Un porteur de ballon qui prend sa retraite au milieu de la vingtaine, cela n'a rien d'anormal dans la NFL. Les blessures sérieuses et l'érosion rapide des habiletés sont plus la règle que l'exception à cette position.

Certains demis offensifs choisissent toutefois de mettre un terme à leur carrière même s'ils pourraient la poursuivre et connaître du succès - le grand Barry Sanders étant l'exemple le plus connu. Sanders a accroché ses crampons au sommet de sa gloire et de son art, en 1999. Même s'il avait déjà 31 ans, Sanders avait récolté 1491 verges au sol lors de la saison précédente.

Rashard Mendenhall possédait tous les outils pour connaître une très belle carrière dans la NFL. Il était explosif (4,45 secondes dans l'exercice des 40 verges au camp d'évaluation); ses qualités de receveur et de bloqueur étaient supérieures à la moyenne; et il avait le gabarit idéal pour un porteur de ballon, car il pouvait courir en puissance grâce à son poids (225 livres), mais son centre de gravité était bas en raison de sa taille (5'10).

Lors de sa seule saison comme demi offensif partant à l'Université de l'Illinois, en 2007, Mendenhall a marqué 19 touchés, ce qui a convaincu les Steelers de Pittsburgh de le sélectionner au 23e rang du repêchage quelques mois plus tard.

Compte tenu du talent, de la polyvalence et de la robustesse de Mendenhall, les Steelers croyaient sûrement avoir trouvé un porteur de ballon qui suivrait les traces de Franco Harris et de Jerome Bettis. Le scénario ne s'est pas tout à fait déroulé comme prévu.

Un intellectuel

Moins de six ans après avoir été repêché, Mendenhall a pris sa retraite à l'âge de 26 ans, il y a deux semaines. Il a signé un blogue intitulé «Pourquoi j'ai pris ma retraite à 26 ans» sur le site huffingtonpost.com afin d'en faire l'annonce.

«J'ai décidé de ne pas faire de conférence de presse car je ne voulais pas être obligé de dire des clichés. J'en ai assez dit pendant ma carrière», a écrit Mendenhall au début de son texte.

C'était une bonne façon pour Mendenhall de tirer un trait sur sa première carrière et de commencer sa deuxième. L'ancien porteur de ballon veut maintenant se consacrer au monde des lettres et écrire des livres.

Il n'est pas étonnant que Mendenhall se soit retiré aussi tôt du football professionnel. On a toujours senti qu'il ne cadrait pas bien dans une ligue où la culture est en bonne partie un mélange de bravade et de testostérone.

Et il n'est pas plus étonnant qu'il ait choisi de se tourner vers l'écriture. J'ai interviewé Mendenhall dans les jours qui ont précédé le 45e Super Bowl, il y a un peu plus de trois ans, à Dallas. Il m'avait notamment parlé de son amour pour la littérature. Je l'avais décrit comme «un intellectuel» dans mon texte, ce qui n'avait sûrement pas manqué d'en faire sourire quelques-uns...

Le début de la fin

Curieusement, Mendenhall a connu ses meilleurs moments dans la NFL dans les semaines qui ont précédé ce 45e Super Bowl. Il a probablement disputé le meilleur match de sa carrière en finale de la conférence Américaine, permettant du coup aux Steelers d'éliminer les Jets de New York et d'accéder au Super Bowl.

Mais c'est précisément lors de cette finale contre les Packers de Green Bay que la carrière de Mendenhall a commencé à piquer du nez. Alors que les Steelers semblaient en voie d'effacer un déficit de 18 points, Mendenhall a commis un échappé qui a redonné le «momentum» aux Packers pour de bon. Les Steelers se sont finalement inclinés, 31-25, et plusieurs partisans du club ne lui ont jamais pardonné d'avoir perdu le ballon à un moment-clé.

Lors du dernier match de la saison suivante, Mendenhall s'est déchiré le genou droit. Il n'était plus aussi explosif à partir de la saison suivante, en 2012, sa dernière à Pittsburgh. Mike Tomlin, entraîneur-chef des Steelers, l'a envoyé sur le banc en fin de saison. Mendenhall a décidé de rester chez lui au lieu d'affronter les Chargers, la semaine suivante. Les Steelers l'ont suspendu, et il ne restait plus qu'à se souhaiter bonne chance et au revoir.

Ben Laden et Twitter

Mendenhall a été vertement critiqué pour son absence lors du match contre San Diego, mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'il avait vécu en mai 2011.

Alors que l'Amérique entière jubilait après l'annonce de la mort d'Oussama ben Laden, Mendenhall s'est plutôt demandé «quel genre de personne célébrait la mort?»... sur Twitter. Il en a également profité pour faire savoir qu'il avait des doutes quant à l'origine des attentats du 11 septembre. Ce n'était pas l'idée du siècle, non.

Encore moins lorsqu'on sait que le propriétaire des Steelers, Dan Rooney, était l'ambassadeur des États-Unis en Irlande à cette époque. Mendenhall a tenté de clarifier ses propos dans les jours qui ont suivi, mais le mal était fait.

On pourra accuser Mendenhall de plusieurs choses, mais certainement pas de conformisme. C'est un aspect de sa personnalité qu'on a d'ailleurs découvert dès le début de sa carrière. Après avoir subi une blessure à une épaule, gracieuseté de Ray Lewis, lors de sa première saison, Mendenhall a profité de son temps libre pour suivre des cours de danse.

«En raison de mon intérêt pour la danse, les arts et la littérature, de ma nature plutôt calme, et du peu d'intérêt que je porte aux événements sportifs sur mon compte Twitter, les gens du monde du sport se sont parfois demandé si j'aimais vraiment le football. Oui, et je l'ai toujours aimé», a écrit Mendenhall dans son blogue sur le huffingtonpost.com.

Des millions sur la table?

Afin d'expliquer sa retraite, Mendenhall a soutenu qu'il n'avait plus rien à accomplir au football, ce qui est discutable. On aura toujours l'impression qu'il n'a jamais atteint son potentiel sur le terrain.

Cela dit, l'athlète de 26 ans laisse-t-il vraiment passer l'occasion d'empiler les millions, comme l'estiment certaines personnes? Pas si sûr. Mendenhall a inscrit 8 touchés dans l'uniforme des Cardinals de l'Arizona la saison dernière, mais n'a récolté qu'une moyenne de 3,2 verges par course. D'une façon ou de l'autre, c'est un choix un peu moins déchirant lorsqu'on a déjà gagné plus de 15 millions comme lui.

Qui sait, Mendenhall fera peut-être partie de ces gens qui obtiennent plus de succès dans leur deuxième carrière. Mais en attendant la parution de son premier bouquin, on gardera le souvenir d'un joueur qui avait toutes les qualités pour être une étoile de son sport, sauf la plus importante: la passion.