Martin Bédard a annoncé sa retraite de la Ligue canadienne de football (LCF) le 1er juillet, sans grande fanfare. Une journée où l’attention des gens est plus souvent portée vers leur barbecue que les manchettes. Bref, un scénario tout à fait à son image.

On dit parfois que dans une équipe de football, le spécialiste des longues remises est un joueur qu’on ne remarque jamais, à moins qu’il ne soit pas en uniforme. Bédard aura été la preuve vivante de cet adage tout au long de ses 11 saisons avec les Alouettes : ses rares absences ont eu un impact flagrant sur la performance des unités spéciales. On réalisait alors toute l’importance de son travail de l’ombre.

« Des fois, j’aurais voulu qu’il y ait plus d’yeux sur moi. Mais je suis assez discret dans la vie, et j’étais très gêné plus jeune. Je ne suis pas une personne qui veut absolument avoir les projecteurs sur lui », a expliqué Bédard au cours d’une généreuse entrevue avec La Presse.

Renoncer à son sport n’est jamais facile, cela va de soi. D’autant que Bédard, 37 ans, avait signé un nouveau contrat avec les Oiseaux au début de l’année dernière. Il admet toutefois que l’annulation de la saison 2020 de la LCF a précipité sa réflexion.

[L’annulation de la saison] a changé la stratégie de plusieurs équipes à l’égard de leur personnel, de même que la vision de plusieurs joueurs. Cela nous a forcés à réaliser qu’on était capables d’être fonctionnels même sans avoir le football dans notre vie.

Martin Bédard

Pour Bédard, retraite et inactivité seront tout sauf des synonymes. D’une part, il continuera son travail de conseiller financier au sein de l’Industrielle Alliance, amorcé il y a trois ans. Et depuis déjà près de cinq ans, il s’affaire à sensibiliser la population aux bienfaits du recyclage de l’eau. Il tente notamment de convaincre des promoteurs immobiliers et des municipalités d’inclure des systèmes destinés à cet effet dans leurs nouveaux édifices.

« C’est très méconnu comme domaine, souligne-t-il. Beaucoup de gens veulent être le plus écologiques possible, mais personne ne pense à recycler l’eau. Peut-être parce qu’il y a tellement d’eau douce au Québec, on y pense moins. »

Un mentor apprécié

Sur le terrain, sa constance et son efficacité ont fait de Bédard un atout précieux. Mais c’est peut-être grâce à son rôle de mentor et de personne-ressource auprès de ses coéquipiers que l’ex-numéro 37 est véritablement devenu un pilier du nid des Alouettes.

« J’ai toujours aimé le travail d’équipe, l’entraide. J’ai aimé avoir ce rôle. D’appuyer, d’informer, de donner un coup de pouce. J’ai toujours voulu aider », raconte-t-il.

Sa grande résilience lui a aussi attiré le respect de ses pairs. Car l’adversité, la vraie, Bédard la connaît trop bien. Ses deux parents ont succombé au cancer, et son frère a perdu l’usage de ses jambes à la suite d’une intervention chirurgicale liée, encore là, à une tumeur cancéreuse.

Le genre d’épreuves capables d’achever le moral de n’importe qui. Bédard y a plutôt puisé une force insoupçonnée. « Ce que ça a dû provoquer, c’est le pouvoir de compartimenter », décrit-il.

Je suis un être pas mal sensible, et un des défis d’un athlète professionnel est de ne pas se laisser distraire par les choses qui arrivent dans la vie. Ce pouvoir-là m’a permis de bien performer malgré tout.

Martin Bédard

Prêt à revenir

Bédard se consacrera désormais à plein temps à sa carrière et à sa transition hors du sport. Ne serait-ce que pour prouver à ceux qui pourraient en douter qu’il est bien plus qu’un joueur de football. Mais toujours dans le but « d’aider les gens », cette fois avec leurs finances, précise-t-il.

Il n’exclut pas la possibilité d’un retour au jeu, cela dit. Loin de là.

En annonçant sa retraite avant l’ouverture du camp d’entraînement, il a donné la possibilité aux Alouettes de le rappeler en cas de besoin. Autrement, il lui aurait été impossible de réintégrer le club durant la saison.

« Danny [Maciocia, directeur général des Alouettes] m’a demandé cinq fois si j’allais répondre au téléphone s’il m’appelait. Je lui ai dit oui », raconte Bédard.

Qui sait, autant Bédard s’est retiré sous le radar, autant pourrait-il revenir par la grande porte.