De son propre aveu, à ses débuts, Guillaume Boivin n’était « pas prêt du tout » pour le niveau qu’il allait affronter, notamment à ses premiers Championnats du monde juniors, où il n’a pas été en mesure de compléter le parcours. « Après les deux tiers, je pleurais sur le siège arrière du camion de l’équipe nationale. Je venais de me faire rincer. On pensait qu’on était bons en bicycle, mais on a réalisé qu’on avait des croûtes à manger. »

Plusieurs autres journées resteront gravées dans la mémoire du cycliste professionnel, mais une course ressort du lot, la 50e Ronde van Drenthe, présentée aux Pays-Bas, en 2012.

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Le cycliste Guillaume Boivin au Tour Bro Leon, en France, le 22 avril 2019.

Celui qui portait les couleurs de l’équipe SpiderTech à l’époque a chuté la veille et il a décidé de ne participer à cette course avant d’aller au lit. Mais à son réveil, il se sent plutôt bien et, malgré une préparation inadéquate, il décide de tenter sa chance afin d’aider ses coéquipiers.

C’est donc sans aucune pression que Guillaume Boivin entame le trajet de 195,5 km parsemé de pavés, ne se doutant pas des malheurs qui l’attendent. Perte de la batterie externe de son dérailleur, un vélo de rechange qui n’est pas le sien, crevaison avant; les tuiles ne cessent de tomber sur la tête du Montréalais, qui persévère quand même, en soutien à sa formation.

Frustré de tous ces imprévus, Boivin choisit d’attaquer et de donner le tout pour le tout, advienne que pourra. Il est finalement devancé par un boyau au sprint par le Néerlandais Bert-Jan Lindemann et terminera deuxième. Un scénario inimaginable pendant la course, mais dont il aura tiré une leçon.

Ça démontre que souvent, on se met bien trop de pression et quand on court sans pression, ça change la donne un peu.

Guillaume Boivin

La chaleur comme talon d’Achille

« J’en ai à la pelletée ! » a déclaré Antoine Duchesne lorsque questionné sur les pires courses de sa vie. Si pour plusieurs c’est la pluie, les vents ou la neige, le cycliste originaire de Saguenay craint surtout la chaleur. Le Tour d’Espagne 2018 est l’exemple idéal avec des températures avoisinant les 45° Celsius et des étapes très exigeantes.

Dès le jour 1, on peut avoir 3000 m de dénivelé. On monte des cols dans les terres, sans verdure, tout est brûlé, il n’y a pas de vent, t’es dans un sauna. L’asphalte est à 65° Celsius et le soleil tape. C’est l’enfer.

Antoine Duchesne

Les effets néfastes de la chaleur se font rapidement sentir chez le Québécois : fièvre, faiblesse, perte d’appétit... Tous les moyens sont bons pour faire descendre sa température corporelle. Glaçons dans les chaussettes et le cuissard, bain froid et vêtements allégés ne suffisent cependant pas.

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Antoine Duchesne avec l’Équipe Groupama-FDJ en 2018.

Jour après jour, Duchesne se demande s’il s’agit de sa dernière course. « Physiquement et mentalement, c’est vraiment tough », souligne-t-il. À la cinquième étape, il est complètement épuisé lorsqu’il apprend que son coéquipier chez Groupama-FDJ, Rudy Molard, met la main sur le maillot rouge.

« Quand j’entends ça durant la course, je sais que le lendemain, c’est moi qui vais devoir le défendre ! Je suis venu pour faire ce travail ! Pendant ce temps, j’ai du mal à tenir les mains sur mon vélo et mes yeux ferment tellement que je suis fatigué. »

L’équipe de Groupama-FDJ tente alors de remédier à la situation pour permettre à Duchesne de soutenir son coéquipier. Il avait ingurgité une pilule-thermomètre en début de journée afin de mesurer sa température et faciliter la récupération par la suite.

La stratégie aidera grandement le Québécois, qui réussira à bien dormir et à s’adapter. Il épaulera Molard pendant une semaine et se fera un nom dans le circuit après des jours pénibles. « On me félicitait d’avoir défendu le maillot seul dans un aussi grand tour. Les enfants criaient pour moi, qui étais champion canadien à l’époque. C’est un gros moment de ma carrière. »

Une erreur de jugement

« La patience durant les courses n’est pas une vertu chez moi », a admis la paracycliste Marie-Claude Molnar, qui course chez les C4. On le remarque lorsqu’elle raconte la course sur route des Jeux paralympiques de Rio, d’une distance d’environ 75 kilomètres.

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La cycliste paralympique Marie-Claude Molnar

« Ça allait bien au départ ! Je n’avais rien fait de particulier et j’étais en avance, raconte-t-elle. J’étais tellement concentrée à pédaler que je ne me suis pas rendu compte que nous étions seulement deux athlètes devant à distancer le peloton. »

Molnar tente alors d’accentuer son avance, parce qu’après tout, « je suis aux Jeux, tout se passe bien et je suis en forme. » Mais un petit détail a échappé a la Québécoise et la dernière partie du trajet va la ramener sur terre :

Les premiers 50 kilomètres étaient sur le plat, il n’y avait aucun problème ! Par contre, j’avais oublié qu’à la fin, c’est dans les montagnes que ça se passait ! Quand est venu le temps de grimper, j’ai manqué de gaz.

Marie-Claude Molnar

Marie-Claude Molnar s’est finalement retrouvée parmi les dernières compétitrices à compléter la course –de peine et de misère– course qui semblait pourtant sous contrôle à un certain moment.

« Quand ça s’est fini, j’étais en larmes, au bout de mon énergie. Ç’a été difficile et c’est entièrement de ma faute, mais j’en parle aujourd’hui et j’en ris plus qu’autre chose. Ça demeure une belle course et ç’a été vraiment le fun ! »

Le premier abandon

Au cours de leur carrière, les cyclistes connaissent plusieurs mauvaises journées au bureau et le premier abandon en fait partie.

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Léandre Bouchard, d’Équipe Canada, au sprint final d’une course au Mont Sainte-Anne, près de Québec le 31 août 2019.

Pour Léandre Bouchard, athlète en vélo de montagne, le tout est survenu à ses tout premiers Championnats du monde Élites, à Andorre.

« J’étais malade avec beaucoup de sécrétions dans la gorge et les voies respiratoires infectées, se souvient le cycliste originaire d’Alma. Ç’a été mon premier abandon à une course cycliste, mais je l’ai fait pour ma santé. Je n’étais pas moi-même dans la course qui, en plus, était présentée en altitude. »

Des conditions déjà difficiles qui peuvent marquer un sportif bien au-delà du résultat.

Un abandon, ce n’est jamais facile et des fois, je vois ça comme un signe de faiblesse.

Léandre Bouchard

D’autres sorties ont marqué Bouchard, lui qui est habitué de faire de très longues sorties de cyclotourisme sur la côte ouest-américaine. Il y a notamment ce tour complet du Lac Saint-Jean qui lui avait pris neuf heures à compléter alors qu’il était d’âge junior. « Le vent avait tourné et je l’avais eu de face pendant toute la journée ! » se remémore-t-il en riant.