Oui, il est redevenu possible pour les écuries indépendantes de gagner en F1, sous le nez des grands constructeurs automobiles.

Sébastian Vettel en a fait la preuve, hier à Shanghai, en remportant la toute première victoire de l'écurie Red Bull Racing. L'Allemand, suivi par son coéquipier Mark Webber, a laissé dans son sillage les Ferrari, BMW, Renault et autres Toyota, soutenus par leur immense machine financière et technique.

 

Certes, RBR n'est pas exactement une petite écurie de la taille de la défunte Minardi. Red Bull vend assez de boisson en petites canettes pour que son écurie ne se contente pas de défiler en fond de peloton. N'empêche, depuis leur arrivée dans le cirque, en 2005, les ingénieurs doivent composer avec des composantes - pensons aux moteurs Renault - qui ont d'abord été conçues pour d'autres.

Chez Renault, on peut configurer le V8 pour convenir aux spécifications du châssis. Chez Red Bull, on fait avec. Et on fait fichtrement bien. Il faut dire que le cerveau derrière la RB5 n'est nul autre qu'Adrian Newey, de l'avis de beaucoup le plus génial des ingénieurs de F1. Les succès des Willams et des McLaren dans les années 90, c'est lui... Et hier, sa dernière création était la plus rapide, la mieux équilibrée.

Il y aura sans doute des rabat-joie pour dire que la pluie a donné un petit coup de pouce à l'écurie anglo-autrichienne. Vrai, sous des trombes d'eau, les différences technologiques s'amenuisent et les châssis finissent presque par se valoir. À preuve: on a bien failli se retrouver avec la Force India d'Adrian Sutil dans les points!

Parfait sur toute la ligne

Sauf que la pluie oblige aussi les pilotes à se surpasser. Ils doivent compléter sans accrochage 56 tours sur une piste inondée, en recevant en pleine figure l'eau poisseuse des voitures d'en avant. Pas une mince affaire. Combien de pilotes ont visité les bacs à gravier, hier? Combien sont partis en aquaplanage? Presque tous, mais pas Sebastian Vettel.

Tout le week-end - et peu importe la couleur du ciel -, l'Allemand a été parfait. Parfait en qualifications, où il a réussi à arracher la position de tête avec un seul et unique tour. Bonjour la pression: à la moindre erreur, il était cuit. Parfait en course aussi, maîtrisant sa monture dans des conditions archi difficiles.

Bref, Vettel et toute la joyeuse bande de chez Red Bull ont de quoi être fier de leur succès à Shanghai. Depuis cinq ans, ils triment pour des miettes en regardant les autres boire le champagne. Ils peuvent enfin s'y tremper les lèvres. Mieux, ils ont réussi là où des équipes mieux nanties échouent. Toyota dépense des fortunes en F1 depuis 2002, sans jamais avoir fait mieux qu'une deuxième place.

Reste maintenant à voir comment Red Bull (et les autres) s'en tireront si les cieux peuvent arrêter de se vider chaque Grand Prix. Parce que les courses qui s'ouvrent ou se terminent derrière la voiture de sécurité, ça commence à bien faire...