Quand on est journaliste, le jeudi est toujours la meilleure journée pour parler aux pilotes lors d'un week-end de Grand Prix. Toutes les équipes organisent des conférences et obligent leurs pilotes à répondre aux questions.

Deux semaines après l'accrochage des deux Red Bull au Grand Prix de Turquie, les stratégies d'équipes étaient évidemment au coeur des débats, hier, dans les paddocks du circuit Gilles-Villeneuve. Et si les directeurs d'équipe prônaient la prudence - même si tous assuraient qu'il n'y aurait pas d'ordre formel en ce sens -, les pilotes, eux, n'ont pas caché leurs intentions.

 

La guerre est bel et bien déclarée en F1 et pour la plupart des pilotes de pointe, le premier ennemi est celui qui pilote la même voiture qu'eux!

Les cinq premiers du Championnat du monde ont répondu à cette question: «Si vous vous retrouvez en position de tenter un dépassement sur votre coéquipier au bout de la ligne droite, dimanche, le ferez-vous?»

Vous devinez leurs réponses?

Mark Webber, Red Bull, premier avec 93 points

«Je n'hésiterai pas un instant! Nous sommes des pilotes de course et nous sommes payés pour obtenir le meilleur classement possible. C'est évident que nous retrouverons encore, Sebastian (Vettel) et moi, dans des situations comme celles que nous avons connues en Turquie et ce sera à nous de faire en sorte que le résultat soit différent.

«Mais cela ne m'empêchera pas de défendre ma position ou de l'attaquer si c'est lui qui est devant. Et je sais qu'il fera la même chose... Fondamentalement, courir contre Sebastian (Vettel) ou contre Karun Chandhok (pilote de l'équipe HRT) est la même chose. Il faut faire preuve de jugement et choisir le bon endroit pour passer. Il faut considérer les risques et prendre la bonne décision.

«Et il ne faut pas oublier l'équipe. C'est ce qui m'a le plus attristé en Turquie, d'avoir sabordé les efforts de toute l'équipe.»

Jenson Button, McLaren, deuxième avec 88 points

«Nous nous sommes déjà affrontés en piste, Lewis et moi, et nous le ferons sûrement encore dans les prochaines courses. Il n'y a pas d'ordres d'équipe et nous sommes libres de conduire comme nous l'entendons. McLaren n'a pas embauché deux champions du monde pour les empêcher de se battre.

«Tout est affaire de respect, selon moi. Il faut respecter son adversaire, lui laisser un espace sécuritaire dans une tentative de dépassement, et compter qu'il fera la même chose si c'est vous qui tentez de passer. Cela dit, les accrochages font partie de la course.»

Lewis Hamilton, McLaren, troisième avec 84 points

«Je n'hésiterai jamais si j'ai une chance d'effectuer un dépassement, que ce soit pour la première ou la 20e place. Il faut néanmoins tenir compte de la personne qui est devant. Entre coéquipiers, il faut respecter l'équipe et ne pas mettre en danger le résultat collectif. La priorité est toujours d'obtenir un maximum de points pour l'équipe.

«Mais si une chance de passer se présente et que les conditions sont favorables et sécuritaires, nous le ferons sans problème. Ça s'est déjà produit en Turquie. Jenson m'a passé, puis j'ai repris le premier rang. Cela a été serré, nos voitures se sont même touchées, mais nous n'avons jamais risqué la victoire de McLaren.»

Fernando Alonso, Ferrari, quatrième avec 79 points

«Il n'y a aucune directive d'équipe chez Ferrari. Felipe et moi sommes libres de nous battre à notre guise et nous nous sommes d'ailleurs affrontés à quelques reprises déjà cette saison. Cela dit, nous sommes l'un et l'autre assez expérimentés pour savoir jusqu'où nous pouvons aller. Webber et Vettel ont franchi cette limite en Turquie et cela leur a coûté cher.»

Sebastian Vettel, Red Bull, cinquième avec 78 points

«C'est un peu ce qui s'est produit en Turquie et cela a mal tourné pour l'équipe. Mais, malgré cela, je crois que je ferais exactement la même chose si les circonstances se reproduisaient ici.

«Ma voiture était plus rapide, Hamilton se rapprochait derrière moi et j'étais convaincu qu'il allait me passer d'un tour à l'autre. Dans mon esprit, je n'avais pas le choix si je voulais assurer la victoire de l'équipe. Je suis convaincu que Mark (Webber) aurait aussi fait la même chose à ma place. Nous sommes coéquipiers, mais aussi des adversaires.

«Mon seul regret est que nous ayons perdu tous ces points pour l'équipe.»