Mis à part la vente de l'équipe, la mort de ses propriétaires ou un déménagement d'une ville à l'autre, la concession des Cardinals de l'Arizona - la plus vieille de la NFL - est presque totalement absente de l'histoire du football américain.

En retournant un demi-siècle en arrière, on s'aperçoit toutefois que les Cardinals, à Chicago ou à St.Louis, ont influencé de diverses façons l'histoire du football montréalais et des Alouettes.

 

1954 - Le directeur général des Alouettes est l'Américain Vic Obeck, un ancien garde des Cards qui en beurre grand à Montréal: le monsieur a sa propre émission de radio et a longtemps cumulé ses fonctions chez les «Zoiseaux» et celles de directeur des Sports de McGill (qui l'obligera à démissionner). Obeck - il a joué dans trois ligues aux États-Unis entre 1940 et 1946 - connaît tout le monde et s'avère un acteur de premier plan en cette époque de guerre ouverte avec la NFL. Les équipes du Big Four - Toronto, Hamilton, Ottawa, Montréal - viennent de porter à 10 le nombre de joueurs «importés».

De Montréal, l'envoyé du Chicago Tribune écrit d'ailleurs que l'on présente au Canada «du football professionnel de haut niveau, de qualité comparable au jeu qui se pratique aux États-Unis.» Ou mieux... Cette saison-là, sa troisième, Sam Etcheverry, le jeune quart-arrière (américain) des Alouettes, attaque le livre des records du Big Four avec la même détermination qu'il dissèque les défenses adverses: par exemple, «The Rifle» cumulera 586 verges par la passe - un record absolu qui tiendra 39 ans - dans un match contre Hamilton, au stade Molson.

Le réseau américain NBC diffuse souvent les matchs des Alouettes, l'équipe la plus explosive du football nord-américain. Le samedi après-midi, les cotes d'écoute sont excellentes à Chicago, surtout dans la partie sud, fief des Cards, parents pauvres d'une ville de football depuis toujours dominée par les Bears du «North Side». En 1954, les Cards affichent encore le pire dossier de la NFL (2-10), et se cherchent un quart.

Et peut-être une ville...

Etcheverry avec les Cards

À la fin de la saison, le quotidien Ottawa Citizen rapporte que Lew Hayman, qui avait fondé les Alouettes avec Léo Dandurand en 1946, est à mettre sur pied un groupe qui transférerait une équipe de la NFL à Montréal; la rumeur - il y en aura des dizaines de même nature au cours du demi-siècle suivant - évoque la venue des Redskins de Washington et des Cards de Chicago.

En novembre, bien que largement favoris, les Alouettes subissent la première de trois défaites d'affilée à la Coupe Grey aux mains des Eskimos d'Edmonton; l'équipe de l'Ouest est dirigée par Frank «Pop» Ivy, ancien ailier vedette des Cards et membre de l'équipe championne de 1947, le seul véritable titre de l'histoire des Cardinals de Chicago, faut-il le rappeler (les Alouettes, qui menaient, perdent le match sur une bévue historique du demi Chuck Hunsinger, un ancien des Bears).

Janvier 1955 - La guerre NFL-Canada atteint son paroxysme: le mardi 4, Sam Etcheverry signe un contrat avec les Cards à Chicago... et en signe un autre avec les Alouettes, le lendemain à New York. L'imbroglio est total. Les Cards en appellent à la cour, mais l'affaire se règle quand le Big Four annonce que ses équipes n'embaucheront plus de joueurs sous contrat avec des équipes de la NFL. Espérant que le commissaire Bert Bell exige la même chose de ses 12 équipes.

Le «Rifle», lui, jouera avec les Alouettes jusqu'en 1960, saison après laquelle il sera échangé aux Tiger Cats avec Hal Paterson, un des plus grands receveurs de passes de l'histoire. Montréal est en émoi. Paterson ira à Hamilton, mais Etcheverry, évoquant une clause de son contrat qui interdisait aux Alouettes de l'échanger, se déclarera joueur autonome et réalisera son rêve de jouer dans la NFL Le 13 janvier 1961, le recordman du football canadien signe un (autre) contrat avec les Cards de St.Louis, qui avaient quitté Chicago un an plus tôt. Le coach des «nouveaux» Cards? «Pop» Ivy, qui démissionnera avec deux matchs à jouer. Les Cards finissent quand même à 7-7, mais Etcheverry, avec seulement 49% de passes complétées en sept matchs, n'a convaincu personne. Après quatre matchs en 1962, il sera remplacé définitivement par Charley Johnson avant d'aller finir sa carrière à San Francisco.

L'enfant chéri reviendra à Montréal en 1964 pour diriger l'équipe de la ligue Continentale nommée en son honneur; les Rifles du Québec joueront un an (au stade Delorimier) avant de déménager à Toronto, Etcheverry restera dans la Métropole et, en 1970, comme entraîneur-chef, mettra fin à la pire décennie de l'histoire du sport montréalais en menant les Alouettes, ses Alouettes, à la conquête de la Coupe Grey.

Dimanche, dans sa retraite de North Hatley, Sam Etcheverry aura bien des raisons de souhaiter la victoire des Cards, de ses Cards. L'une d'elles est que le «Rifle» vient du Nouveau-Mexique, l'État voisin de l'Arizona...