Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'est entretenue avec François Dumontier, promoteur du Grand Prix du Canada à Montréal.

1 Nous sommes à une semaine du Grand Prix dans le contexte que nous connaissons (menace de manifestations, Anonymous, etc.). Êtes-vous stressé?

Non, pas trop [rires]. L'organisation d'un Grand Prix, c'est déjà du stress. Il faut parfois pallier toutes sortes de trucs externes. Dans le passé, on a vécu des grèves - le métro, les pompiers, etc. Ce sont peut-être des situations moins extrêmes, mais le Grand Prix était une cible.

2 Que vous disent vos clients et vos partenaires à propos de la situation à Montréal?

Il y a une inquiétude de la part de certains clients qui ne seront pas ici cette année parce qu'ils avaient une crainte de venir à Montréal. Je n'ai pas eu beaucoup de questions de la part des autres clients d'affaires et des commanditaires. Les gens espèrent que leur fête ne sera pas dérangée. Il y a des gens qui économisent des sous toute l'année pour pouvoir se payer des billets pour le Grand Prix, c'est comme un pèlerinage.

3 Que répondez-vous aux gens qui manifestent leur inquiétude devant ce qui pourrait se produire durant le Grand Prix?

On ne peut pas nier qu'il se passe quelque chose à Montréal, mais ce qui a été véhiculé dans les médias étrangers, c'est toujours la même chose: des images sensationnelles avec des cocktails Molotov qui explosent et un policier qui frappe quelqu'un... J'essaie de rassurer les gens qui me posent des questions à ce sujet. Il y a des gens de la F1 qui sont arrivés depuis quelques jours déjà et personne ne m'en a parlé.

4 Avez-vous communiqué avec les associations étudiantes?

Non, aucunement. Ça ne m'a pas traversé l'esprit de le faire.

5 Le premier ministre dit qu'il trouve la situation actuelle dommage pour Montréal et les Montréalais. En tant que promoteur, trouvez-vous que ce gouvernement en fait suffisamment pour régler la crise et assurer le retour de la paix sociale dans la métropole?

Sans dire qu'ils en font assez ou non... je pense qu'il y a certaines personnes qui ne réalisent pas que ça frappe plus de monde qu'on peut l'imaginer. Dans la chaîne alimentaire, ça touche beaucoup de gens, du propriétaire d'établissement aux petits salariés qui, bien souvent, sont des étudiants avec la saison estivale qui s'amorce. Il y a peut-être quelqu'un qui devrait réaliser que c'est une crise sociale avec un impact économique important. Pour en avoir discuté avec certains ministres du cabinet, cela dit, je pense qu'ils en comprennent bien la portée.

6 À la suite de l'attaque et des menaces d'Anonymous, que faites-vous pour rassurer vos clients qui craignent de voir leurs renseignements personnels être diffusés sur un site internet?

La première chose qu'il faut dire pour rassurer nos clients et nos futurs clients qui peuvent encore acheter des billets cette semaine, c'est qu'Anonymous n'a pas frappé le site officiel du Grand Prix, mais bien le site d'un revendeur européen situé à Monaco. Depuis, nous sommes en état d'alerte parce que c'est peut-être ce qui me fatigue le plus dans tout ça, cette menace d'Anonymous. C'est quelque chose qu'on ne contrôle vraiment pas, on ne sait pas quand ils vont frapper. Nos techniciens informatiques et nos équipes sont à pied d'oeuvre pour s'assurer que nos sites sont corrects et ceux de nos sous-traitants aussi. Nos serveurs ne sont pas entreposés ici, ils sont ailleurs. Jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de problèmes.

7 Est-ce difficile, dans le contexte actuel, d'aller sur la place publique demander les fonds nécessaires pour réaliser les rénovations exigées par Bernie Ecclestone?

La coïncidence n'est pas la meilleure, mais il faut regarder le Grand Prix au-delà du conflit actuel. On a un contrat valide jusqu'à la fin de 2014 et on a entamé certaines discussions déjà pour le prolonger jusqu'en 2024. Il faut se rappeler ce que le Grand Prix apporte à l'économie montréalaise et québécoise. Avec les interlocuteurs que nous avons aujourd'hui à tous les ordres de gouvernement, disons que le dossier suit son cours, mais ce n'est pas quelque chose qui va se faire demain matin.

8 Qu'est-ce qui fait la particularité du Grand Prix du Canada aux yeux des étrangers?

Ce qu'ils aiment le plus habituellement, c'est la sécurité de la ville... C'est aussi l'accueil des Montréalais et des Québécois. C'est la facilité de circuler, de pouvoir aller dans les bons restos. Pour un pilote de Formule 1, se promener à Montréal incognito, c'est possible. Un Michael Schumacher qui marche seul en Europe, c'est à peu près impossible.

9 Qu'allez-vous faire pour resserrer la sécurité la semaine prochaine?

On ne dévoilera pas les détails, mais on a déjà un plan de sécurité assez détaillé parce qu'on est un événement international. On sait par expérience que les Grands Prix sont parfois la cible de manifestants, et pas seulement les étudiants. On a donc resserré la sécurité, revu certains points qui pouvaient être plus vulnérables et, depuis plusieurs semaines, on travaille étroitement avec les services d'ordre. Je pense qu'avec eux, on est prêts à plusieurs éventualités. On veut protéger le caractère festif du Grand Prix. C'est une fête et on veut que notre clientèle puisse vivre le Grand Prix.

10 Plusieurs personnes critiquent les valeurs véhiculées par la Formule 1: les «poupounes», l'argent, le bling-bling, etc. Que répondez-vous à cela?

À propos du sexisme et des poupounes, je vous dirai qu'il y aura toujours des belles filles qui assisteront à des événements comme le nôtre. Mais pour ce qui est de la F1, c'est de moins en moins vrai. Peter Sauber a confié la direction générale de son équipe à une femme. Il y a des ingénieures dans la majeure partie des équipes maintenant. Et c'est sans compter celles qui travaillent au marketing et aux communications ainsi que toutes les femmes journalistes qui couvrent l'événement. Évidemment, il y a des belles femmes dans les gradins, mais ne dit-on pas que Montréal est reconnu pour ses belles femmes?

TWITTER +1 de Olivier Hernandez @zygo1234

Est-ce que l'empreinte écologique du GP vous tient à coeur?

Depuis 10 ans, la F1 est carboneutre. La mécanique est tellement performante que le carburant est brûlé à l'intérieur de la voiture, il n'y a presque rien qui sort. Certaines portions du moteur seront bientôt électriques et il y a déjà un système de récupération de chaleur qui procure à la voiture un boost de performance.

Je vais vous faire un parallèle: 24 voitures de F1 qui roulent pendant une heure et demie polluent moins qu'un seul autobus nolisé pour des manifestants [sourire]. Et à partir de 2014, la Fédération internationale de l'automobile va imposer une restriction sur le nombre de cylindres des moteurs. Il y aura donc une réduction des gaz et du bruit. Et c'est sans compter que nous sommes l'un des événements montréalais qui récupèrent le plus.