(Orléans, France) Les coureurs français de Total Direct Énergie sifflaient des bières au bar en écoutant les anecdotes d’époque de leur manager Jean-René Bernaudeau, samedi soir, dans un hôtel en périphérie d’Orléans, à deux heures au sud de Paris.

À 24 heures de la fin du 109Tour de France, l’heure était à la détente chez les coéquipiers de Peter Sagan, dont les ambitions doivent être modestes pour le sprint massif attendu sur les Champs-Élysées, dimanche soir.

Par contraste, le masque est toujours de rigueur chez Israel-Premier Tech (IPT), qui n’a pas été épargné par la COVID-19 avec les retraits forcés de Chris Froome et de Simon Clarke, vainqueur d’étape sur les pavés d’Arenberg en première semaine. Le Canadien Michael Woods est malade, même si les tests de dépistage sont négatifs jusqu’ici.

FOURNIE PAR ISRAEL-PREMIER TECH

Michael Woods s’échauffe avant le contre-la-montre de samedi.

Guillaume Boivin n’avait pas eu le temps de se doucher quand il s’est assis pour une entrevue dans la salle à manger, un peu plus tôt.

Après le chrono final à Rocamadour, remporté par nul autre que Wout van Aert, le Longueuillois d’origine a sauté dans une voiture d’équipe pour se taper les quatre heures de route le séparant d’Orléans. « Le déplacement a été pas mal plus dur que le contre-la-montre », a soupiré Boivin, 109e de cette 20e et avant-dernière étape.

Appelé à la dernière minute après un cas de COVID-19 chez un coéquipier, arrivé au grand départ de Copenhague sans sa valise et ses trois vélos, Boivin a connu un deuxième Tour très difficile sur le plan sportif.

« Ce n’était pas le fun pour moi, a-t-il admis. Une chance que les gars ont fait un bon Tour. Ça donne le moral. Moi, je n’ai pas pris beaucoup de plaisir. »

Quand tu n’as pas les jambes pour faire quoi que ce soit, c’est un peu plate. Bon, c’était ça, la situation. J’espère avoir la chance de faire un troisième Tour pour prendre ma revanche.

Guillaume Boivin

Quelques facteurs expliquent cette méforme. À la demande de son équipe, désespérément à la recherche de points UCI, Boivin a abrégé un stage en montagne pour participer à des courses en Belgique, plutôt que de s’aligner sur le Critérium du Dauphiné. L’enchaînement des épreuves l’a empêché de s’entraîner adéquatement.

Très déçu de ne pas faire partie de la sélection initiale d’IPT, l’athlète de 33 ans s’est rendu aux championnats canadiens d’Edmonton, où il a fini deuxième. Rappelé en catastrophe, il est débarqué à Copenhague sans bagages, mais avec 4 kilos de plus que l’an dernier.

« C’est 10 livres de patates, a-t-il souligné. Ma préparation était à des années-lumière de celle de l’an passé. »

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Guillaume Boivin (droite) et Owain Doull (gauche) durant la 17e étape du 109e Tour de France

Heureusement, sa forme est allée crescendo. Il s’est même glissé dans une échappée à deux au pied du col d’Aspin, mercredi. « J’ai payé cher après. J’ai souffert, mais au moins, j’avais les jambes pour essayer quelque chose. »

Le lendemain, il a dû changer de vélo deux kilomètres après le début de l’étape vers Hautacam. Il s’est retrouvé avec trois gars lâchés par le peloton qui filait à 60 km/h, tandis que les commissaires ont fait un barrage. Impossible de revenir à travers les voitures de la caravane.

« Au pied de l’Aubisque, j’étais neuf minutes derrière le peloton, je pense. Là, j’ai eu peur que mon Tour se finisse, honnêtement. La limite [pour terminer dans les temps] était de 40 minutes ce jour-là. On a tous fait un contre-la-montre individuel jusqu’à la ligne. J’étais content d’avoir des jambes pas si mauvaises pour pouvoir survivre. »

« Extraordinaire », malgré tout

Malgré tout, Boivin est heureux d’avoir pu vivre l’effervescence « extraordinaire » au Danemark et le « moment incroyable » qu’a connu son ami Hugo Houle.

Sur le plan collectif, IPT, avec qui il évolue depuis presque le début en 2016, a connu une Grande Boucle au-delà des espérances.

À part les grandes armadas qui ont tout raflé, on peut être vraiment fiers de notre Tour. Deux victoires, trois troisièmes places, et on a été très souvent représentés dans les échappées qui vont au bout. C’est un Tour extraordinaire.

Guillaume Boivin

Boivin est « extrêmement motivé » pour la suite de la saison, qui comprendra des participations aux Grands Prix de Québec et de Montréal et un départ probable aux Championnats du monde de Wollongong, en Australie. « J’ai fait une belle course l’an dernier [17e à Louvain], mais je pense que je suis capable de plus. »

Sinon, il n’a toujours pas retrouvé valise et vélos perdus par Air Canada. « J’en ai un peu plein mon casque. Après un mois, tu t’attends à avoir des nouvelles. » Apparemment, sa monture de contre-la-montre est à Copenhague. Qui sait, il ira peut-être le récupérer lui-même puisqu’il doit prendre part au Tour du Danemark à la mi-août…