Il y a Dieu et il y a Torto. Les deux sont partout et les deux n'ont pas besoin de parler anglais pour couvrir la planète.

Il y a Dieu et il y a Torto. Les deux sont partout et les deux n'ont pas besoin de parler anglais pour couvrir la planète.

Torto, qui est tout de même un seul homme en une seule personne, lançait, hier, «son» livre. Ça s'appelle Mes coups de coeur, mes coups de gueule et c'est écrit par Martine Camus, une journaliste française, vieille copine de Torto qui a déjà quelques bons bouquins à son crédit.

Torto, c'est Christian Tortora. Mais s'il y a encore un seul Québécois qui l'ignore, on tient à féliciter sa mère, il est né hier!

Les vieux potes à Torto étaient présents au Newtown malgré des horaires chargés d'un week-end de Grand Prix. Et ceux qui ne pouvaient pas être présents, le midi, l'ont retrouvé au Soubise, hier soir, pour célébrer EN PLUS son 500e Grand Prix de Formule 1. En fait, le 500e, ce sera celui d'Indianapolis, mais les amis de Torto sont toujours prêts à fêter deux fois un même événement. Un verre de rouge, c'est encore meilleur quand il y a un prétexte.

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Torto, je l'aime. À part une personne, je ne connais personne qui n'aime pas Torto. Oh! Certains peuvent ne pas être d'accord avec lui. D'autres peuvent trouver qu'il parle trop. Y en a même qui se meurent d'envie quand ils pensent à la vie de bum grand seigneur qu'il a vécue. Ou plutôt, de grand seigneur un peu bum qu'il aura connue.

Torto a-t-il déjà travaillé une journée? Je l'ai vu discuter, je l'ai vu converser au-dessus d'un café, j'ai suivi semaine après semaine la construction de sa maison, ou plutôt, de son domaine en Provence qu'il a baptisée Le Petit Québec.

J'ai été assis à ses côtés quand il faisait ses commentaires à RDS ou j'étais avec lui, pissant de rire, quand il décrivait à CKAC les cabanes à putes près du circuit de Hungaroring en Hongrie. Si seulement Torto n'avait pas chronométré le temps nécessaire pour «satisfaire» un Allemand soûl, on aurait pu rester sérieux.

J'ai braillé de rire, dans son dos, quand il est sorti de l'océan à Buzios au Brésil en me disant d'une voix chuintante: "«Wéwean, c'est une catastrophhhhe». Torto avait perdu ses dents dans la mer. On a passé une heure sur la plage à espérer qu'une vague nous renvoie les précieuses dents, mais en vain.

Le soir, Torto avait une grande sortie mondaine avec des patrons de la télé suisse. Il n'a jamais si peu parlé.

Le miracle, c'est que dans le village de Buzios, on ait trouvé une jeune dentiste. Et que 24 heures plus tard, Torto avait retrouvé de nouvelles dents.

Mais une semaine plus tard, en Argentine, quand Torto sortait une lime pendant une pause commerciale à RDS pour une petite délicatesse... de ses nouvelles dents, vous pensez-pas qu'on voulait mourir de rire en allant se réfugier dans les toilettes?

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Vous le savez, Torto a toujours l'air d'un prince. Même quand, un soir en Hongrie, je levais la tête et que je voyais un splendide «clair de lune» penché sur un lavabo. C'était Torto, avec sa petite boîte de Tide qui lavait ses petites culottes.

- Torto, je comprends pas, t'as sept slips dans ta valise, je les ai vus tantôt...

- Les slips, c'est au cas où. J'aime mieux faire mon lavage à tous les soirs.

Génial. Torto a donc étendu son slip dans la douche pour le faire sécher. Mais la douche n'était pas très haute et je suis plutôt grand. Vous avez déjà pris une douche avec les petites culottes de Torto sur la tête?

Et cette fois, à Cherating, en Malaisie... Le Club Med est plutôt bien à Cherating. Le seul problème, c'est les singes. Ils ont pris le contrôle du club et comme ils sont aussi intelligents... qu'un singe, il faut passer un test de quotient intellectuel pour être certain qu'on est du bon côté de l'Évolution.

Un après-midi, on revenait de la plage quand Torto est sorti de sa chambre sur pilotis en catastrophe: «Réjean! Je me suis fait cambrioler!»

Je suis accouru. La chambre était en désordre. Les tiroirs renversés. Mais Torto s'est vite rendu compte qu'on ne lui avait rien volé. Sauf quelques bananes qu'il avait rapportées de la cafétéria.

Mais alors, c'était quoi l'histoire?

À un moment donné, Torto a remarqué de longues traces brunes sur son lit blanc. Et nous avons compris. Les singes de Cherating ont appris à ouvrir une porte qui n'est pas verrouillée. Ils se sont régalés dans les bananes à Torto et en plus, comme ils sont propres, ils se sont essuyés le derrière sur le couvre-lit du grand reporter!

Que voulez-vous que je vous dise, quand on s'est raconté l'histoire au souper, en y ajoutant moult détails, y a encore fallu essuyer nos lunettes. Y avait trop de brume dedans...

Mais un vendredi soir, le 24 octobre 1997, deux jours avant la victoire décisive de Jacques Villeneuve, à Jerez, j'ai eu la plus belle démonstration du brio de Christian Tortora. J'étais couché dans mon lit, il était 11 h 30 en Espagne, 5 h 30 à Montréal, et je venais de terminer une intervention à la radio de CKAC.

Nous partagions une sorte de suite modeste avec une terrasse sur le toit de la chambre. Et là, dans la nuit espagnole, Torto s'est mis à raconter comment les bombardiers américains décollaient de la base aérienne voisine pour aller bombarder Bagdad pendant la Guerre du Golfe quelques années auparavant. J'avais demandé au technicien de me laisser en ligne pour écouter Torto et je me disais: «Mais où est-ce qu'il va chercher tout ça?». Puis, je me rappelais que Torto, dans une vie précédente, avait couvert quelques guerres pour CJMS.

Deux jours plus tard, il se serrait la gorge pour ne pas laisser passer un sanglot quand son «Jacques» devenait champion du monde.

Comme s'il lui avait tenu la main pendant toutes ces années.

Il y a mille histoires tordantes que Torto n'a pas racontées dans son bouquin. Il n'avait pas besoin. Juste raconter ce qu'il a vécu au Québec avec Marcel Béliveau, juste à rappeler qu'il a couvert des guerres au Liban, des élections papales, des révolutions, qu'il a été attaqué aux Philippines, kidnappé, volé et laissé pour mort pendant 48 heures avant qu'il ne reprenne conscience. Dire que cet unilingue invétéré a dit «coffee» en reprenant ses esprits, fallait qu'on l'ait drogué solide.

Mais ce que j'ai aimé le plus, ce sont tous ces tableaux personnels aux mille couleurs qui font vivre des grands comme Frank Williams, Ron Dennis, Ronnie Peterson, Gilles Villeneuve, Alain Prost, Ayrton Senna...

De la bonne viande, délicieusement assaisonnée par le grand coeur de Christian et le talent de Martine Camus.

Les cyniques vont trouver plein de défauts à ce livre tout torto - (sic). Les gens de coeur vont beaucoup aimer.

Je vous souhaite d'être une personne de coeur.