l’équipe, Pete Carroll, avait glissé quelques compliments à l’endroit du Québécois. « Je suis enthousiaste à propos de ce joueur, il est vraiment concentré et excité d’être ici », avait-il notamment affirmé.

Des mots qui ont, naturellement, flatté le principal intéressé. Il essaie toutefois de ne pas trop y penser.

« S’il s’était fait poser des questions sur n’importe quelle recrue, [Pete Carroll] aurait dit un peu ce genre de choses là, donc… Je ne veux pas minimiser ce qu’il a dit, mais plutôt ne pas trop m’en occuper parce qu’en fin de compte, ce qui se passe au mini-camp des recrues, ce n’est vraiment pas quelque chose qui va déterminer si tu gagnes un poste à la fin du camp d’entraînement », note-t-il.

S’il devait être retranché, Lestage retournerait à Montréal pour se joindre aux Alouettes, qui l’ont repêché au deuxième tour du dernier encan de la Ligue canadienne de football (LCF).

« Quand j’ai été repêché par les Alouettes, j’étais content parce que ça voulait dire que si les choses ne fonctionnaient pas à Seattle, j’étais capable de rester à Montréal, dans mon patelin, proche de ma famille, de mes amis, de ma copine, donc c’est sûr que c’est un très bon plan B. »

Le plan A, c’est d’enfiler le chandail bleu et vert.

« Même si c’est cool de se faire repêcher par les Alouettes, j’espère ne jamais jouer pour eux », lance-t-il.

Fierté québécoise

À l’issue du dernier repêchage, trois Québécois ont signé un contrat avec une équipe de la grande ligue : le demi de coin Benjamin St-Juste (Washington), l’ailier rapproché Bruno Labelle (Arizona) et Pier-Olivier Lestage. Alors que les deux premiers se sont développés aux États-Unis, Lestage est le seul à être resté au Québec. Une décision qui le rend particulièrement fier aujourd’hui. « Je pense que ça montre que le football est en santé au Québec et qu’on fait les bonnes choses, que tu n’es pas obligé de t’exiler aux États-Unis à 16 ans pour espérer jouer dans la NFL, dit-il. Tu peux rester au Québec, à Montréal, à Sherbrooke, n’importe où et quand même espérer pouvoir jouer dans la NFL. Je pense que c’est surtout ça, ma fierté : d’être arrivé au même résultat que Bruno et Benjamin, mais en étant resté à l’Université de Montréal, en montrant que c’est possible de faire ça tout en restant au Canada. »