Un an après le soulèvement populaire qui a forcé les autorités de Bahreïn à annuler la tenue du Grand Prix de Formule 1, la course automobile se retrouve encore une fois au centre d'une lutte de pouvoir dans le royaume.

Les manifestants qui veulent briser l'emprise de la monarchie sunnite sur le pays ont lancé une campagne contre l'événement. Ils ont organisé des rassemblements à travers l'île, affiché des pancartes contre la Formule 1 et critiqué le responsable de la course et les pilotes sur les réseaux sociaux.

Les dirigeants du royaume sont déterminés à organiser la course le 22 avril pour montrer des signes de stabilité, près de 14 mois après le début du soulèvement populaire déclenché par la majorité chiite, qui réclame plus de droits et des possibilités égales à celles de la minorité sunnite.

Mais les partisans de l'opposition sont aussi déterminés à gâcher la fête qu'à attirer l'attention sur leurs revendications.

«Nous ne voulons pas de Formule 1 dans notre pays», a dit un manifestant, Ali Mohammed, lors d'une récente manifestation contre le Grand Prix à Manama, la capitale. «Ils nous tuent chaque jour avec des gaz lacrymogènes. Ils n'ont aucun respect pour les droits de la personne et la démocratie. Pourquoi devrions-nous garder le silence?»

«Tous ceux qui viendront à Bahreïn pour la Formule 1 ne sont pas les bienvenus», a renchéri Fatima Mohamed, une manifestante âgée de 19 ans qui filme les affrontements entre les protestataires et les forces de l'ordre. «Notre gouvernement est brutal et dirigé par une famille cupide, qui ne se soucie que du pouvoir et de l'argent, et pas de son peuple.»

Des organisations de défense des droits de la personne ont aussi critiqué la décision de la Fédération internationale de l'automobile d'organiser une course à Bahreïn cette année.

Le prince héritier Salman bin Hamad Al Khalifa possède les droits du Grand Prix et est aussi commandant des forces armées du royaume. Même si le Grand Prix est le principal événement international du pays, plusieurs Bahreïniens le considèrent comme un projet vaniteux de leurs dirigeants.

La course a été annulée l'an dernier après que les autorités eurent imposé la loi martiale et lancé une violente répression contre les dissidents. Au moins 50 personnes ont été tuées et des centaines d'autres ont été jugées pour des crimes contre l'État, dont une centaine d'athlètes, d'entraîneurs et de responsables du milieu sportif. Des dizaines d'entre eux ont été condamnés à la prison, dont un militant des droits de la personne qui purge une peine de prison à vie pour son rôle dans le soulèvement.

Le militant, Abdulhadi al-Khawaja, est en grève de la faim depuis plus de 50 jours. Des militants de l'opposition se rassemblent chaque jour pour réclamer sa libération et brandissent souvent la photo du militant avec des affiches appelant à l'annulation du Grand Prix.

Des groupes de défense des droits de la personne ont prévenu les autorités bahreïniennes que le militant pourrait mourir, et ont appelé les personnes liées à la course à s'en dissocier.

«Il est impossible d'imaginer que le Grand Prix ait lieu si Abdulhadi al-Khawaja meurt en prison pendant sa grève de la faim», a déclaré Mary Lawlor, directrice de l'organisation irlandaise Front Line Defenders. «Les autorités bahreïniennes veulent clairement montrer que les choses se déroulent normalement, mais leur apparente indifférence au sort d'Abdulhadi risque d'avoir des conséquences tragiques.»