Moi j'étais sur place, à Zolder. On n'était que deux journalistes québécois, Guy Robillard et moi.

Moi j'étais sur place, à Zolder. On n'était que deux journalistes québécois, Guy Robillard et moi.

Lorsque l'accident s'est produit, avant de l'annoncer sur tous les toits, j'ai appelé les Villeneuve. C'était bien normal de commencer par eux. À l'époque, je collaborais avec CKVL-CKOI et c'est souvent à travers mes reportages qu'ils pouvaient suivre leur fils.

Gilles a été transporté à l'hôpital de Louvain. Les médecins belges ont discuté longtemps au téléphone avec un médecin québécois, spécialisé dans la moelle épinière. Ça laisse croire qu'ils avaient peut-être espoir de le sauver.

Entretemps, il a fallu rejoindre Joann. Pour une rare fois, elle n'était pas aux côtés de Gilles. Elle était restée à Monaco pour la première communion de Mélanie. Lorsqu'elle est arrivée à Louvain, elle a discuté une bonne heure avec le médecin avant de prendre la décision de débrancher Gilles.

Quand je me remémore ces événements, je me dis à froid que je ne serais plus capable de faire ce que j'ai fait à ce moment-là, sous le coup de l'émotion. Je n'ai pas dormi pendant 48 heures. J'ai dû m'occuper de tout. Bien plus que de ne pas avoir dormi, je me demande comment j'ai pu me débrouiller pour faire autant de choses aussi vite, sans même y réfléchir.

Il a entre autres fallu obtenir une autorisation du premier ministre Trudeau pour faire détourner un avion militaire vers la Belgique. Je croyais que l'avion serait vide, mais il transportait des familles de soldats qui revenaient d'Allemagne.

Ces gens-là sont débarqués au moment où le corps de Gilles a été mis dans la soute. Des militaires étaient de chaque côté du cercueil, il y avait des drapeaux & C'était d'une très grande dignité. Tout le monde pleurait. Puis, quand Joann et les enfants sont montés à bord, c'est là que j'ai réalisé que c'était fini. Que Gilles n'était plus là.

***

À notre arrivée à Montréal, c'était la cohue. La presse du monde entier attendait. Mais il ne faut pas s'en surprendre. Gilles était aimé partout. Pour ses exploits, certes, mais surtout à cause de son charisme.

En Italie, il est toujours le pilote favori. Si, pour nous, la mémoire de Gilles est encore vive, ce l'est tout autant pour les Italiens. Ils l'avaient adopté. Dès son arrivée chez Ferrari, Gilles n'avait pas mis de temps à apprendre l'italien. Enzo Ferrari l'appelait «Il Piccolo». Il le considérait presque comme son fils. En Italie, des places, des rues, des squares ont été nommés à sa mémoire. Même Michael Schumacher, durant ses années Ferrari, devait passer tous les matins devant un buste en bronze de Gilles Villeneuve lorsqu'il arrivait à la piste privée de Fiorano.

Les gens adoraient son cran, le fait qu'il aimait batailler. Qui ne se rappelle pas de son duel avec René Arnoux qui a fait le tour de la planète?

D'ailleurs, c'est assez ironique. Gilles, qui avait toujours le pied au fond, n'avait toujours voulu que gagner des courses. Il se moquait du championnat des pilotes. Or, en 1982, il avait enfin décidé de gérer ses courses, quitte à se mettre parfois en retrait, afin de gagner le championnat. Mais le destin en a décidé autrement.

Heureusement, Jacques a plus tard concrétisé le rêve de son père...

Propos recueillis par Marc Antoine Godin