Les derniers essais hivernaux ont pris fin dimanche à Barcelone. Les écuries ont vidé le paddock, les pilotes sont rentrés chez eux et tous sans exception ont eu une petite pensée pour l'Australie, où ils iront dans deux semaines trouver des réponses à la question qu'ils se posent depuis des jours: sommes-nous rapides?

«La voiture va bien. Maintenant, sommes-nous les plus rapides, les deuxièmes parmi les plus rapides, ou pas rapides du tout? Je ne le sais pas», a avoué samedi le pilote Jenson Button, de McLaren.

Celui qui a peut-être le mieux résumé l'incertitude dans laquelle est plongé le peloton est le Français Romain Grosjean: «Pour vous dire avant Melbourne si ma voiture est plus rapide que les autres, la seule manière serait de les conduire toutes. Après, je pourrais vous le dire», a illustré le pilote de Lotus.

Une telle expérience n'est bien sûr pas possible, car les équipes gardent les secrets de leur monoplace avec une manie qui nourrit la spéculation. Red Bull en a fait la preuve samedi, la veille de la fin des essais, avec l'introduction de changements draconiens à sa RB8, déjà réputée la plus vite du peloton.

Le pilote Mark Webber a eu beau répéter qu'il s'agissait «de petits ajustements», le mot a rapidement circulé: Red Bull avait changé son châssis et modifié radicalement l'échappement.

La fébrilité suscitée par cette nouvelle démontre à quel point l'écurie reste le point de référence, l'équipe à battre avant le début de la saison. Après 12 jours d'essais en Espagne, la double championne en titre semble avoir pris le haut de la hiérarchie provisoire. Elle est suivie de McLaren, de Mercedes et de Lotus. Ferrari? Elle n'a rien démontré qui vaille.

Si Red Bull est consciente d'être favorite, son directeur ne tient rien pour acquis. «C'est trop tôt pour juger de la voiture. On en saura davantage à Melbourne, car les équipes en profitent toujours pour apporter des ajustements avant cette course», a rappelé Christian Horner.

L'homme à la barre de l'écurie nous a rencontrés dans une des caravanes de Red Bull. De taille moyenne, l'air résolu, l'ancien pilote de 37 ans a répondu aux questions de La Presse pendant que des membres de son équipe s'activaient nerveusement tout autour, mus par le stress inhérent à la F1 et peut-être aussi par ces canettes de boisson énergisante qui traînaient un peu partout.

«Oui, je suis conscient que les équipes nous regardent. C'est une bonne chose et ça démontre que l'on fait un bon travail, a-t-il lâché. La motivation n'a jamais été aussi haute chez Red Bull.»

Cette peur qu'inspirent Red Bull et sa monoplace persiste en dépit de chronos très moyens lors des essais. Jenson Button reflète l'opinion répandue dans le paddock voulant que les favoris aient maquillé sciemment les performances de la RB8, pour ne pas alerter la compétition.

«Comme d'habitude, Red Bull ne veut pas montrer ses cartes et je crois qu'ils roulent avec beaucoup d'essence. On ne sait pas combien, alors autant ne pas s'en occuper et se concentrer sur notre voiture», a dit Button, qui indique que sa McLaren s'est beaucoup améliorée par rapport à l'année dernière, lorsque l'écurie a fini deuxième.

Lotus veut créer la surprise

Les résultats décevants de Red Bull dimanche, à la dernière journée d'essais, ne devraient pas changer grand-chose à cette perception. Sebastian Vettel n'a été en mesure de boucler que 23 petits tours avec la monoplace remaniée. La veille, son coéquipier Webber n'en avait fait que 70.

C'est le vétéran Kimi Raikkonen qui a réussi le meilleur temps, dimanche. Le Finlandais, qui retourne à la F1 après deux ans d'absence, clôt ainsi une semaine faste pour Lotus, qui a vu son autre pilote, Romain Grosjean, tout en haut du classement jeudi et vendredi. L'écurie a fini cinquième l'année dernière au Championnat des constructeurs et vise cette année le quatrième rang, une progression qui semble réaliste au vu des essais. Quelle équipe ferait les frais de cette progression? Mercedes? Ferrari?

«Ce qui devient de plus en plus évident, c'est qu'il y a cinq ou six équipes plus proches les unes des autres que ce que nous avons vu depuis de nombreuses années», a résumé le directeur de Mercedes, Ross Brawn.

Et elles attendent toutes le Grand Prix d'Australie, qui aura lieu le 18 mars, pour pouvoir enfin en découdre.