Maghalie Rochette esquisse d’abord un sourire en recevant l’accolade de son ancienne coéquipière Kateřina Nash. Elle s’assoit ensuite dans l’herbe, lance le traditionnel « Hi, mom ! » à la caméra, puis place ses mains devant ses yeux. On devine quelques petites larmes de joie chez celle qui a remporté sa première victoire en Coupe du monde de cyclocross, samedi, à Iowa City.

« Autant je l’ai souvent imaginée dans ma tête, autant je n’y croyais pas quand c’est arrivé. C’est assez spécial, c’est beaucoup d’émotions », dit-elle à propos de cet instant qui marque aussi une première pour le cyclocross québécois.

Professionnelle depuis 2014, la coureuse de 26 ans (Specialized – Feedback Sports) a fait le choix de délaisser le vélo de montagne pour se concentrer uniquement sur le cyclocross. Elle voulait voir si elle était en mesure de rivaliser avec les meilleures au monde. Elle sentait aussi que son rêve de succès en Coupe du monde n’était qu’à quelques coups de pédales. Après tout, les signaux positifs se sont multipliés dans les dernières années.

« J’ai eu quelques moments qui me faisaient penser que c’était possible. J’ai terminé cinquième des Championnats du monde en 2017 et j’ai déjà obtenu une sixième place à une épreuve de Coupe du monde. Je savais que ce n’était pas tellement loin. Cet été, l’entraînement a bien été et les premières courses de la saison se sont aussi bien passées », raconte la double championne canadienne (2016 et 2018).

PHOTO WIL MATTHEWS, FOURNIE PAR MAGHALIE ROCHETTE

Maghalie Rochette franchit la ligne d’arrivée la première à Iowa City.

Cette bonne dynamique nous amène donc dans l’Iowa, sur un parcours qu’elle connaît et qu’elle apprécie. Ce n’est pas pour rien qu’elle l’avait encerclé comme le théâtre possible d’une grande première. Pour y parvenir, elle a dû surmonter une chute survenue dans la première portion de sable. Les différentes montées du Mt Krumpit, dont l’inclinaison oblige les coureurs à porter leur vélo, lui ont permis de faire la différence.

« J’ai fait quelques erreurs qui auraient pu me coûter cher, mais j’ai bien réagi. J’ai perdu des positions chaque fois. Je me suis dit : “Reste calme, c’est correct, retourne en avant.” »

Ç’a été serré du début à la fin, mais j’ai gagné. Le plus beau côté, c’est de le partager avec tous ceux qui m’ont soutenue dans mon parcours.

Maghalie Rochette

Et que se passe-t-il lorsque l’on gagne finalement ? La messagerie explose. Jointe 48 heures plus tard, sur la route entre l’Iowa et le Wisconsin, où aura lieu la prochaine épreuve de Coupe du monde, elle avoue d’ailleurs ne pas avoir pu répondre à tous les messages qu’elle a reçus. Dans la voiture conduite par son conjoint-entraîneur-mécanicien, David Gagnon, le ton s’était teinté de pragmatisme.

« Dans le fond, il n’y a rien qui change vraiment après une victoire. La vie continue et c’est important de continuer à faire les petites choses qui m’ont permis de me rendre là. Par contre, ce qui est satisfaisant, c’est que ça me donne de la confiance pour les prochaines courses. Ça m’ouvre un autre monde de possibilités. »

PHOTO WIL MATTHEWS, FOURNIE PAR MAGHALIE ROCHETTE

Sur le podium d’Iowa City : la Tchèque Katerina Nash (deuxième), la Québécoise Maghalie Rochette (gagnante) et l’Américaine Clara Honsinger (troisième)

Entre la Coupe du monde et les épreuves de catégories C1 ou C2, elle a maintenant remporté les quatre épreuves de cyclocross auxquelles elle a participé cette année. Dans l’immédiat, son objectif est de défendre son maillot de meneuse du classement de la Coupe du monde. À moyen terme, elle vise une bonne place aux Championnats du monde en février. Sa saison comporte une vingtaine de dates dont une grande portion en Europe à partir de la mi-novembre.

« Le calendrier est chargé, mais ça se fait bien. C’est toujours un défi de continuer à s’entraîner et de rester en santé avec tous les déplacements. Avec l’expérience et les années, on trouve des trucs. Je suis confiante, ça devrait bien aller. »

Un choix payant

Lors des saisons précédentes, Maghalie Rochette devait jongler avec les saisons de vélo de montagne et de cyclocross. À l’automne, elle arrivait donc avec un niveau de fatigue qui l’empêchait d’avoir les performances souhaitées.

Elle a vu une grande différence à ce chapitre, cette année, en se concentrant sur le cyclocross. « C’est le fun de voir que la décision en valait la peine et que le travail paie. Je vois surtout une différence dans le voyagement. Avant, je courais presque 12 mois par année. Avec toutes les compétitions, j’avais moins le temps de faire des périodes d’entraînement spécifiques au cyclocross. J’avais toujours l’impression d’être à 80 %. Je me suis plus entraînée et mieux préparée cette année. »

Rappelons que les courses de cyclocross se déroulent sur des circuits fermés dont chaque boucle varie entre 2,5 et 3,5 km. Les coureurs composent avec différentes surfaces, comme le gazon, le sable ou la boue, ainsi que des obstacles qui les obligent à descendre de leur vélo pour le porter.